private data

The end of privacy?

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Le scandale Cambridge Analytica a fait découvrir à des utilisateurs ahuris que Facebook collecte et partage bien au-delà du nécessaire, les petits secrets de nos vies numériques. Répondant à l’appel du hashtag #deletefacebook, un quart des Français se disent prêts à quitter Facebook [1] pensant naïvement que disparaître de la plateforme les mettrait à l’abri du fléau liberticide que nous promettent les jouets de la Silicon Valley. Mais dans ce brouhaha des data, entre risque de réputation, piratage de données et profilage publicitaire, il n’est pas aisé de cerner les enjeux réels liés à la vie privée. Quelques semaines avant la mise en œuvre de la nouvelle réglementation RGPD, il est donc important de prendre conscience que nos faits et gestes numériques laissent des traces auprès d’acteurs pour qui nos vies deviennent transparentes. Des traces qui ne présentent pas le même risque selon qu’elles sont visibles ou non !
 
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Traces visibles et risque de réputation

Les traces visibles sont celles qui apparaissent lors d’une recherche sur notre nom dans Google, sur les plateformes vidéos ou les réseaux sociaux et qui révèlent sur nous des informations potentiellement compromettantes. Ces traces sont pourtant en partie sous notre contrôle grâce à la gestion de notre identité numérique : paramétrage de publication des posts, utilisation de pseudos, sécurisation plus forte de nos mots de passe pour éviter le vol de données. Si une éducation des jeunes générations est nécessaire afin qu’ils mesurent les risques d’un partage de leur vie privée, on peut néanmoins constater que les générations qui sont nées avec les réseaux sociaux n’appréhendent plus l’intimité de la même façon. Les goûts musicaux, les hobbys, les régimes alimentaires ou certaines convictions idéologiques ou religieuses deviennent publics et les millenials ne considèrent pas être exhibitionnistes en les dévoilant.
 
D’ailleurs, les historiens ne manquent pas de souligner avec malice que la notion de vie privée est un phénomène récent dans l’histoire des Hommes. Apparue au XIXème siècle avec le développement de la bourgeoisie et éteinte au XXIème siècle avec celui des réseaux sociaux, la vie privée ne serait finalement qu’une parenthèse dans l’histoire ? Voilà qui doit nous inciter à questionner le système de valeurs de nos sociétés post-révolutions numériques.
 
Mais en matière de réputation comme en matière de prévention routière, le danger vient souvent des autres. Ceux qui mentionnent votre appartenance à une association, ceux qui vous prennent en photo ou vous « live-twittent » pendant une prise de parole…. Paradoxalement, avoir une existence numérique, et notamment un compte dans un réseau social (Google, Facebook, Linkedin ou Twitter) est la meilleure protection contre le risque de réputation car il vous assure de disposer d’un moyen de riposte le jour où vous êtes la cible d’une attaque, car il vous offre une présence visible sur la première page de Google face aux potentiels homonymes.
Le cas classique est celui d’usurpation d’identité comme a pu l’expérimenter le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, à l’occasion de la crise des laits infantiles. Un compte parodique au nom du PDG, créé sur Twitter par un plaisantin, a contribué à égratigner un peu plus l’image de ce dirigeant qui avait choisi de n’avoir aucune existence en ligne.

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Traces invisibles et risque de manipulation

Il est un tout autre problème que celui des traces invisibles, ces données de géolocalisation, de consommation de contenus et services, de communication et de navigation via les outils numériques. Les traces invisibles échappent à notre vigilance, par définition, mais également à notre approbation ! En effet les sites et applications collectent et conservent souvent plus de données que nécessaire, et parfois plus qu’annoncé dans leurs règles de confidentialité.
 
De ce point de vue, la nouvelle réglementation RGPD devrait siffler la fin de la récréation et faire cesser la pêche miraculeuse en remettant de l’ordre et de la transparence. Désormais, nos comportements en ligne ne pourront plus être tracés sans notre consentement. Hélas, ce n’est pas un scoop que d’affirmer que cette réglementation qui avait initialement pour origine de brider les GAFA, risque au contraire de les renforcer.
 
La gratuité de leur modèle et la pénétration de leurs services dans notre quotidien les placent en bonne position pour remporter la totalité des consentements. Quand la data est un vecteur d’amélioration et de personnalisation d’un service payant, comme pour Netflix ou Deezer, elle crée de la valeur pour le consommateur. Elle peut être accusée de tuer la création artistique et d’effacer les spécificités culturelles mais pas de révéler nos petits secrets.

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Le problème de Google et des réseaux sociaux est plus pernicieux, en offrant un service gratuit en échange du profilage publicitaire, ils sont au coeur de notre mécanisme de construction de l’opinion (nos recherches d’informations, nos lectures de média…) et de nos processus de décision. Ils vendent le moyen d’influencer nos choix électoraux et nos actes de consommation.
 
Or tout un chacun pense conserver son esprit critique et sa liberté d’action face à ce danger. Ma conviction est que, si déjà il a fallu faire un effort de pédagogie sur la nécessité d’être attentif à ces traces visibles que génèrent ces outils, il est peu probable que la grande majorité quitte le réseau social ou restreigne l’accès à leurs données.
 
Lorsque les données sur les membres du site de rencontres extra-conjugales Ashley Madison sont piratées et dévoilées, il est évident que le public se rend compte des dommages personnels de l’accès à ces données. Dans le cas de Facebook et Google, le ratio entre les risques et le bénéfice immédiat est perçu comme trop faible. On peut faire le parallèle avec le réchauffement climatique : les individus sont indignés mais réticents à changer leur comportement.
 
Pour l’essentiel, l’homme est ce qu’il cache : un misérable petit tas de secrets, disait Malraux. C’est peut-être lorsque les GAFA viendront entraver nos libertés en nous protégeant contre notre pire ennemi, nous-même, que nous réaliserons ce que nous avons fait.
 
Caroline Faillet, « Netnologue  » et co-fondateur du Bolero Law Firm
 
(1) Sondage Ifop pour Le Parisien du 12 avril 2018
 

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