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Tribunal Monsanto
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Monsanto est-il coupable d’écocide ?

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Un tribunal symbolique contre Monsanto s’est tenu à La Haye (Pays-Bas) du 14 au 16 octobre 2016. Objectifs : répondre aux questions de la responsabilité légale des entreprises et des États dans la dégradation de l’environnement planétaire au vu du droit international existant ; et convaincre de la nécessité d’introduire la notion de crime d’écocide dans le droit international.
 
L’agriculture a été profondément modifiée, en moins d’un siècle. Il existe encore une agriculture vivrière et paysanne, mais cette dernière est menacée par l’agriculture industrielle. Cette agriculture, déconnectée des réalités locales et fortement dépendante des intrants chimiques, a eu de nombreuses conséquences : confiscation du droit des paysans à réutiliser leurs semences et marginalisation de millions d’entre eux, concentration croissante du marché des semences, réduction croissante de la biodiversité naturelle et agricole à la base de l’alimentation, épuisement des sols et des ressources en eau, pollution croissante de l’environnement planétaire liée aux produits agrochimiques dont ces nouvelles semences ont besoin… Ces conséquences portent gravement atteinte à l’intégrité des écosystèmes dont dépendent les populations humaines. Au final, les multinationales de l’agrochimie et semencières ont acquis un pouvoir considérable qui leur a conféré un rôle croissant dans la définition des règlementations nationales ou internationales, une influence délétère sur la recherche scientifique et une impunité générale.

LIRE AUSSI DANS UP’ : Ouverture du tribunal Monsanto à La Haye

Reconnaître le crime d’écocide

En 1966, à la suite de l’utilisation de l’agent Orange au Viêt Nam, les Nations unies débutent des discussions sur l’introduction du crime d’écocide. Il est alors question de réformer le droit international. Or, les quatre crimes retenus en 1998 dans le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) – crime contre l’humanité, crime de génocide, crime de guerre, et crime d’agression – ne suffisent plus à qualifier ce qui se produit en termes de destruction des écosystèmes.
 
Selon End Ecocide on Earth, un mouvement citoyen devenu planétaire, le crime d’écocide est « un endommagement étendu ou une destruction qui aurait pour effet d’altérer de façon grave des communs planétaires ou des systèmes écologiques » dont tout être vivant et l’humanité en particulier dépend. Il faut en effet sortir d’une vision anthropocentrée du droit pour réaffirmer l’homme dans sa condition d’interdépendance avec à la fois les espaces naturels « communs » que sont les océans, l’atmosphère, les pôles par exemple et les « systèmes écologiques » qui fournissent une eau propre et un air sain, ainsi que nourriture et habitat à chacun. C’est donc une toute autre place qui est ici assignée à l’homme, il devient une partie d’un tout, non plus le « propriétaire », disposant de « droits » sur ce tout.
 
Concrètement, les écosystèmes, desquels nous dépendons tous, sont détruits par des technologies industrielles irrespectueuses du vivant, conduisant à hypothéquer les conditions de vie des générations actuelles et futures. Des personnes physiques, mais aussi des entités morales, devraient donc pouvoir être poursuivies pour des écocides. L’écocide est un crime distinct et de responsabilité stricte, le plus souvent sans faute : c’est-à-dire une responsabilité liée aux conséquences de l’acte (en fonction d’une connaissance établie de ces conséquences) ne requérant donc pas de prouver une intention de nuire de la part de ses auteurs. Pour protéger les générations présentes et futures, il est nécessaire que soient reconnus les effets à long terme de la destruction de l’écosystème Terre et que soit donc protégé cet écosystème indépendamment de toute considération sur ses effets immédiats sur les populations civiles. Pour cela, la valeur intrinsèque des composants, processus et cycles vitaux de la Terre doit être reconnue. Ces dispositions permettent d’apporter et d’assumer toutes les innovations juridiques nécessaires à son application : la reconnaissance des droits de la Nature et des droits de l’Humanité – incluant donc les générations futures – mais aussi l’effectivité des droits des peuples autochtones.

LIRE AUSSI DANS UP’ : La réputation, talon d’Achille des multinationales qui trichent 

Un intérêt supérieur à celui des États

Sur un tel sujet, il est demandé à la Cour pénale internationale de statuer de façon indépendante en appliquant fermement le principe de compétence universelle, selon un intérêt supérieur commun placé au-dessus des États avec une juridiction possible sur n’importe quel territoire national. Les juristes d’End Ecocide on Earth ont rédigé une proposition de 17 amendements au statut de la CPI définissant très précisément ce qui devrait constituer un écocide en termes scientifiques mais aussi comment le juger efficacement. Ils proposent que le juge puisse sanctionner pénalement tous types d’entités morales, États comme multinationales, ainsi que leurs dirigeants, afin de ne pas perpétuer les régimes d’impunité actuels. En appliquant le principe de précaution sans dérogation, le juge international pourrait stopper des activités industrielles responsables d’écocides en cours ou susceptibles d’en provoquer, ceci par le biais de mesures conservatoires. En cas d’écocide avéré, les victimes doivent pouvoir faire appel aux principes de la justice « restaurative » pour contraindre les auteurs du crime à payer des réparations morales, physiques et/ou économiques.
 
Quand cela semblera requis et accepté, le juge pourra faire appel à des mesures de justice transitionnelle afin de trouver une issue pacifique à la plainte, ceci en encourageant les auteurs du crime à dire la vérité, à reconnaître les victimes, à présenter des excuses et à réparer leurs actes par voie de négociation. En cas d’accusation d’écocide, la vérité et la gravité des faits devra être déterminée par la Cour pénale internationale au regard des connaissances scientifiques de l’heure et reconnues par les Nations unies. Toutefois, dans la détermination de la peine applicable, le juge pourra faire recours à l’intention de l’auteur de l’acte, laquelle intention constituera un élément atténuant ou une circonstance aggravante. Des peines d’emprisonnement et la dissolution d’une entreprise pourraient être prononcées selon la gravité des faits.
 
Arnaud Apoteker, coordinateur du Tribunal Monsanto de La Haye et Valérie Cabanes, juriste en Droit International spécialisée dans les Droits de l’Homme, auteur de « Un nouveau Droit pour la Terre, pour en finir avec l’écocide » (Seuil – 2016).
 
Cet article a été publié initialement sur le site spécialiséinf’OGM
 

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