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Ceux qui lisent le fil d’actualités de Facebook seraient-ils plus informés que les autres ?

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Il leur suffit de jeter un coup d’œil au fil d’actualité de leur réseau social favori pour se sentir parfaitement au courant de l’actualité. Un titre, une image, quelques lignes d’introduction suffisent.
En matière d’information, certains se contentent de peu. Ils sont même beaucoup plus persuadés que ceux qui vont lire l’article en entier, qu’ils ont fait le tour de la question. Une surestimation de connaissances, en réalité partielles et incomplètes, qui favorisent la malnutrition informative mais aussi le développement des fake news et autres théories du complot. Il s’agit pourtant d’une façon de s’informer qui touche une grande proportion de la population puisque 28 % des français (47 % des moins de 34 ans) ne s’informe qu’à travers les réseaux sociaux.
 
Les médias d’information, qu’ils soient généralistes ou spécialisés, postent tous leurs nouvelles sur les réseaux sociaux afin d’amplifier l’audience et le partage de leurs contenus. UP’ Magazine, par exemple, comme ses confrères, publie la plupart de ses articles sur sa page Facebook. En réalité, ce qui est publié et offert au partage sur le réseau consiste en quelques éléments rudimentaires : le titre de l’article, une photo et quelques lignes (pas plus de une ou deux) extraites de l’introduction de l’article. Un lien propose aussi à l’internaute de poursuivre sa lecture sur le site du média. Ce post sera ensuite partagé à travers des centaines, voire des milliers de comptes d’utilisateurs Facebook qui le proposeront ensuite à leurs propres « amis » et ainsi de suite. C’est ainsi que certaines informations font ce qu’il est convenu d’appeler « le buzz ». En réalité, ce qui est partagé, c’est unéchantillon de l’information, un avant-goût, un aperçu de l’article, mais certainement pas la totalité de l’article, de son argumentation, de son analyse et des informations produites. Le travail du journaliste est ici réduit à sa plus simple expression. Ce que le média espère, c’est que cet « échantillon » sera suffisamment alléchant pour inciter l’internaute à aller plus loin et à poursuivre la lecture de l’intégralité de l’article sur le site du média.
 

Surestimation et faux-semblant

Hélas ! Le nombre des internautes qui sont exposés à l’ « échantillon » se réduit comme peau de chagrin quand il s’agit de lire l’article intégral. Il ne s’agit pas là forcément d’un désintérêt pour le sujet traité. Beaucoup d’internautes ne vont pas plus loin parce qu’ils ont le sentiment d’avoir été suffisamment informés à l’exposition de cet échantillon. Inutile d’aller plus loin que les deux lignes d’introduction, ils ont tout compris du sujet et s’estiment ainsi suffisamment savants sur la question traitée. Pire encore, ce type de population se dit plus informée que ceux qui ont lu l’article en entier. Une surestimation de ses connaissances qui pourrait choquer mais qui semble être la règle. La plupart des utilisateurs des réseaux sociaux n’ayant qu’un engagement superficiel et passager, leur exposition à l’information crée l’illusion d’un apprentissage, qui n’est qu’un faux-semblant.
 
C’est ce que vient de révéler une étude d’universitaires américains publiée dans la très sérieuse revue Research and Politics. L’étude a divisé un millier de participants en trois groupes égaux afin de mesurer la quantité de connaissances qu’ils avaient acquises sur une question et la quantité de connaissances qu’ils croyaient avoir acquises.
Le premier groupe a été invité à lire un article complet du Washington Post sur les aliments génétiquement modifiés (OGM). Un deuxième groupe, de taille équivalente a été exposé à un fil d’informations Facebook dans lequel était présent sous forme de post un « échantillon » de l’article du Washington Post, c’est-à-dire un bref extrait du chapô de l’article. Le troisième et dernier groupe n’a reçu aucune information.
Enfin, un questionnaire a été administré à tous les participants pour évaluer leur « style cognitif » c’est-à-dire s’ils étaient par exemple plutôt sensibles à des informations à haute charge émotionnelle ou au contraire très élaborées en termes de rationalité.
 
Pour évaluer leur niveau de connaissance sur les aliments génétiquement modifiés, les participants ont été soumis à six questions factuelles. Cinq réponses se trouvaient dans l’article et trois réponses étaient présentes dans l’ « échantillon » du post de Facebook. Pour mesurer leur niveau de confiance, on a également demandé aux participants d’estimer le nombre de questions auxquelles ils avaient répondu correctement.
 
Comme on pouvait s’y attendre, ceux qui ont lu l’article complet ont répondu correctement à la plupart des questions, tandis que ceux qui ont lu l’échantillon n’ont obtenu qu’une seule réponse correcte de plus que ceux qui n’ont reçu aucune information du tout. Mais ce qui est plus intéressant, c’est que les résultats suggèrent que les personnes qui ne lisent que les échantillons avaient une confiance surestimée de leurs connaissances. De plus, les participants dont le style cognitif est davantage guidé par l’émotion ont tendance à être plus sûrs de la véracité de leurs connaissances.
 
