Les projets d’agriculture urbaine à but lucratif sur toitures
En milieu urbain, la toiture fait l’objet de nombreuses convoitises et devient un support pour intégrer la nature en ville, contribuer à l’embellissement, à l’amélioration de la biodiversité ou au renforcement des liens sociaux. Les projets d’agriculture urbaine s’intéressent à la production de végétaux (parfois de petits animaux) sur toitures dédiées ou réaménagées pour l’occasion, utilisent des techniques culturales hors-sol (avec substrat, en hydroponie ou en aquaponie). Leur particularité est de générer de la valeur et des emplois, mais aussi de soulever des difficultés techniques.
Un potager sur le toit du palais des Congrès à Chicago : Le premier exemple se situe à Chicago et présente un projet installé sur la toiture de l’université de Mc Cormick. La gamme de végétaux cultivés a été travaillée avec l’entreprise Saver afin de choisir des produits qui peuvent être distribués dans leur café et les restaurants du Palais des congrès. Initialement, les architectes avaient conçu la toiture du bâtiment avec une végétalisation de Crassulacées (principalement des Sedums) avec une épaisseur de substrat de 10-15 cm. Durant trois ans,
de la matière organique issue des déchets organiques des restaurants a été introduite dans le substrat existant. Il y est possible désormais de cultiver des légumes, en y mêlant des végétaux ornementaux pour conserver un caractère esthétique à l’aménagement. L’objectif est de donner envie de respecter la nature, d’apprécier un environnement végétal en milieu urbain, voire de cultiver un jardin avec ses voisins.

Des toitures hybrides à Paris : Le second exemple, situé à Paris, est le fruit d’une rencontre entre ERDF, la Mairie de Paris et l’association Veni Verdi. Le projet global de cette association a pour vocation de faire pousser des jardins partout où cela est possible, et de développer une agriculture sociale, participative, à moindre coût. Des fleurs sont intégrées dans les parcelles de culture pour favoriser les pollinisateurs et réaliser des actions pédagogiques avec les enfants. Sur ce toit, plus d’une dizaine de variétés légumières ont été plantées dans des bacs souples remplis selon la technique « des lasagnes » : plusieurs couches de matériaux variés superposées (compost, bois fragmenté, paille de lin, billes d’argiles, etc.). Certains employés d’ERDF viennent participer aux activités de jardinage et l’ensemble des produits issus de ce toit sont vendus directement aux salariés.
Les toitures sont le plus souvent hybrides, à la fois génératrices de lien social et de retour du végétal en milieu urbain. La Ville de Paris s’inscrit pleinement dans une politique de recolonisation des toitures par l’agriculture et le paysage, notamment avec son appel à projets « les Paris-culteurs » lancé en janvier 2016. Celui-ci invite les jardiniers, paysagistes, agriculteurs, entrepreneurs, acteurs de l’économie sociale et solidaire à développer des projets innovants d’agriculture urbaine et de végétalisation. Astredhor est d’ailleurs intégré à une équipe d’assistance à maîtrise d’ouvrage des services espaces verts de Paris. Cette équipe est composée d’un bureau d’études, une junior entreprise d’AgroParisTech et une agence de communication.
Sur les toitures, on trouve également de nombreux projets de serres, aux Etats-Unis (Brooklyn), au Canada, à Paris (Toit Tout Vert), en Suisse (UrbanFarmers), aux Pays-Bas. Les murs suscitent aussi de l’intérêt avec par exemple, le mur comestible créé par les américains pour l’exposition universelle de Milan. Pour les professionnels de la filière, c’est l’occasion de démontrer leur savoir-faire de maîtrise d’itinéraires techniques spécifiques aux conditions de culture sous abris et hors-sol (gestion du climat, mesures de prophylaxie, etc.). Toutefois l’implantation de serres en toiture demande une expertise spécifique : réglementation du bâti et non de la production (résistance aux secousses sismiques, évacuation fumée et du public en cas d’incendie, accessibilité, etc.), contraintes techniques (portance, logistique, résistance à l’arrachement, etc.) et dialogue avec les professionnels de la construction (phasages complexes, interface entre lots, notamment étanchéité et gros œuvre, sécurité, etc.). Il faut noter que l’outil de production implique alors un investissement plus important et qu’il n’est pas aisé de trouver l’équilibre économique.

Ferme potagère Peas&Love
La ferme urbaine potagère de Peas&Love : Il s’agit d’une nouvelle génération de fermes urbaines : les fermes potagères. L’idée vient de la société belge Peas&Love : créer une nouvelle génération de fermes urbaines qui s’installent sur des espaces urbains non valorisés, comme des toitures urbaines. Elles sont ouvertes toute l’année aux abonnés riverains qui peuvent ainsi profiter de la récolte et d’expériences liées à la nature en ville.
Chaque ferme est composée d’un ensemble de parcelles de potagers individuelles louées aux riverains clients -les Urban Farmers-. Grâce à un abonnement annuel, ils ont accès à la récolte de leur parcelle nominative ainsi qu’au partage d’espaces communs et d’expériences via des ateliers et des animations pour se retrouver dans la nature au cœur de la ville. Les parcelles sont entretenues par un Community Farmer, ingénieur agronome de formation, et sont composées de fruits et légumes locaux, de saison, cultivés en mode de production bio. Peas&Love propose des variétés de légumes et salades que l’on ne trouve pas en magasins, réintégrant des variétés oubliées, pour affirmer l’importance de la biodiversité dans l’alimentation.
Pour donner vie à ces potagers urbains, l’entreprise s’appuie sur les nouvelles technologies. D’un côté, elle met en place des techniques agricoles verticales low tech. De l’autre, elle propose à l’usager une application personnalisée, lui permettant de suivre l’avancée des cultures et des récoltes sur sa parcelle personnelle. Les abonnés ont ainsi accès à un espace vert exceptionnel au cœur de la ville, et dans le même temps à une alimentation plus saine et variée.
En optimisant la valeur du bâtiment, Peas&Love séduit également les propriétaires, bailleurs et collectivités qui bénéficient de son attractivité et de son intégration réussie dans la ville. Le concept s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire et crée en prime de nouveaux liens sociaux.
« Le concept Peas&Love est né de la rencontre de mes deux passions pour la nature et la cuisine saine », explique le fondateur Jean-Patrick Scheepers. « Nous avons à présent démontré la pertinence du modèle économique et nous voyons grand pour Peas&Love avec une prévision de 4000m2 de fermes au premier semestre 2018 répartis entre Bruxelles et Paris, avant de nous étendre dans toute la France et à Berlin pour 2019. »
La société, fondée par Jean-Patrick Scheepers, a ouvert son premier site à Bruxelles en 2016 sur le toit du magasin Caméléon avec 200 parcelles de potagers. Le 7 février 2018, les travaux ont débuté pour augmenter la surface de la ferme, qui ouvrira dès ce printemps 260 parcelles au public. En parallèle, Peas&Love annonce une nouvelle ouverture à Lasne, quartier au sud de Bruxelles, le 1er mai. La ferme se situera cette fois-ci sur un terrain agricole, créant une nouvelle utilisation de ce type de surface, et proposera 300 parcelles au public.
Une première ouverture à Paris est également prévue le 1er mai 2018 sur le toit de l’hôtel Yooma dans le 15ème arrondissement..