Greenwashing
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Lutte contre le réchauffement climatique : les promesses des entreprises ont-elles été tenues ?

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Lors de la Conférence de Paris sur le climat (COP21) fin 2015, un nombre spectaculaire d’entreprises grandes ou petites, multinationales ou locales, ont fait des annonces tonitruantes, s’engageant à décarboner leur modèle économique, se fixant des objectifs « basés sur la science », soutenant la mise en place d’une réglementation des États, prenant des engagements ambitieux pour passer à l’énergie 100 % renouvelable, réclamant l’application de la neutralité carbone ou encore appelant au désinvestissement dans les énergies fossiles. Promesses, promesses… Sont-elles réellement tenues ?

 

Depuis une quinzaine d’années, nombre d’entreprises – répondant aux incitations du GHG Protocolof the CDP et d’autres classements – se sont engagées à mettre en place une comptabilité carbone et à se fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à leurs activités.

Selon le CDP, quelque 500 entreprises ont pris des « engagements sérieux concernant leur action sur le changement climatique par le biais de l’initiative « We Mean Business ».

De leur côté, des ONG ont constitué des groupes d’entreprises, comme le WWF Climate Savers, tandis que certaines agences nationales de l’environnement, dont celle des États-Unis, ont initié d’autres groupes tels que les Climate Leaders.

La COP21, un tournant… médiatique

Lors de la Conférence de Paris sur le climat fin 2015, les médias traditionnels et sociaux ont relayé une augmentation massive de l’engagement des entreprises dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Des multinationales ont fait des annonces tonitruantes, s’engageant à décarboner leur modèle économique, se fixant des objectifs « basés sur la science », soutenant la mise en place d’une réglementation des États, prenant des engagements ambitieux pour passer à l’énergie 100 % renouvelable, réclamant l’application de la neutralité carbone ou encore appelant au désinvestissement dans les énergies fossiles.

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Le PDG de Marks and Spencer n’a pas hésité à qualifier la COP21 de « tournant ». Plusieurs mois après la Conférence de Paris, qu’en est-il de ces promesses ?

Les entreprises les plus audacieuses se sont engagées à décarboner intégralement leur modèle économique. Une approach qui passe par l’instauration d’objectifs ambitieux pour réduire les émissions de gaz à effets de serre de 80 à 100 %, ou se procurer 100 % de l’énergie nécessaire à partir de sources renouvelables. En décembre 2015, 87 entreprises faisaient partie de ce mouvement de décarbonation.

Des initiatives variées

• La neutralité carbone

Populaire au début des années 2000, la neutralité carbone s’est rapidement vue associée à du greenwashing. Difficile en effet d’évaluer si les entreprises avaient vraiment fait le maximum pour réduire leurs émissions ; les crédits carbone ont d’autre part été pointés du doigt pour leur manque de crédibilité.

Plusieurs annonces de neutralité carbone ont d’ailleurs fait l’objet de mesure de retrait : ce fut le cas de Dell qui avait promis d’être neutre en carbone en 2008 et s’est désengagé en 2011.

Ce mouvement en faveur de la neutralité carbone est réapparu avec des initiatives de plus petite envergure : à la conférence Climate Action 2016, Paul Polman a ainsi promis de rendre neutre en carbone sa filiale Ben&Jerry ; Danone, après avoir fait d’Evian une marque neutre en 2012 pour l’année 2011, a indiqué vouloir rééditer cet effort.

• Les renouvelables

En décembre 2015, l’initiative RE100 du Climate Group a réussi à obtenir l’engagement de 53 entreprises pour un objectif de 100 % d’électricité renouvelable. Aujourd’hui, 58 entreprises figurent sur cette liste, dont Coca-Cola qui s’est récemment exprimé à ce propos sur les social networking sites.

• S’appuyer sur la recherche

Lors de la COP21, le groupe s’engageant à se fixer des objectifs basés sur la science comprenait 114 entreprises. Elles sont aujourd’hui 160. Les objectifs scientifiques sont essentiels en ce qu’« ils permettent aux entreprises de chercher à les atteindre en alignant leurs réductions de GES sur des budgets d’émissions globales générées par le modèle climatique », souligne le groupe We Mean Business.

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• Donner un prix au carbone

89 multinationales ont rejoint la Carbon Pricing Leadership Coalition. Né lors de la COP 21, cet ensemble a tenu sa première réunion en avril 2016, appelant à une expansion des politiques de prix du carbone, pour passer d’un taux de couverture de 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre aujourd’hui à 25 % en 2020, puis de doubler à nouveau ce chiffre pour passer un à taux de couverture de 50 % dans les dix ans.

Près de 40 gouvernements et 23 villes, États ou régions ont déjà mis un prix sur la pollution carbone. Selon le CDP, plus de 437 entreprises utilisent ainsi un prix interne du carbone ; et ce sont plus de 500 entreprises qui prévoient de les rejoindre dans les deux années à venir.

Cependant, les signataires de ces différentes initiatives constituent bien souvent un groupe d’acteurs commun s’engageant dans de multiples directions.

Où en est le désinvestissement ?

C’est sans doute le mouvement le plus emblématique lié aux affaires et au changement climatique. Le 2 décembre 2015, en pleine COP21, plus de 500 institutions, représentant selon Fossil Free plus de 3,4 trillions de dollars d’actifs, disaient vouloir retirer leur argent des énergies fossiles.

 

Une action de l’ONG 350.org aux Philippines en faveur du désinvestissement dans les énergies fossiles. 350.org

Encouragé par des ONG telles que 350.org et des associations étudiantes, ce mouvement touche aussi certaines universités anglo-saxonnes ayant pour investisseurs des fonds de pension. L’université d’Ottawa a ainsi accepté d’en finir avec les investissements dans les énergies fossiles, le président de l’université du Massachusetts a indiqué vouloir prendre des mesures similaires et l’université de Yale a partiellement cédé ses investissements dans ce secteur en avril.

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Le GPFG, qui gère des fonds de 828 milliards de dollars et poursuit une stratégie de désinvestissement basée sur la gestion des risques, a indiqué dans son dernier rapport annuel s’être séparé d’une nouvelle compagnie de charbon. Un engagement que l’on retrouve du côté du fonds Rockfeller.

 

Toutefois, selon un rapport publié par le Projet de divulgation des propriétaires d’actifs (Asset Owners Disclosure Project, AODP), c’est moins d’un cinquième des principaux investisseurs – soit 97 investisseurs ayant en gestion 9,4 trillions de dollars en actifs – qui sont réellement en train de prendre des mesures concrètes pour atténuer les conséquences des changements climatiques.

Un autre pas en arrière, atténuant la portée de ce mouvement, est venu de l’Université de Stanford qui a rejeté une demande de désinvestir les 22,2 milliards de dollars de participations qu’elle détient dans des sociétés pétrolières et gazières. Harvard a affiché le même refus.

La COP22 doit devenir la COP de l’action – et de la transformation des engagements. Les entreprises devront donc prouver que ceux-ci se sont concrétisés et, surtout, qu’ils se sont diffusés à tous les secteurs et à travers les chaînes de valeur. Même si la conversion des promesses en action s’inscrit dans le moyen et le long terme, le suivi annuel de la montée en puissance de l’engagement des entreprises est un axe essentiel de la réussite de l’Accord de Paris.

Delphine Gibassier, Professeur de contrôle de gestion et de comptabilité environnementale, Toulouse Business School

The original text of this article was published on The Conversation.

 

The Conversation

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