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C’est le moment de rêver d’un autre monde

C’est le moment de rêver d’un autre monde

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Le monde fait face à une tragédie sans nulle autre pareille. Il serait légitime de penser, de ce fait, que nos horizons soient obscurcis et plus que jamais incertains. Or au contraire, nombreux sont ceux qui profitent de ce moment où le temps, et la vie de chacun, sont comme suspendus, pour penser au monde d’après, et rêver d’un autre monde. La crise actuelle sanitaire et économique interroge sur les modalités et les limites de notre mode de développement, ouvre des champs inédits de réflexion et de réinvention. Elle remet en question notre relation au travail, aux autres et aux priorités de la vie. Elle pousse à s’interroger sur nos modes d’organisation sociale et politique, sur le rôle des États. Cette crise agit comme un électrochoc révélateur d’un autre monde auquel une majorité d’entre nous aspire.

« Les résultats sont frappants par leur ampleur : les Français aspirent massivement à un autre monde » écrit François Miquet-Marty, le président de l’institut ViaVoice, en commentaire d’une enquête* publiée ce  1er avril par Libération. La crise du coronavirus serait-elle en train d’enfanter une révolution ? Une révolution sans cri et sans violence, celle des esprits. Les Français se rendent compte que la société dans laquelle ils ont vécu jusqu’à ces jours étrangement tragiques de mars ne se relèvera pas intacte de l’épreuve. Des modalités du travail aux limites de notre modèle de développement, du rôle des États à celui des citoyens, de l’échelle de leur foyer à celle de la planète, rien ne sera plus comme avant.

Le sens du travail

Certains métiers pourraient sortir revalorisés de la crise du coronavirus, d’autres disparaître, tant cet événement planétaire remet en cause l’organisation du travail, sa valeur et son sens, estiment des spécialistes interrogés par l’AFP. « Je crains que l’on revienne au business as usual dès que la crise sera passée mais elle va néanmoins donner des armes à tous ceux qui réclament depuis des années un changement », pense Dominique Méda, directrice de l’Institut de recherche en sciences sociales (Paris Dauphine). « Aujourd’hui, la distinction est claire entre les métiers dont nous avons un besoin vital et les autres. Cela nous fait réfléchir à notre fonction, notre vocation dans la société. L’idée de secteurs ou métiers essentiels va sans doute faire son chemin », ajoute-t-elle.

Pour Jean-Claude Delgènes, économiste et directeur général du cabinet de prévention des risques professionnels Technologia, cette situation inédite, où « il est question de mort », va conduire à « revaloriser tous les métiers de la prévention, de l’anticipation », comme « ceux de la santé et de la sécurité qui seront portés par ceux du numérique ». Pour ce spécialiste des crises sanitaires et sociales au travail, certains métiers « retrouveront une grande aura ». Ceux « à vocation auront un plus grand avenir que ceux alimentaires, subis ».

Un certain nombre de professions devraient en sortir revalorisées socialement et même financièrement, notamment les soignants et les professions qui ont été au front, confirme la sociologue Dominique Méda. A contrario, elle prévoit « une très forte remise en cause des secteurs et métiers exclusivement tournés vers le profit » et la fin du « productivisme et consumérisme ». Et en effet, dans l’enquête de ViaVoice, 69 % des personnes interrogées estiment qu’il faut ralentir le productivisme et la recherche perpétuelle de rentabilité.  

Réduire l’influence du marché et sanctuariser les biens communs

Cette crise du coronavirus « est une leçon de choses pour tous les Français » estime Jean-Claude Delgènes. Il affirme qu’elle modifie notre perception du risque et de l’avenir. « On ne pourra plus accepter de croire sur parole des responsables qui n’y ont pas réfléchi » dit-il. « Tout le monde aura en tête qu’on n’était pas prêt », tranche-t-il, évoquant le manque de masques, tests et respirateurs, et la grande difficulté des entreprises à maintenir des plans de continuité d’activité.

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C’est sans doute une des raisons pour lesquelles 70% des personnes interrogées par ViaVoice forment le vœu de « réduire l’influence de la finance et des actionnaires sur la vie des entreprises ». Les sondés ont vraisemblablement en tête, circonstances obligent, l’exemple de l’industrie pharmaceutique dont la priorité devrait être de soigner et non de capitaliser en Bourse. Dans cette perspective, une écrasante majorité de Français réclament la sanctuarisation de « biens communs indispensables à tous » qu’il sera interdit de « fragiliser à l’avenir » : certes les « hôpitaux publics » (91 %) ou la « Sécurité sociale » (85 %), mais également « l’accès à l’eau et à un air de qualité » (88 %), la « biodiversité » (76 %) et l’« Éducation nationale » (82 %).

