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Will 2019 be the summer of the great drought?

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Après l’épisode caniculaire qui a frappé ces dernières semaines l’Europe en général et la France en particulier, doit-on s’attendre à un retour des grandes sécheresses ?  Les météorologues nous prédisent une saison estivale des plus chaudes ; les hydrogéologues, qui mesurent l’état des nappes phréatiques et des réserves d’eau françaises, sont plutôt pessimistes. Peut-on prévoir la sécheresse, quelles sont les solutions dont-on dispose pour s’en prémunir ? Le point avec une spécialiste en hydrogéologie.  

L’année 2019 sera-t-elle marquée par une sécheresse aussi sévère qu’en 2018, où les niveaux d’eau souterraine très bas furent comparables à ceux de l’année 1976 ? Les météorologues prédisent des températures plus chaudes que la normale pour la période de juin à août en Europe et France métropolitaine, comme a pu en témoigner le récent épisode caniculaire. Les pluies hivernales n’ont vraiment pas été abondantes, tout particulièrement du sud-ouest au nord-est ainsi que de la Normandie au Pas-de-Calais.

Le cumul des précipitations efficaces – comprendre celles qui vont participer à la recharge des aquifères, ces réservoirs naturels en eaux souterraines situés dans le sous-sol – pour la période septembre-décembre 2018 est resté essentiellement déficitaire pour les régions mentionnées plus haut ; le déficit y a été de 25 à 50 % (jusqu’à 75 % localement), à l’exception du pourtour méditerranéen et de la Haute Corse. Ici, il est excédentaire pour la même période de 50 % par rapport à la normale inter-annuelle des précipitations efficaces (au regard de la période de référence 1981-2010).

Plusieurs types de sécheresse

Les conditions semblent donc être réunies pour devoir faire face à une nouvelle sécheresse, ou plutôt à des sécheresses. On identifie en effet une sécheresse météorologique, avec un déficit prolongé de pluies ; une sécheresse des sols, dite aussi « agricole », marquée par un déficit en eau des sols avec des conséquences négatives sur la croissance de la végétation ; enfin, une sécheresse hydrologique qui se traduit par des niveaux d’eau, et de débits pour les cours d’eau et sources, anormalement bas (tant pour les eaux de surface que pour les eaux souterraines). Ces trois sécheresses ont chacune leur propre dynamique, en fonction des conditions météorologiques (pluies, température de l’air, vent) mais aussi de la nature du sol et du sous-sol.

En 2018, dans la région Centre-Val de Loire, par exemple, on assistait à une sécheresse météorologique et agricole à l’été mais, du point de vue hydrologique, les niveaux de la nappe de la Beauce n’étaient pas au plus bas – les variations de niveaux étant influencées par le régime des pluies, marquées par plusieurs cycles (un cycle annuel et un cycle pluriannuel d’un multiple de quelque 6-8 ans). Des sécheresses des sols et météorologiques ne sont en effet pas systématiquement synonyme de sécheresse hydrogéologique. Le sous-sol stocke de l’eau de pluie du cycle hydrologique actuel (période hivernale) mais aussi des cycles précédents.

Évolution du niveau d’eau souterraine dans le forage [03634X0093/F] de Trainou (Loiret), interceptant la nappe des calcaires de Beauce. Cote piézométrique exprimée dans le référentiel géographique français, altitude au-dessus du niveau de la mer. BRGM

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Le cycle 2018-2019

Quel est l’état des ressources en eaux souterraines pour le cycle hydrologique 2018-2019 ? Au début du cycle et au cours de l’hiver, plus de 50 % des secteurs hydrogéologiques retenus par le BRGM, service géologique national, pour l’élaboration de la partie « eaux souterraines » du bulletin de situation hydrologique (252 points d’eau de référence), sont caractérisés par des niveaux d’eau souterraine modérément bas à très bas ; et quelque 20 % avec des niveaux moyens. La recharge hivernale des aquifères est donc déficitaire.

À fin mai 2019, la situation est marquée par ce déficit de pluies d’hiver, des secteurs ayant déjà atteints des niveaux bas, peu ou pas observés pour ce mois au cours des dix dernières années. C’est notamment le cas de la Sologne, du sud de l’Alsace, de la Bourgogne Franche-Comté et de la vallée moyenne du Rhône.

Des outils pour prévoir la sécheresse

Pour anticiper et s’adapter à une sécheresse, il est nécessaire de disposer de prévisions à court et à moyen terme. Plus de 4 650 forages permettent aujourd’hui de suivre l’évolution du niveau des eaux souterraines à l’échelle de la France, dont quelque 1 600 points appartiennent au réseau d’observation des eaux souterraines. Il s’agit d’un des réseaux mis en place dans le cadre du programme de surveillance de la directive-cadre sur l’eau (DCE), qui permettent d’évaluer l’état général des eaux souterraines et leur évolution dans le temps et l’espace. Le BRGM est l’opérateur de surveillance quantitative des eaux souterraines pour l’État français.

À l’heure actuelle, 1 420 points d’eau sont suivis à l’aide d’équipements dédiés d’enregistrement du niveau d’eau et font l’objet de télétransmission. Ce suivi en continu des eaux souterraines, déployé au cours des deux dernières années, permet une bancarisation des données dans des temps plus courts et une valorisation des données via des outils de prévision. Les données sont ainsi conservées dans la base de données de suivi des eaux souterraines (en quantité et qualité) ADES, qui est accessible par tous – bureaux d’études, administration et citoyens. Ces informations constituent la base indispensable pour prévoir le comportement des réservoirs souterrains et fournir des outils pour les décideurs et les usagers.

