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Habiter le monde ou comment des lieux insolites invitent à repenser l’écologie

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Les effets de l’urbanisation et du changement climatique convergent de manière dangereuse. Les villes sont fortement vulnérables aux changements climatiques et vont devoir s’adapter. Selon l’ONU, des centaines de millions de personnes dans les zones urbaines à travers le monde seront affectées par la hausse du niveau des mers, l’augmentation des précipitations, les inondations, les cyclones, les tempêtes plus fréquentes et plus fortes, les périodes de chaleur extrême et de refroidissement. Mais aussi les changements de vie en société comme le nouveau rapport au travail, à la société de loisirs, au bien-être, etc. Pourtant, à travers le monde, certaines villes déjà ont anticipé cette adaptation. Philippe Simay, dans son livre Habiter le monde (ARTE Editions), nous entraîne dans une épopée de l’habitat humain où l’homme a su s’approprier un espace pour y vivre en sécurité, en société et en harmonie avec l’environnement. « Car habiter c’est prendre soin du monde et de soi-même ».
 
L’adaptation est bien plus mystérieuse que la survie des plus aptes »
André Malraux, Antimémoires, 1967
 
C’est un long voyage au long cours magnifiquement illustré qui nous fait découvrir des lieux insolites, exotiques, mais aussi urbains et occidentaux, révélant des secrets de vie et comment l’homme a su adapter son habitat en fonction de l’environnement qui l’entoure. Cet ouvrage, réalisé après la diffusion par ARTE de la série documentaire Habiter le monde, dont nous nous étions fait l’écho dans UP’, prolonge ainsi l’expérience du philosophe Philippe Simay qui approfondit et partage sous une autre forme la réflexion engagée au fil de ce reportage, sous forme d’enquêtes de terrain. « Nous ne pouvons plus habiter aujourd’hui comme avant : il y a urgence à changer notre façon de faire », explique-t-il dans l’introduction de l’ouvrage.
Partout où il est allé, il a « observé comment les habitants du monde s’adaptent à des environnements particuliers, en les transformant radicalement ou en se mettant à leur écoute. Et comment, dans un monde en mutation, ils parviennent à vivre ensemble en mobilisant des ressources spatiales et des savoir-faire. »

LIRE DANS UP’ : Habiter le monde est le défi de notre époque

Se préserver du changement climatique : Les maisons flottantes d’Ijburg, aux Pays-Bas 

Photo ©David Perrier
 
Elles sont l’exemple type et un modèle du genre pour l’adaptation au changement climatique. Les Pays-Bas sont à la fois le plus petit pays d’Europe et le plus densément peuplé. Comme l’explique Philippe Simay, « la moitié de son territoire se situe en-dessous du niveau de la mer et un tiers est recouvert de canaux, lacs, rivières, etc. Pour habiter ces contrées, il a fallu combattre la mer et gagner du terrain et protéger sans cesse les terres ainsi acquises : les fameux polders, sans lesquels plus de la moitié du territoire hollandais serait aujourd’hui immergée. »
 
 
Les maisons flottantes ont été construites dans le quartier d’IJburg, dernier quartier d’Amsterdam bâti sur un certain nombre d’îles artificielles qui ont été créées sur le lac IJmeer. 18.000 logements sont prévus pour 45.000 habitants ainsi que des écoles, des commerces, des centres de loisirs, des restaurants et des plages. Ce sont plus de 90 maisons individuelles flottantes qui sont amarrées à de petits débarcadères flottants comme des bateaux, fixés sous l’eau à des piliers profondément ancrés dans le sol. Un système d’accroche souple capable d’absorber le ressac et éviter aux habitants le mal de mer mais aussi de permettre de s’adapter au coup par coup à la pression du vent ou aux variations du niveau de l’eau. « Ainsi, si le polder devait un jour être inondé, la maison flotterait toujours … »
 
