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forçage génétique

Des chercheurs sont parvenus à modifier les règles de l’hérédité chez les mammifères

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La maîtrise de CRISPR, cet outil surpuissant de manipulation génétique, fait chaque jour des progrès qui nous amènent sur des territoires de plus en plus inquiétants. Des scientifiques américains annoncent avoir réussi pour la première fois à modifier les caractères héréditaires d’un mammifère. Des souris ont ainsi été traitées avec les ciseaux moléculaires CRISPR afin que la modification de leurs gènes se transmettent massivement d’une génération à l’autre, sans tenir compte des règles naturelles de l’hérédité. Cette technique de « gene drive » a déjà été utilisée sur des insectes et notamment des moustiques pour éradiquer une espèce, mais jamais sur des mammifères.
 
Ce sont des généticiens de l’Université de Californie à San Diego qui sont à l’origine de cette expérience, rapportée dans la revue Nature ce 23 janvier. En utilisant l’outil d’édition génétique CRISPR-Cas 9, ils sont parvenus à modifier sur des souris le gène de la tyrosinase (Tyr, qui affecte la couleur de robe de souris). Dans la nature, un trait génétique est transmis d’une génération à l’autre en suivant les règles établies par Mendel. Du fait de cette hérédité mendélienne, il y a 50 % de chances que les copies maternelles d’un gène particulier soit transmis à la progéniture. Dans l’expérience menée à San Diego, la manipulation génétique a consisté à changer ce rapport de 50 % pour l’augmenter au maximum. C’est ce que l’on appelle le forçage génétique ou gene drive. La généticienne Kimberly Cooper qui a participé à cette recherche affirme que le taux de transmission a été augmenté jusqu’à 86 %. « C’est le premier article décrivant de façon robuste les travaux de recherche sur le forçage génétique chez les mammifères », déclare à The Scientist Bruce Whitelaw, un chercheur de l’Université d’Édimbourg qui n’a pas participé à l’étude.
 
Cette recherche démontre que le forçage génétique permet ainsi d’échapper aux lois de Mendel et de répandre en accéléré une modification particulière du génome dans l’ensemble d’une population d’individus à reproduction sexuée (avec mâles et femelles). Le forçage génétique manipule à son avantage deux piliers de la sélection naturelle : mutation et hérédité. Premièrement, les mutations n’apparaissent plus au hasard mais exactement là où le forçage génétique a été conçu pour agir, et la séquence d’ADN souhaitée est produite. Deuxièmement, alors qu’un parent transmet normalement la moitié de ses gènes à son enfant, ici un parent transmet la séquence de forçage génétique presque à tous les coups.
 
Les scientifiques qui ont mené l’expérience semblent conscients qu’ils viennent d’entrouvrir une boîte de Pandore. « Les scientifiques qui font ce travail sont bien conscients des risques, et tout ce que je sais, déclare le Professeur Cooper, c’est que je réfléchis profondément à la façon de concevoir des systèmes de transmission de gènes qui pourraient être autolimités et/ou éteints d’une manière ou d’une autre. »
 
Avec CRISPR et le forçage génétique, les scientifiques possèdent désormais le pouvoir technique d’accomplir de main humaine et avec une indéniable facilité ce que la métaphysique judéo-chrétienne prétendait être le fait de Dieu : faire à notre usage et à notre avantage n’importe quelle espèce, et potentiellement la totalité de la Création. Ou faire purement et simplement disparaître une espèce de la surface de la Terre. On ne peut manquer de s’interroger sur les implications éthiques de ce pouvoir. Le problème est par ailleurs que, sous couvert d’humanisme, ce pouvoir peut avant tout servir les intérêts économiques particuliers de groupes peu soucieux de l’intérêt général, comme on l’a vu au XXe siècle dans l’usage des biotechnologies.
C’est pourquoi la question d’utiliser le forçage génétique dans la nature ne comporte pas seulement des risques écologiques et sanitaires réels, mais constitue aussi un enjeu métaphysique, politique et économique.
 
D’autant, qu’avec le gene drive, les conséquences sont irréversibles. Une fois les séquences de forçage génétique relâchées dans la nature, nous n’avons plus les moyens d’en arrêter la propagation. « Parce que le forçage génétique a le potentiel de modifier une espèce entière, une réglementation appropriée de cette technologie est une nécessité majeure », écrit le généticien Bruce R. Conklin du Gladstone Institute of Cardiovascular Disease dans un commentaire sur cette nouvelle recherche.
 

LIRE DANS UP : « Forçage génétique » : droit de vie et de mort sur les espèces vivantes, jusqu’où ? et Le forçage génétique pour éliminer les espèces

 
Image d’en-tête : Une portée représentative de souris. Une robe blanche indique qu’un gène spécifique  a été modifié par CRISPR-Cas9. – GRUNWALD ET AL, NATURE, 2019.
 

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