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Famille. La loi de l’offre et de la demande

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Dans La Crise de la culture (1), Hannah Arendt avait affirmé que la continuité d’une civilisation ne peut être assurée que si règne une autorité qui amène les nouveaux venus à accepter, comme une valeur absolue, des règles préétablies . Cette autorité ne devait s’appuyer ni sur la violence ni sur la persuasion, mais sur la seule acceptation d’une référence absolue.

Traditionnellement, dans la famille, l’autorité c’est le pouvoir du père, parce qu’il est père. Dans la société actuelle, rien n’est devenu plus étrange que cette idée parce que le seul fondement accepté est le fondement démocratique, c’est-à-dire l’égalité, la réciprocité contractuelle et le rejet de l’argument d’autorité. Dans de nombreuses institutions sociales –comme l’entreprise, entre autres –, c’est l’argument démocratique qui prédomine. Cet argument s’installe aussi dans la sphère privée, avec des conséquences considérables.

● Le cas de la famille est significatif. En effet, l’application du principe démocratique a pour conséquence de désinstitutionnaliser la famille et d’en faire un lieu d’échanges entre des individus qui sont certes solidaires, mais égaux. L’échange, la relation contractuelle prime sur la relation d’autorité. Ce changement impacte directement la notion de temporalité au sein de la famille puisque cette dernière n’est plus articulée sur un passage temporel de génération à génération, mais sur un système de relations immédiates et individuelles (2) . Dans ce nouveau cadre, – parfaitement décalqué de celui des réseaux hyperinformationnels et économiques – il est admis que les parents ont à apprendre autant de leurs enfants que les enfants de leurs parents ; il y a égalité au sens démocratique du terme puisque nous nous situons dans une relation contractuelle.

● Dès lors, lorsque l’on se retrouve situé dans un système relationnel fondé sur l’échange et la négociation, l’idée de transmission –et notamment d’éducation– est altérée, voire suspecte. Au nom de quel droit, les parents (mais la question est aussi valable pour les enseignants) pourraient-ils imposer certaines règles et certains choix puisque l’enfant est détenteur légitime de droits ? Le temps immuable – hors du temps, qui résiste à son usure– de l’institution famille, comme de l’institution école, se trouve ainsi dilué dans le temps immédiat du monde présent*. Zaki Laïdi explique que « la transmission devient une sorte de bourse des savoirs où une offre venant des parents ou de l’école est soumise à une demande (3). » On observe ainsi une désacralisation instrumentale de la transmission (4), assimilée à une simple opération de communication, à une somme de signes et de contenus plus ou moins légués, alors qu’elle est traditionnellement fondée sur un montage symbolique et fictionnel répété à travers les générations.

● Comme dans la société hyperinformationnelle, il est question ici d’épargne des détours et des intermédiaires inutiles. La transmission est réduite uniquement à celle des savoirs concrets, caractérisés par leur obsolescence rapide. L’aboutissement d’une telle logique apparaît clairement : c’est celle de la réduction de l’éducation à un stockage de savoirs, dans lequel on puiserait selon ses goûts et ses besoins ; savoirs susceptibles d’utilisation immédiate, voire de pratiques d’auto-apprentissage, libérées définitivement de toute médiation.

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(1) Hannah ARENDT, La crise de la culture, Gallimard, 1989

(2) Cf. Irène THERY, Familles et transmission aujourd’hui, in Villa Gillet n° 10, novembre 1999, éd. Circe

(3) Zaki LAÏDI, Le sacre du présent, Flammarion, 2000

(4) Cf. : Pierre LEGENDRE, L’inestimable objet de la transmission, Fayard, 1985

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