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L’innovation sauvera-t-elle le monde ?

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« L’innovation sauvera le monde – Philosophie pour une planète pacifique, durable et prospère » est le dernier ouvrage de Nicolas Bouzou (1), essayiste dit « libéral », économiste, directeur du cabinet d’analyses Asteres, directeur d’études au sein du MBA Law & Management de l’université Panthéon-Assas (Paris II), sorti en septembre aux Editions Plon. L’auteur ausculte le «nouvel ordre technico-économique», portant haut et fort des idées, des analyses et des constats aussi novateurs que dérangeants. Certains disent que les nouvelles technologies vont nous sauver tandis que d’autres clament qu’elles nous mènent tout droit à la catastrophe. Face aux mutations de notre monde, Nicolas Bouzou prône un progressisme conservateur : faire de la famille, la culture classique et l’esthétique les pivots autour desquels doit s’organiser notre entrée dans l’avenir.
 
Les avis contemporains sur ces questions ne semblent guère donner dans la nuance. En conséquence, chaque fois qu’une nouvelle possibilité technologique se présente, ce sont deux logiques, presque deux métaphysiques, qui s’affrontent : l’une se réduit au calcul comparatif des coûts et des bénéfices (c’est celle des opérateurs, incités à innover pour être compétitifs) ; l’autre, attentive aux dommages que pourrait provoquer une telle réduction, cherche à reconstruire une approche du monde où la rationalité, comprise comme ce qui est raisonnable, imposerait des limites aux conclusions des calculs pour prendre en compte d’autres considérations, plus éthiques, plus qualitatives ou plus indirectes.

Ne tenez pas ce livre pour un manifeste optimiste. Il n’est pas plus un ouvrage d’humeur, mais le résultat d’une longue réflexion, aux frontières de l’économie, de l’Histoire et de la philosophie, qui m’amène à la conclusion suivante : l’innovation peut sauver le monde de ses problèmes les plus déchirants. Mais la technologie n’y suffira pas, ni une excellente politique économique. Notre salut viendra de l’alliance entre la technologie, l’économie et une spiritualité qui embrasse l’amour et l’art, et les valeurs. Voilà pourquoi Platon, Freud ou Hannah Arendt occupent ici une place aussi importante que Schumpeter…

Notre monde est en pleine mutation. L’économie change : de nombreux emplois sont créés, mais beaucoup disparaissent. Les façons de travailler évoluent : le salariat laisse progressivement la place au travail indépendant. Les concepts philosophiques sont bousculés : comment réguler la sélection des embryons qui est déjà une réalité ? Un nouveau monde naît, en remplacement d’un ancien qui s’effondre, source d’angoisse qui fait le lit des extrémismes politiques de toutes obédiences et plus généralement de ceux qui serinent que « c’était mieux avant ».
L’ampleur et la vitesse des mutations à l’œuvre semblent parfois foudroyer nos sociétés. « Ce n’est pas l’agonie de l’ancienne économie qui laisse grandir la nouvelle : c’est la modernité, un nouvel ordre “technico-économique” qui s’impose à l’ancien, le tue, violemment, dans le sang et les larmes », constate Nicolas Bouzou dans son dernier essai.

On vit la mutation technique, économique et sociale la plus importante depuis le XIXe siècle » Nicolas Bouzou
L’antidote à ces fondamentalismes est d’entrer dans ce nouveau monde en sauvant ce qu’il y avait de meilleur dans l’ancien pour éviter l’effondrement de notre civilisation occidentale. C’est enseigner aux enfants le code informatique, mais aussi le grec et le latin. C’est les laisser jouer sur des jeux vidéo de réalité augmentée, mais leur faire découvrir Bach et Vivaldi. C’est accepter la famille recomposée, mais interdire à de futurs parents de choisir à la carte la couleur des yeux de leur bébé. C’est à partir de ces principes simples (être réformateur sur l’économie et conservateur sur les valeurs) que doivent se construire les programmes politiques alternatifs à ceux des extrêmes réactionnaires. C’est la seule façon de réconcilier les peuples avec leur avenir.
 
Je suis favorable au transhumanisme mais défavorable au post-humanisme qui ne permet pas de différencier l’homme de la machine. » Nicolas Bouzou, La Grande table France Culture
 
Tout ne doit pas changer dans le monde sinon c’est la fin de la civilisation et peut-être même la dissolution de ce que Karl Popper appelle la société ouverte, c’est-à-dire la société libérale et démocratique. Ce conservatisme est au cœur de la doctrine de Burke et j’y suis très attaché. Certes, l’innovation modifie les produits, les services, la distribution, l’Etat et une partie du fonctionnement de la société. Mais il faut quand même que nous conservions un acquis du passé, ce à quoi nous sommes attachés : je pense en particulier à la liberté ou à la famille d’amour. » Nicolas Bouzou – La Tribune
 

Un plaidoyer contre le pessimisme ambiant, à rebours des « stagnationnistes » et « déclinistes » de tout poil, expliquant que « l’avenir sera meilleur que le passé, à condition de s’en donner les moyens ». Dans une interview aux Echos, Nicolas Bouzou résume ses recherches : « Ce que j’essaie de faire est d’articuler l’économie et la philosophie. Aujourd’hui, nous avons une mutation qui est absolument extraordinaire, qui, par son ampleur, est un peu l’équivalent de ce que nous avons connu au XIXe siècle ou lors de la Renaissance, mais il n’y a pas vraiment de direction. En quelque sorte, ce qui me frappe beaucoup, surtout en France, c’est que nous avons perdu le goût du progrès. […] Ce qui m’intéresse, c’est le progrès, c’est-à-dire l’innovation qui améliore le monde. » Il veut un nouveau projet de société qui redonnerait du sens au progrès. L’innovation n’est pas neutre : bien utilisée, elle peut améliorer le sort de l’humanité. Autrement, on laisse le champ libre à la révolution conservatrice : les nationalistes, extrémistes et autres fondamentalistes religieux. Il y a une accélération du changement et les réactions sont toujours plus hostiles à la modernité. Mais dans 15 ans, le cancer sera devenu une maladie chronique, l’hyperloop nous permettra de traverser l’Angleterre en 20 minutes et on aura une base permanente sur la lune.
 

(1)    Nicolas Bouzou est un essayiste français spécialisé dans l’économie. Il a fondé et dirige depuis 2006 la société d’analyse économique et de conseil Asterès. Il a également créé le Cercle de Belém, qui regroupe des économistes européens libéraux et progressistes,. Il est maître de conférence à Sciences Po Paris, directeur de la collection « Le capitalisme en mouvement », chez l’éditeur Eyrolles et l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, notamment Le Grand refoulement (éd. Plon, 2015) et L’innovation sauvera le monde (éd. Plon, septembre 2016).         

 
 

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