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How Politics Depoliticizes the Climate

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Dans un livre qui vient de sortir, La question climatique, genèse et dépolitisation d’un problème public, l’universitaire Jean-Baptiste Comby décrit, preuves à l’appui, la dépolitisation des enjeux climatiques. Il dénonce la façon dont cette dépolitisation conforte une organisation sociale hautement inégalitaire et écologiquement dévastatrice. A l’heure de la COP 21, ce livre pose de bonnes questions. Laissons l’auteur les présenter.
 

L’histoire officielle retiendra sans doute que la COP21 marque le passage de l’alerte climatique aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le storytelling promu par les autorités scientifiques et politiques de ce « méga-événement » est celui de la transformation des sociétés, du changement des modes de développement, de la transition vers des économies « décarbonées ».

Cette trame prolonge tout en l’élargissant le récit climatique impulsé en France au début des années 2000. Le livre que je publie ces jours-ci, en revenant sur les ressorts sociaux de la valorisation du problème climatique dans le débat public, permet, d’une part, d’apercevoir les continuités et inflexions de ce débat revigoré par la tenue de la COP21, et, d’autre part, de l’interroger avec comme arrière-plan les implications de la transformation sociale et du pluralisme démocratique.

How Politics Depoliticizes the Climate

Les enjeux climatiques traversent l’ensemble des domaines d’activité : de l’alimentation au logement, de la mobilité aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), du temps de travail à l’économie familiale, des logiques de production et de consommation aux rapports intergénérationnels.

À défaut de pouvoir proposer un autre modèle de société permettant à ces différents aspects de la vie sociale d’intégrer de concert les exigences écologiques, ceux-ci, pourtant interdépendants, sont pris en charge un par un, de façon sectorielle. Les mesures, définies par des experts de chaque domaine, sont technologiques, techniques (normes de production, labels), fiscales ou pédagogiques et généralement soucieuses de respecter les principes de la « croissance verte ».

Si, dans une perspective inspirée d’Arendt ou de Durkheim, on opte pour une acception large de la politique comme mode d’organisation de la cité, de la vie collective et donc comme gouvernement des structures sociales, alors ces politiques prétendant que le climat est un problème solvable sans avoir à toucher à l’ordre établi, contribuent à dépolitiser les visions et le traitement de ces enjeux. En d’autres termes, tant que le récit climatique met de côté la question de l’organisation sociale, de ses hiérarchies et de son architecture normative désormais gouvernée par des logiques marchandes, il ne pourra proposer qu’une approche mystificatrice de la transformation des sociétés.

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Des « sociétés de marché » postcarbones ?

Le chercheur en sciences sociales Karl Polanyi propose de nommer « sociétés de marché », les organisations sociales dont une part toujours croissante des activités collectives se trouve sous l’emprise des logiques concurrentielles, industrielles, financières. La croyance dans l’économie « verte » repose sur le postulat que ces « sociétés de marché » peuvent drastiquement réduire leur dépendance au carbone. Mais la « décarbonisation » ne suppose-t-elle pas la « démarchandisation », c’est-à-dire une remise en cause des rapports sociaux inhérents au capitalisme ? Le débat qui se déroule dans les arènes médiatiques et politiques conventionnelles est étanche à ce type de questions. Les poser, c’est pourtant prendre la pleine mesure des changements climatiques en acceptant de les penser comme un problème social.

Une introduction à la pensée de Polanyi par J. Maucourant (Université Jean-Monnet, Saint-Étienne), novembre 2014

 

 
Ainsi, ce qui se joue avec le cadrage de la COP21 en termes de transformation des sociétés, c’est la définition des modes légitimes du changement collectif exigé par la crise écologique. Considérer avec davantage de crédit les options qui proposent de remodeler l’ordre social – en questionnant l’hégémonie des principes idéologiques du capitalisme (comme la méritocratie, par exemple) – permettrait notamment d’ouvrir le débat sur les différentes manières de vivre ensemble ; ce faisant, il s’agirait également d’œuvrer à un pluralisme démocratique souvent malmené par la disqualification médiatique des postures politisantes qui, à l’instar d’une fraction du mouvement écologiste, associent les dégâts environnementaux au cours marchand des choses.

 

Une méconnaissance sociologique

La recherche empirique qui étaye mon ouvrage m’a conduit à rencontrer des journalistes, des scientifiques, des experts, des fonctionnaires et des militants, pour comprendre comment ils font du climat une question de premier plan. Alors même que ces agents s’accordent sur la nécessité de changer les modes de vie individuels, j’ai été frappé par leur indifférence à l’égard de l’approche sociologique.

Le livre apporte des éléments d’explication à cette indifférence, laquelle tient aussi aux temporalités et finalités de la pratique scientifique de la sociologie. Il est vrai qu’en mettant au jour des réalités oubliées, qu’on n’aperçoit plus tant elles « crèvent les yeux », elle peut déranger des intérêts sociaux aussi confortablement installés qu’écologiquement insoutenables.

La transformation des sociétés dépend pourtant en grande partie de ce qui pourrait pousser les membres des classes sociales supérieures à délaisser une organisation de la société qui perpétue leurs privilèges. L’écologie met à l’épreuve leur réflexivité (cette disposition à revoir ses croyances et ses comportements) quand, au sein des milieux populaires, elle permet d’abord d’exprimer un rapport incertain et distancié à l’ordre social existant.

Jean-Baptiste Comby,  sociologue, chercheur au Centre d’Analyse et de Recherche Interdisciplinaire sur les Médias (CARISM) ainsi qu’au Centre Nantais de Sociologie (CENS) et maître de conférences à l’Institut Français de Presse de l’Université Paris 2
 
The original text of this article was published on The Conversation.
Photo: © Cyril Villemain – SIPA
 
 

 

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