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GWAS

Les recherches en génétique comportent un énorme biais que nous ne pouvons plus ignorer

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C’est un véritable pavé dans la mare que vient de lancer des généticiens de l’université de Pennsylvanie. La quasi-totalité des études génétiques actuellement réalisées comportent un biais méthodologique qui risque de fausser tous les résultats ou donner une vue partielle de la réalité. Ces recherches d’association pangénomiques servent à la fabrication de nouveaux médicaments, à l’élaboration de traitements et à la mise au point de mesures de prévention. Un enjeu de santé publique à l’échelle du monde qui doit être corrigé le plus rapidement possible.
 
Imaginez qu’on vous présente les résultats d’un sondage « représentatif de la population française » qui serait composé de 80 % d’hommes, de 70 % de personnes vivant à la campagne et de 78 % de personnes âgées de plus de 65 ans. Que diriez-vous ? Que ce sondage est biaisé et que les résultats ne sont pas fiables du tout. C’est à peu près ce qui se passe avec les études génétiques qui sont actuellement menées par la multitude de chercheurs partout dans le monde. Les bases de données génétiques qu’ils utilisent dans leurs études sont faussées : elles sont, à hauteur de 78 %, composées de profils européens, 10 % d’Asiatiques, 2 % d’Africains, et un petit cocktail pour le reste. Des proportions qui ne représentent en rien la population humaine.
Les personnes d’origine européenne s’avèrent être largement surreprésentées et les populations ethniquement diverses largement exclues de la recherche en génomique humaine. Ce manque de diversité dans les études a de graves conséquences pour la science et la médecine.
 
Les études d’association pangénomiques (les scientifiques utilisent l’acronyme GWAS pour Genome Wide Association Study) sont largement menées dans les recherches génétiques. Elles consistent à analyser plusieurs variations génétiques chez de nombreux individus, afin de mettre en évidence leurs corrélations avec des traits phénotypiques tels que les maladies humaines majeures par exemple. On peut ainsi mener une comparaison de séquences ADN entre individus possédant plusieurs phénotypes différents pour un caractère particulier comme la taille, le poids, l’âge etc.
Depuis les années 2000, le développement des technologies de séquençage et de génotypage à haut débit a ouvert la voie à l’obtention rapide d’un très grand nombre de génotypes. Il est alors devenu possible de génotyper un grand nombre de marqueurs génétiques chez un grand nombre de sujets. C’est cette opportunité technologique qui a ouvert la voie à la multiplication des GWAS à très grande échelle chez un grand nombre de sujets atteints de maladie génétique « complexe » et un grand nombre de sujets témoins.
 
Ces études sont utilisées pour prédire le risque de maladie, mettre au point des traitements médicaux et planifier d’autres recherches et études. Leur portée n’est pas anodine. S’il s’avère que ces études ne reflètent pas une vue de l’ensemble de la population humaine, il peut y avoir des biais dans les résultats, avec des conséquences importantes. Même si les études individuelles sont scientifiquement fondées, l’extrapolation à partir d’un échantillon incorrect peut induire des erreurs et des fausses interprétations. Le biais dans les données limite la compréhension des scientifiques des facteurs génétiques et environnementaux qui influencent la santé et la maladie. Elle limite également la capacité de faire des prédictions précises du risque de maladie d’une personne en se basant sur la génétique et de développer de nouvelles approches thérapeutiques potentiellement plus efficaces.
 

Injuste et préjudiciable

De surcroît, « Laisser des populations entières en dehors des études de génétique humaine est à la fois scientifiquement préjudiciable et injuste », déclare l’une des chercheuses, la généticienne évolutionniste Sarah Tishkoff de l’Université de Pennsylvanie. « Il se peut que nous manquions des variantes génétiques qui jouent un rôle important dans la santé et la maladie au sein de populations ethniquement diverses, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes en termes de prévention et de traitement des maladies. » ajoute-t-elle.
 