Ces aspirations ne sont pas neuves mais leur succès est novateur parce qu’elles inscrivent aussi l’exigence écologique au sein d’une vision globale du futur.

Changer de paradigme

La crise de 2008 avait consacré une dénonciation des dérives de la « finance », et ainsi forgé un socle de valeurs fédérateur de la gauche. La crise actuelle nourrit aussi des dénonciations fortes, et dessine des aspirations plus manifestes encore qu’en 2008, en précipitant des dynamiques enclenchées antérieurement. Pour beaucoup, la pandémie révèle les défaillances de notre modèle, une scandaleuse inversion des priorités, et une course insensée d’un système que nul ne maîtrise.

Il ne faut pas être un grand clerc pour prévoir que la crise économique liée à la pandémie de coronavirus sera brutale. « On risque d’avoir des faillites en chaîne avec une lame de fond qui emportera les plus fragiles mais, indépendamment de toute notion d’activité, un des critères déterminants pour la survie des entreprises sera la manière dont elles auront été soutenues et auront soutenu leurs salariés », estime le psychosociologue Xavier Alas Luquetas.

Dans le sondage ViaVoice on observe que les Français radicalisent leurs opinions par rapport à la souveraineté des États. Ils prônent ainsi, dans une large majorité, la reconquête de la souveraineté collective : 70 % estiment qu’il faut « reprendre la construction européenne et créer une vraie puissance européenne », et 84 % qu’il faut « relocaliser en Europe le maximum de filières de production ». Pour cela, est souhaité un « protectionnisme économique beaucoup plus strict envers le reste du monde », que ce soit aux frontières de l’UE (65 %) ou de la France (54 %).

Ces ambitions se déclinent en propositions majoritaires : « nationaliser des activités stratégiques pour la vie du pays » (68 %), « soutenir les entreprises nationales de manière beaucoup plus systématique et durable, même en dehors des crises » (56 %). Une majorité de 60 % de Français pensent que les industries du médicament devraient, compte-tenu de leur caractère stratégique, être désormais nationalisées.

La crise du coronavirus aura mis beaucoup de plombs dans l’aile de la doxa ultralibérale. Elle met fin à une ère politique où l’on croyait que le marché allait tout réguler. Les personnes interrogées appellent en masse à un retour de l’État. Ils sont 71 % à penser que, face à une crise telle que celle du coronavirus, « l’État doit avoir tous les moyens pour agir, même si cela réduit les usages démocratiques et les libertés individuelles ».

Électrochoc écologique ?

Les Français associent aisément la crise sanitaire avec la crise écologique. Car ils ont compris que le virus qui attaque les humains provient de la nature, de quelques bêtes sauvages qui ne demandaient qu’à rester tranquilles. Cette crise est un « électrochoc qui montre que nous sommes tous liés dans la vulnérabilité », explique Xavier Alas Luquetas.« Il peut provoquer une prise de conscience planétaire, comme aucune COP n’a réussi à le faire ».

Pour Dominique Méda, comme pour ses homologues, l’expérience du confinement et du ralentissement considérable de l’activité humaine est un « coup de semonce (qui) nous incite de toute urgence à prendre la mesure de la crise écologique » et à « rompre, au moins partiellement, avec la globalisation telle qu’elle existe ». Il faut « changer radicalement de paradigme », dit-elle. « Que nos gouvernants décident d’autres modalités de production, respectueuses de l’environnement », abonde M. Delgènes.

Le monde d’après, rêvé par les Français confinés, laissera place à l’empathie envers les autres (61 %), la protection de la planète (53%), et la réduction des inégalités (47 %). Ils tournent en revanche massivement le dos à la recherche frénétique de biens de consommation (10 %).

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Les pandémies changent le monde et celle du coronavirus marquera sans doute une charnière historique dans nos sociétés. Rien ne devrait plus être comme avant.  

*Interviews effectuées en ligne du 18 au 23 mars 2020. Échantillon de 1000 personnes, représentatif de la population résidant en France métropolitaine, âgée de 18 ans et plus. Représentativité par la méthode des quotas.

Avec AFP

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