Pour Philippe Simay, la vie dans ces maisons flottantes « témoigne d’un autre élément caractéristique du monde contemporain : le mélange des sphères de l’habitat et du loisir » : « C’est là, à mon sens, une des grandes tendances de l’urbanisation européenne et nord-américaine. D’une part, les loisirs occupent une place croissante dans la vie quotidienne, et les villes développent de plus en plus une dimension ludique et événementielle […] D’autre part, nos façons de travailler subissent des mutations profondes […] Avec le développement, entre autres, du télétravail et du statut d’auto-entrepreneur, les gens travaillent davantage de chez eux ou dans des espaces partagés (coworking). « Ainsi, ce type d’habitat témoigne d’une nouvelle société où travailler et avoir des loisirs « serait articulée en permanence au sein d’une nouvelle représentation du temps, mais aussi de l’espace. »

Habiter une terre virtuelle : Les îles flottantes du lac Titicaca, au Pérou

Photo ©David Perrier
 
Un territoire qui n’existe pas, un mode de vie qui résiste et contrevient à ce que l’on se fait sur l’idée d’habiter un « chez soi », un foyer. C’est ce que Philippe Simay a découvert mais surtout compris en visitant la terre « artificielle » des Aymara, ce peuple indien vivant sur des îles flottantes au milieu du lac Titicaca au Pérou, à plus de 4000 mètres d’altitude. Des îles construites de paille, de roseaux et de tourbe qui se dérobent en permanence sous leurs pieds puisqu’il faut les consolider et les rebâtir régulièrement face aux intempéries et à l’humidité. « Sur des sortes de barges, de territoires-radeaux, des gens vont quitter le foyer paternel et fonder une famille en passant leurs journées à récolter, faire sécher tresser la totora, ce jonc flottant qui leur sert à la fois de matériau de construction et de base alimentaire. »
 
 
Quel est donc le statut du sol ainsi habité ? « C’est une terre qui n’existe pas » explique Philippe Simay : Les Aymara ne payent pas la terre car cette terre n’a pas de statut juridique.  « Juridiquement, ces îles n’existent pas comme territoire. La terre des Aymara est virtuelle, c’est un lieu qui en même temps n’en est pas un. C’est une potentialité qu’il faut recréer, reconstruire sans cesse sous peine de la voir se désagréger. Voilà qui est pour le moins intriguant. » Sont-ils là par choix ou par nécessité ? 
Pour Philippe Simay, cette culture de logement flottant rejoint l’artificialisation des sols des polders hollandais. Pour lui, c’est exactement la même chose du point de vue énergétique. Et son analyse remet en question nos préjugés sur le caractère acquis du territoire.

L’autonomie énergétique 100 % renouvelable : Le Vorarlberg, en Autriche

Photo ©Olivier Lassu
 
Au bord du lac de Constance, à la frontière de la Suisse, du Liechtenstein et de l’Allemagne, existe un ancien bassin industriel pénalisé par la crise du textile : le Land du Vorarlberg. « C’est aujourd’hui l’une des régions les plus dynamiques et les plus riches du pays. »
En 1980, un petit groupe de charpentiers et d’architectes, accompagnés d’élus et de militants « verts », décident de reprendre en main l’urbanisation du site portée par une réflexion écologique et humaniste : l’architecture est pensée dans son contexte, celui des constructions vernaculaires mais aussi celui du grand paysage.
Qu’est-ce qui a permis cette réussite et permet aujourd’hui de nourrir une philosophie constructive ? s’interroge Philippe Simay lors de son voyage. Il a été frappé par la « culture du local » sous-jacente à toute l’entreprise. Tout repose d’abord sur un matériau : le bois. Matériau biosourcé, il favorise l’économie circulaire mais surtout, il est abondant dans la région, constituant une réserve très précieuse. « Repenser à exploiter les ressources locales doit redevenir une évidence, procédé largement oublié dans l’architecture occidentale. »
Mais il s’agit aussi de l’engagement fort d’architectes du cru depuis plusieurs générations et de l’organisation politique de la région. Nous sommes là bien loin de la centralisation à la française : l’autonomie des municipalités et de leurs maires rend possible un développement homogène et cohérent sur tout le territoire, faisant la part belle au local et à des pratiques répandues de concertation citoyenne. « La démocratie participative n’est ici pas un vain mot et nous dit la volonté des pouvoirs publics d’aboutir sur ces questions à des actions concertées et non bureaucratiques. »
Philippe Simay précise qu’aujourd’hui « la communication du Vorarlberg met surtout l’accent sur le développement durable. Mais j’aime à rappeler qu’au départ, avant la dimension écologique, il y eut surtout une révolte contre la négation des cultures locales par la lame de fond moderniste, contre le développement d’un « style international » étranger aux histoires nationales, aux contextes, aux pratiques, aux territoires, etc. »
 