Les participants à cette enquête qui n’ont été exposés qu’à l’échantillon de l’information déclarent plus que les autres avoir une forte confiance dans leur connaissance du sujet. Une fausse confiance qui peut avoir de graves répercussions. En effet, non seulement elle rend les internautes concernés plus vulnérables aux fausses nouvelles et à la désinformation, mais aussi, elle surestime leur niveau réel d’information sur des grands sujets sociétaux ou politiques.
 

La place majeure des réseaux sociaux pour l’information

Ce risque est d’autant plus élevé que les réseaux sociaux prennent une place dominante dans la consommation d’information. Un sondage réalisé par l’Ifop en décembre dernier a mesuré les sources d’information des français. Internet et les réseaux sont le moyen principal d’information pour 28 % de l’ensemble de la population. Ce chiffre grimpe à 45 % pour la catégorie des 18-24 ans et 46 % pour les 25-34 ans.
En moyenne, les sites des grands médias font presque jeu égal avec les réseaux sociaux (respectivement 36% et 33% des sondés affirment les utiliser en premier). Sauf que là encore, l’âge joue beaucoup : plus on est jeune, plus on privilégie Facebook, Twitter, Snapchat ou Instagram. La moitié quasiment des moins de 35 ans (47%) s’informe en priorité sur ces plateformes.
 
Ce sondage met aussi en évidence une tendance très claire : les réseaux sociaux sont privilégiés chez les personnes qui adhèrent aux théories du complot. Près de la moitié (46%) des personnes qui croient à plusieurs de ces thèses affirment s’informer en premier via ces applications, c’est deux fois plus que celles qui n’y croient pas du tout (24%).
 
Ces chiffres sont à rapprocher de l’étude de Research and Politics. Les internautes qui ne s’informent que superficiellement à travers la lecture des réseaux sociaux ne disposent pas, contrairement à ce qu’ils pensent, de la maîtrise des connaissances sur un sujet. Mais plus encore, ils sont plus vulnérables que les autres à adhérer à des théories fantaisistes (la terre est plate) ou complotistes. Sans vouloir faire de corrélations politiques trop rapides, le sondage de l’Ifop montre aussi que ceux qui revendiquent leur proximité avec Debout la France (39%), le Rassemblement national (40%) et La France insoumise (44%) sont les seuls à placer largement en tête les réseaux sociaux comme leur source d’information prioritaire lorsqu’ils se rendent sur internet pour suivre l’actualité.
 
En s’informant quasiment exclusivement sur les réseaux sociaux, les internautes passent à côté d’une information souvent de qualité ; en toute hypothèse, d’une information développée et argumentée. Ce comportement n’est pas anecdotique, sa tendance va même à l’augmentation. C’est ce que montre un autre sondage (2) réalisé par Viavoice en février dernier. 24% des personnes interrogées estiment qu’avec les réseaux sociaux, il est de moins en moins nécessaire de consulter directement les sites de médias en ligne. Ce chiffre est en augmentation de 6 points par rapport à 2018.
 

Un petit exercice

Pour terminer, faisons un petit exercice spéculatif. L’article que vous êtes en train de lire est proposé aussi sur les réseaux sociaux. Ce qui apparaîtra dans le fil d’actualité de Facebook sera le titre (Ceux qui lisent le fil d’actualités de Facebook seraient-ils plus informés que les autres ?) et les deux premières lignes du chapô (Il leur suffit de jeter un coup d’œil au fil d’actualité de leur réseau social favori pour se sentir parfaitement au courant de l’actualité. Un titre, une image, quelques lignes d’introduction suffisent.)
La plupart des internautes en resteront là et n’iront jamais cliquer sur le lien qui mène vers l’intégralité de l’article. Qu’auront-ils alors compris et retenu ? Que quand on s’informe par les fils d’actualité Facebook, on est mieux informés que les autres. Et qu’il suffit de jeter un coup d’œil sur les infos du réseau social pour être parfaitement au courant de l’actualité ?
Pensez-vous que cette perception reflète correctement le contenu de cet article ?
 
 
(1) Enquête réalisée par l’Ifop pour la fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch menée auprès d’un échantillon représentatif de 1 760 personnes, du 21 au 23 décembre 2018.
(2) Étude réalisée par Viavoice pour les Assises internationales du journalisme de Tours, en partenariat avec France Télévisions, France Médias Monde, Le Journal du Dimanche et Radio France. Interviews réalisées en ligne, du 11 au 18 février 2019, auprès d’un échantillon de 1005 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus
 

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