Giacometti: In Search of Missing Works

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" À la recherche des œuvres disparues », est une enquête sur les traces des sculptures perdues d’Alberto Giacometti de 1920 à 1935. Disparues ? Pas totalement. Car l’artiste a laissé de précieux témoignages documentés qui permettent aujourd’hui de présenter des œuvres méconnues et inédites à l’Institut Giacometti, jusqu’au 12 avril 2020. 

Vendues puis oubliées, perdues ou détruites, ces œuvres dont le sort est souvent inconnu connaissent toutes leur propre histoire. Et si près d’un siècle nous sépare de cette période d’apprentissage et de recherche artistique du jeune Giacometti, la quête d’indices à travers les archives nous rappelle que ces créations précoces sont loin d’être oubliées.

Résultat d’une enquête originale sur les œuvres d’Alberto Giacometti dont on a perdu la trace, l’exposition met en lumière plus de soixante-dix œuvres – sculptures de référence, dessins et croquis inédits et photographies d’archives d’œuvres disparues de la période des années 1920-1935. Des reconstitutions documentaires sont réalisées en trois dimensions d’après photographie.

Du « Petit homme », sculpture en plâtre de 1926-27, cassée et détruite, à la sculpture en bois peint grandeur nature « La Girafe », installation d’un soir d’avril 1932 dans le jardin des Noailles à Hyères, ces œuvres, méconnues du public et présentées aujourd’hui dans cette exposition, sont l’aboutissement de recherches réalisées grâce au riche fonds documentaire de la Fondation Giacometti.

Parmi les œuvres présentées …

Composition (1926-1927) en plâtre – Photographie anonyme

Désigné comme un sculpteur futuriste dans le catalogue du Xe Salon de l’Escalier en juillet 1927, Giacometti abandonne le travail d’après modèle et s’empare de plus en plus du langage artistique des avant-gardes. La sculpture en plâtre Composition est la seule œuvre de l’artiste exposée dans ce Salon qui a pu être identifiée avec certitude.
Sa photographie figure dans le catalogue de l’exposition et illustre un article consacré aux artistes italiens de Paris dans la revue Emporium d’avril 1928.
Comme « on devait forcément toucher au cubisme », Giacometti crée une sculpture à formes schématisées qui rappellent fortement l’art africain, une source primordiale dans l’invention du cubisme au début du siècle, et qui dans les années 1920 fait l’objet d’un véritable engouement de la part des collectionneurs. L’œuvre, chargée de connotation sexuelle d’une manière ludique et presque naïve, préfigure le travail surréaliste de l’artiste. Giacometti fait quelques croquis de la pièce, mais elle n’apparaît dans aucun des inventaires établis dans ses carnets de notes. Le plâtre disparaît sans explication, mais la thèse d’une vente vers la fin des années 1920 semble probable.

Petit homme, 1926-1927 en plâtre – Photographie anonyme

De nombreux croquis de la sculpture intitulée Petit homme ou Homme apparaissent dans les inventaires dressés par Giacometti dans ses carnets. Datés entre 1926 et 1928, l’artiste mentionne plusieurs matériaux : le plâtre, la pierre et le marbre.
On ignore si la pièce a été traduite en plusieurs versions, ou s’il s’agit plutôt d’idées ou encore, simplement, d’erreurs de l’artiste. Seule la version en plâtre est photographiée en 1927, lors d’une campagne de prise de vues à l’atelier. Si la sculpture est visible une dernière fois sur une image prise par Dora Maar en 1934, Giacometti indique dans le catalogue de sa première exposition monographique à la Pierre Matisse Gallery à New York qu’elle est toujours présente dans l’atelier en 1948. L’artiste se débarrasse de l’œuvre endommagée, comme il l’écrit à Pierre Matisse en juin 1954 : « cassé et détruit depuis longtemps et je le regrette, envie quelques fois de le refaire, c’était ma première figure. »

Composition, c. 1927-1930 – Peinture

Le tableau Sculpture (c. 1927-1930, Fondation Giacometti, Paris) est une pièce exceptionnelle dans l’œuvre d’Alberto Giacometti qui pratique peu la peinture vers la fin des années 1920. La sculpture est très proche des œuvres des années 1927-1929 intitulées aussi Composition.
Même si aucun autre objet en bois de cette période n’est connu, la couleur et le traitement de la surface suggèrent qu’elle fut réalisée dans cette matière. Si le tableau même et sa conservation par l’artiste attestent de l’importance pour lui de la sculpture figurée, celle-ci n’a pas été préservée et son existence, bien que très probable, ne peut pas être confirmée avec certitude.