Pour aboutir à cette alerte importante, le professeur Sarah Tishkoff et ses collègues ont examiné les milliers de publications répertoriées dans le catalogue du GWAS afin d’en tirer des chiffres et d’analyser le risque génétique dans des domaines de santé particuliers comme les maladies rénales et la schizophrénie.
 
Selon l’équipe, dont les travaux ont été publiés dans la Revue scientifique Cell, l’application des résultats sur le risque génétique obtenus auprès d’Européens ne fonctionnerait pas nécessairement chez les non-Européens, en raison des variations transmises au cours de l’histoire de l’évolution, puisque les humains sont originaires de différentes régions et s’y sont répandus au cours de centaines de milliers d’années. Les variations génétiques humaines s’expliquent par les différences dans l’histoire évolutive des populations humaines, y compris celles résultant de la migration hors d’Afrique des humains modernes et de tous les événements ultérieurs. Par conséquent, une compréhension complète de la génétique humaine et de sa relation avec la maladie nécessite des études chez des personnes représentant l’ensemble du « paysage de la variation humaine ».
 
Certaines maladies sont liées à une seule variante génétique, mais d’autres sont associées à de nombreux gènes différents, ainsi qu’à des facteurs environnementaux – c’est là que l’absence d’un large échantillon non biaisé devient un véritable problème. « Le manque de diversité dans les études de génomique humaine risque d’exacerber les inégalités en matière de santé », affirme Scott M. Williams, de la Case Western Reserve University School of Medicine de l’Ohio, l’un des membres de l’équipe derrière la nouvelle recherche. Il précise : « Par exemple, des approches sont en cours d’élaboration pour prédire le risque de maladies comme la maladie d’Alzheimer, la cardiopathie ou le diabète en fonction de leur statut pour plusieurs gènes. Mais de tels calculs basés sur des données provenant principalement de populations européennes peuvent ne pas s’appliquer à des personnes d’autres origines ethniques ».
 
Les nouveaux traitements ciblés mis au point sur la base de preuves génétiques, provenant principalement de personnes d’origine européenne, et les essais cliniques ultérieurs, également menés chez des personnes d’origine européenne, peuvent présenter des problèmes similaires lorsqu’ils sont prescrits à des personnes d’autres groupes.
 
Les chercheurs donnent l’exemple de la mucoviscidose, environ six fois plus fréquente chez les personnes d’origine européenne que chez les personnes d’origine africaine. L’allèle causal le plus courant dans le premier groupe représente 70 % des cas, mais seulement 29 % des cas dans le deuxième groupe.
 
Selon l’équipe, « il se peut que des mutations génétiques spécifiques se produisent dans des populations que nous n’avons pas suffisamment étudiées et, avec les effets de la dérive génétique à mesure que les populations se séparent, cela signifie que les résultats finaux de la recherche sur les GWAS ne seront peut-être pas aussi précis que nous le souhaiterions ». Les auteurs alertent : « Le manque de diversité ethnique dans les études de génomique humaine signifie que notre capacité à traduire la recherche génétique en pratique clinique ou en politique de santé publique peut être dangereusement incomplète, ou pire, erronée ».
 
La solution proposée par les chercheurs consiste à utiliser, pour les études futures, des biobanques dont les membres sont d’origines ethniques diverses et qui peuvent être reliées à des dossiers médicaux complets. Cela devrait se traduire par de meilleurs soins de santé pour tous.
 
Dans ce contexte, les chercheurs préconisent un effort concerté pour accroître la diversité dans les études de génomique humaine, ce qui nécessite un financement ciblant l’inclusion de populations ethniquement diverses et le développement d’une infrastructure de recherche clinique et génomique pour les populations négligées. Il y aura d’autres défis à surmonter, y compris la méfiance de certaines communautés à l’égard de la recherche biomédicale découlant des expériences passées d’exploitation.
« Ces initiatives nécessiteront la volonté politique d’améliorer le financement et l’infrastructure pour l’étude de la diversité génomique et phénotypique au sein des populations mondiales », affirme l’un des chercheurs, Giorgio Sirugo de l’Université de Pennsylvanie.
 
 
Sources : Science Alert, Cell
 

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