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Gel de l’aide internationale américaine : des implications dévastatrices

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Lutte contre le sida, éducation des écoliers ougandais, assistance aux victimes d’inondations au Soudan du Sud… Le gel de l’aide internationale américaine décidé par Donald Trump provoque une onde de choc potentiellement dévastatrice pour des millions de personnes dans le monde. D’une simple signature, le nouveau président a ordonné la suspension de tous les programmes d’aide étrangère des Etats-Unis pour une durée de 90 jours, à l’exception de l’aide alimentaire d’urgence, ainsi que de l’assistance militaire pour Israël et l’Égypte. Pendant trois mois, son administration va réexaminer l’ensemble du système d’aide internationale. Une décision qui sème déjà la panique dans les pays les plus fragiles et détériore l’aura américaine, notamment face à la Chine.

Aujourd’hui déjà, le site USAID ne répond plus. Le quartier général de cette grande agence fédérale américaine, premier pourvoyeur d’aide humanitaire pour 120 pays dans le monde, est désert, Les quelque 1000 employés ou contractuels ayant été invités, par simple mail, à rester chez eux et dont plusieurs hauts responsables de l’agence ont été placés en congé administratif dès samedi soir. En parallèle, le compte X d’USAID a été suspendu et son site Internet est hors service.

USAID est la première cible symbolique d’Elon Musk, nommé par Trump pour faire le ménage dans les dépenses publiques. Dotée d’un budget de 42,8 milliards de dollars, elle est ainsi vigoureusement critiquée par le patron de X et Trump, estimant que la distribution de l’aide au développement américain était « dirigée par une bande de fous extrémistes ». Le patron de SpaceX et de Tesla a déclaré, ce 2 février, sur son réseau social X : « Usaid est une organisation criminelle. Il est temps pour elle de mourir. » 
L’agence a été créée par John Fitzgerald Kennedy, en 1961. Le président démocrate promettait à l’époque un « nouveau partenariat entre le Nord et le Sud », pour démontrer que « la croissance économique et la démocratie politique peuvent œuvrer main dans la main ».

Risque de mort pour des millions de personnes

« Même si le financement est finalement rétabli, des dommages importants auront été causés » explique Peter Waiswa, un membre du réseau d’aide humanitaire Compassion Connectors en Ouganda. « L’absence de médicaments pendant plusieurs jours pour les patients atteints du VIH/sida peut entraîner la mort » craint-il.
Selon lui, certaines écoles financées par les Etats-Unis dans son pays d’Afrique de l’Est ont déjà envoyé des messages demandant aux enfants d’arrêter de venir. La portée du décret signé par Trump inquiète également au Soudan du Sud, victime d’une épidémie de choléra et où 3.000 personnes comptent sur l’aide américaine après avoir perdu leur maison dans les inondations.
« Si la décision (…) n’est pas rapidement reconsidérée, il est fort possible que les gens commencent à mourir de faim et de maladies« , redoute James Akoon Akot, enseignant dans un orphelinat du pays.

L’inquiétude règne au Moyen-Orient car Trump a laissé entendre qu’il pourrait instrumentaliser les fonds alloués via l’USAID, soit 5,1 milliards de dollars en 2023 – auxquels il faut ajouter quelque 423 millions de dollars d’aide militaire annuelle – pour contraindre la Jordanie mais aussi l’Egypte à accepter un exode des Gazaouis sur leur territoire. « Nous faisons beaucoup pour eux ; ils vont le faire », a ainsi déclaré Trump le 30 janvier. 

L’inquiétude est grande aussi pour la Jordanie : les 845 millions de dollars déjà versés en décembre dernier dans le cadre du programme bilatéral d’allocation budgétaire annuel ne seront plus affectés. Pourtant, ce programme représente les trois quarts de l’aide américaine, ce qui faisait de la Jordanie le troisième récipiendaire de l’aide étrangère américaine dans le monde, après l’Ukraine et l’Ethiopie.
Par ailleurs, les projets sont également suspendus pour ce qui est du secteur stratégique de l’eau en Jordanie, avec ceux de l’éducation et de la santé, qui bénéficiaient notamment de fonds pour la construction d’infrastructures. « Ces projets sont suspendus depuis que les contracteurs ne sont plus payés. Cela va occasionner des surcoûts et on ne sait pas qui va les assumer », explique Iyad Dahiyat au journal Les Echos, ancien secrétaire général de l’Autorité de l’eau en Jordanie. « Il y a un gros manque de clarté. Tout le monde a été surpris par cette décision et essaie de mettre en place des plans d’atténuation. »

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Autre exemple : l’aide américaine non militaire est consacrée à l’éducation en Egypte. La suspension des aides a déclenché l’arrêt d’un programme de bourses universitaires dont bénéficiaient plus d’un millier d’étudiants. 

Exemptions floues

Les Etats-Unis sont depuis longtemps le premier pourvoyeur mondial de l’aide au développement. Ils y ont consacré plus de 64 milliards de dollars en 2023. L’un des programmes américains les plus importants est le Pepfar, lancé par l’ex-président George W. Bush pour lutter contre le sida. Plus de 20 millions de personnes vivant avec le VIH en dépendent directement.
Ce programme semble être épargné grâce à des exemptions supplémentaires accordées par le nouveau chef de la diplomatie, Marco Rubio, pour l’aide alimentaire d’urgence et celle « susceptible de sauver des vies », ce qui peut couvrir la distribution de médicaments antirétroviraux.

Mais ces formulations très floues provoquent de nombreuses incertitudes. Au Malawi, certains habitants commencent à stocker les médicaments auxquels ils peuvent accéder et l’organisation locale Lighthouse, qui distribue des traitements contre le VIH, aurait fermé ses portes, selon l’infirmière Suzy Dzimbiri.
« Nous savons qu »il y a eu des cas où des médicaments étaient en stock, prêts à être utilisés, et où il a été ordonné qu’ils restent sur les étagères dans l’attente de directives de Washington« , confie à l’AFP une assistante parlementaire du Congrès, sous le couvert de l’anonymat. « Le Pepfar était censé être notre plan Marshall« , rappelle-t-elle.
Selon elle, la simple idée que les Etats-Unis puissent mettre fin au programme d’un claquement de doigts donne l’image d’une Amérique « capricieuse » et instille l’idée « chez les pays bénéficiaires qu’à l’avenir, ils devront probablement se tourner vers des pays comme la Chine« .

« Intérêt national »

« Nous ne voulons pas voir des gens mourir« , a expliqué M. Rubio, lorsqu’il a entériné les dernières exemptions cette semaine. Mais le secrétaire d’Etat a aussitôt ajouté que les organisations bénéficiaires vont devoir justifier leurs dépenses, car « historiquement, nous avons obtenu très peu de coopération ».
« Nous avons ce que j’appelle le complexe industriel de l’aide étrangère – toutes ces entités dans le monde qui reçoivent des millions et des millions de dollars des États-Unis », a-t-il insisté sur la radio SiriusXM. « Nous devons nous assurer que cela correspond à notre intérêt national.« 

A Washington, certains craignent que cette priorité affichée envers l’aide dite ‘d’urgence » ne cache un plan plus large, visant à tailler drastiquement dans les dépenses, en refusant de financer tout le reste.

« La simple expression aide alimentaire d’urgence est une contradiction » souligne un haut fonctionnaire, sous le couvert de l’anonymat. « Privez-vous de nourriture pendant quelques jours et vous verrez. »
Avec AFP

Photo d’en-tête : Aide humanitaire USAID en Ethiopie © 2023 Agence Afrique

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