Objet surréaliste, 1932 Bois, cuivre et métal

Mentionnée comme détruite par Giacometti dans un de ses cahiers, la sculpture est pourtant partiellement conservée. La partie en bois, comportant un pion mobile, est encore dans l’atelier à la mort de l’artiste en 1966.
Se situant entre sculpture et jouet, la pièce fait partie des objets mobiles et muets, au mouvement latent et suggéré, décrits dans le numéro 3 de la revue Le Surréalisme au service de la révolution, de décembre 1931. En 2015, la Fondation Giacometti demande à l’artiste Martial Raysse de compléter l’Objet surréaliste en reconstituant les éléments manquants. Raysse, en collaboration avec Francis Garcia, interprète, à partir des nombreux croquis laissés par Giacometti, la roue, la tige et un support en métal et cuivre.

Man Ray devant Femme angoissée dans une chambre la nuit, c. 1931-1932 – Photographie

Créée en pleine période surréaliste, Femme angoissée dans une chambre la nuit est très proche thématiquement et visuellement de Femme égorgée (c. 1932-1933). Reprenant les recherches artistiques élaborées lors de la création de deux bas-reliefs pour Georges Henri Rivière et David David-Weill en 1929, Giacometti transforme la forme biomorphe en femme par le truchement du titre. Associant la sexualité à la violence, ce dernier suggère de plus une agression ou un viol, sans qu’une représentation explicite soit nécessaire pour nourrir l’imagination du spectateur. Selon les déclarations de Diego Giacometti en 1974, les morceaux du plâtre accidenté de Femme angoissée dans une chambre la nuit existeraient toujours mais ils n’ont pas pu être localisés à ce jour.

Girafe, 1932 – Carnet

Dès la fin de l’année 1931, Giacometti collabore avec Luis Buñuel, René Crevel et Salvador Dalí pour une œuvre représentant une girafe en grandeur nature, destinée à être exposée lors du festival des mécènes Marie-Laure et Charles de Noailles en avril 1932. Après la création d’une maquette, Crevel et Dalí abandonnent le projet, mais Giacometti et Buñuel font exécuter une girafe en planches de bois peint par la maison Chanaux. Buñuel rédige des textes, pour la plupart érotiques, cachés sous les taches brunes de l’animal, que les invités découvrent à l’aide d’un escabeau.
Après le dîner l’œuvre disparaît, comme le décrit Buñuel dans ses mémoires : « Après le café, je revins dans le jardin avec Giacometti. Plus de girafe. Totalement disparue, sans une explication. L’avait-on jugée trop scandaleuse après le scandale de L’Âge d’or ? Je ne sais pas ce que la girafe est devenue. Charles et Marie-Laure, devant moi, n’y firent jamais allusion. Et je n’osai pas demander la raison de ce bannissement soudain ».

L’Âge d’or, considéré comme antipatriotique et antichrétien, avait en effet déclenché de vives réactions à sa sortie en fin d’année 1930, dirigées non seulement contre son réalisateur, mais aussi contre ses producteurs, les Noailles.

 

Alberto Giacometti, c.1935 – Fondation Giacometti, Paris

Né en 1901 à Stampa, en Suisse, Alberto Giacometti est le fils de Giovanni Giacometti, peintre postimpressionniste renommé. C’est dans l’atelier paternel qu’il est initié à l’art et qu’il réalise, à 14 ans, ses premières œuvres, une peinture et un buste sculpté de son frère Diego. En 1922, Giacometti part étudier à Paris et entre à l’Académie de la Grande-Chaumière, où il suit les cours du sculpteur Antoine Bourdelle. A cette époque, il dessine d’après modèle et s’intéresse aux œuvres avant-gardistes, notamment post-cubistes. En 1929, il commence une série de femmes plates, qui le fait remarquer par le milieu artistique. En 1930, Giacometti adhère au mouvement surréaliste d’André Breton. En 1934-1935, il créé une figure féminine emblématique, L’Objet invisible, dont le premier titre est Mains tenant le vide. Dès 1935, il prend ses distances avec le groupe surréaliste et se dédie intensément à la question de la figure humaine, qui sera pendant toute sa vie un sujet central de recherche. Après avoir passé les années de guerre en Suisse, de retour à Paris, il reprend ses recherches sur la figure humaine. Travaillant d’après nature, il vise à restituer le modèle tel qu’il le voit, dans son aspect toujours changeant. En 1947, il réalise sa première version de l’Homme qui marche. Dans les années qui suivent, il développe un processus de travail personnel, modelant des figures qu’il transfère ensuite en plâtre puis retravaillant la surface comme celle d’une pierre au moyen de canifs et d’objets tranchants. Alberto Giacometti s’éteint en janvier 1966, à l’hôpital de Coire, en Suisse.

Header photo : Alberto Giacometti, Oiseau Silence au VIe Salon des Surindépendants, publié dans le magazine VU de novembre 1933, Fondation Giacometti, Paris

Exposition « À la recherche des œuvres disparues » – Institut Giacometti – 5, rue Victor Schoelcher – 75014 Paris / Jusqu’au 12 avril 2020
www.fondation-giacometti.fr/fr/institut

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