 
Habiter est le propre de l’être humain. Mais alors si « habiter » est le propre de l’homme, alors pourquoi accepte-t-il trop souvent l’inhabitable ? On pense ici au syndrome des banlieues où, face à des situations d’urgences, certains lieux ont été mal pensés et sont mal habités : construits sur des zones à risques (zones inondables, anciennes déchetteries, …) ; ou en détruisant des écosystèmes entiers (forêts, zones humides, …).
 
Mais on pense aussi à la crise migratoire. En décembre 2018, à l’occasion de la « Journée internationale des migrants » était organisée une manifestation, les « Poétiques du refuge » (1) où le philosophe Dénètem Touam Bona intervenait sur l’articulation entre poétiques et politiques : à travers le thème du refuge, « les Poétiques du refuge » visaient à mettre en valeur la résilience et la puissance d’invention des « migrants » qui, loin d’incarner la « misère du monde », sont plutôt les pionniers de l’humanité à venir. Le thème du « refuge » nous donne l’occasion de nous interroger sur ce que signifie aujourd’hui, dans un monde globalisé, aux repères et à l’avenir incertains, « habiter la Terre ». Les différents exemples mis en lumière dans l’ouvrage de Philippe Simay sont là pour nous le rappeler.
 
Enfin, inspirons-nous encore une fois des travaux d’Augustin Berque : reconsidérer la relation entre la nature et l’homme pour qu’elle nous fournisse une nouvelle et essentielle perspective philosophique nous aidant à déterminer une meilleure direction pour la survie de l’humanité dans le futur.
 
 
(1)« Les Poétiques du Refuge » sont organisées avec le soutien de la Mairie d’Eymoutiers (87) et de la DRAC Nouvelle Aquitaine, sous le parrainage de l’Institut du Tout-Monde (centre d’étude fondé en 2006  par d’Edouard Glissant, des mondes créoles et afro-diasporiques).
 
Habiter le monde de Philippe Simay – Editions Actes Sud / ARTE Editions – Sortie le 3 avril 2019 – 256 Pages
 
Photo d’entête : Chine à la rencontre du peuple Hakka, bâtisseur de véritables forteresses, les Tulou. Ces édifices circulaires issus d’une longue tradition, sont les symboles d’un mode de vie communautaire. Ils font aujourd’hui l’objet d’un vif intérêt des touristes comme des architectes du monde entier. Photo ©David Perrier.
 

Pour aller plus loin :
Anticiper pour s’adapter – Le nouvel enjeu du changement climatique , Laurence Tubiana, François Gemenne, Alexandre Magnan – Edition Pearson, 2010 – 224 Pages
– Guide pour l’adaptation au changement climatique des villes, dans le cadre du programme de collaboration entre le PNUD, ONU-Habitat et la Banque Mondiale sur les villes et le changement climatique porté par Cities Alliance.
 Habiter, le propre de l’humain, Thierry Paquot, Michel Lussaut et Chris Younès – Edition La Découverte, 2007 –  379 Pages
 

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