Dans ce cadre, l’outil « MétéEau des nappes » a été développé par le BRGM pour fournir des informations sur l’évolution à venir des niveaux d’eau souterraine en un point donné d’observation. Via une page web, l’état quantitatif des eaux souterraines peut être consulté quasi en temps réel ; la période de simulation peut également être choisie.

Les résultats fournis indiquent l’évolution à trois ou six mois des niveaux d’eau souterraine, la représentation graphique positionnant également les niveaux d’alerte définis en tenant compte des écoulements de surface. Des simulations régionales spatialisées peuvent également permettre de faire des prévisions qui prennent en compte l’occupation du sol et les prélèvements en eau, à moyen et long termes. Certains de ces modèles régionaux des écoulements souterrains ont été rassemblés au sein d’une même et unique plate-forme afin de pouvoir effectuer de telles prévisions.

L’analyse statistique des niveaux d’eau simulés pour les modèles réunis dans la plate-forme AQUI-FR peut ainsi permettre de comprendre quel sera l’impact de scénarios sur les niveaux d’eau souterraine et la fréquence des événements. Les résultats des premières simulations pour les scénarios de changement climatique (RCP 2.6, RCP 4.5 et RCP 8.5), par rapport à la période de référence 1950-1980, mettent en évidence pour la moitié supérieure de la France, une augmentation de la sévérité des sécheresses pour toutes les projections de 1950 à 2100 et scénarios ; on note également une augmentation, tant des surfaces concernées que de la durée des sécheresses, pour environ 50 % des projections des scénarios RCP 4.5 et 8.5.

Des solutions plus ou moins efficaces

Même si la France n’est pas située en zone aride et voit des volumes importants d’eau s’écouler et s’infiltrer annuellement – encore bien supérieur aux besoins –, certaines régions seront plus touchées que d’autres, la fréquence pluriannuelle des sécheresses semblant prendre le pas. Pour faire face à cette situation, des stockages d’eau en surface sont souvent recommandés, malgré des inconvénients au niveau du foncier ou des problématiques de non-remplissage. Des adaptations sont donc nécessaires pour faire face aux diminutions de recharge. Cela passe par une gestion sobre de l’eau dans les différents secteurs – aussi bien agricole, industriel que domestique (alimentation en eau potable) –, mais aussi à une nécessaire réflexion quant à la gestion dans le temps des flux et des stocks d’eau dans le sol et le sous-sol.

Dans le cadre des Assisses de l’eau, est apparu l’objectif d’améliorer le rendement des réseaux de distribution d’eau, qui est en moyenne de 80 %. Un tel rendement de 80 à 90 % peut représenter un large volume au global sur les 5.5 milliards de m3 d’eau distribués pour l’alimentation en eau potable. Si les pertes en eau de réseaux d’eau potable « fuyards » se réinfiltrent dans le sol et sous-sol, en fonction de la localisation des points de captage et de la géologie, ainsi que des pertes sur réseau, l’eau perdue au niveau des canalisations ne va pas nécessairement recharger le réservoir souterrain. Des solutions complémentaires sont ainsi indispensables pour gérer ces ressources en eau souterraine.

Recharger artificiellement ?

La recharge artificielle des aquifères existe depuis plus d’un siècle et a connu des pics de développement au moment des périodes de sécheresse plus ou moins intenses en Europe, mais surtout aux États-Unis, en Australie, en Inde et dans le bassin méditerranéen (Espagne, Israël). Plusieurs dispositifs existent, parmi lesquels des bassins d’infiltration, du filtrage d’eau de rivière sur berge, des infiltrations directes en forage… Certains de ces dispositifs constituent des solutions fondées sur la nature, favorisant le transfert d’eau de surface vers le milieu souterrain. Ils permettent de stocker des volumes d’eau correspondant au volume déficitaire de précipitations de la période de recharge et aux besoins des usagers et aussi des milieux aquatiques associés (cours d’eau, zones humides en relation avec les eaux souterraines).

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Les principales sources d’eau utilisées pour les bassins d’infiltration constituant de nouvelles zones humides comprennent des eaux de surface et des eaux pluviales d’orage, ainsi que des effluents de stations de traitements d’eau (STEP) après différents stades de traitement (comme évoqué here and there) et des rivières recevant des effluents.

 

Schéma expliquant le circuit d’une recharge de nappe. BRGM

La composition chimique des eaux de STEP est variable dans le temps ; l’eau s’infiltrant va réagir avec la composition minéralogique et organique du sol et sous-sol. Une barrière perméable réactive peut être intégrée à la base du bassin d’infiltration. Des processus géochimiques vont prendre place et, en fonction des conditions, donner lieu à des processus de dénitrification ou de retrait du carbone organique, du phosphate ou du fer. La qualité des eaux souterraines peut ainsi être améliorée, voire amplifiée.

Les sécheresses en France – dont la sécheresse hydrogéologique concernant l’atteinte de niveau bas d’eau souterraine pour de nombreux aquifères, sur une durée de plusieurs mois – constituent un enjeu majeur pour la gestion des ressources en eau, dont les eaux souterraines. Une gestion intégrée et durable des ressources en eau implique de satisfaire les besoins en eau tant domestique, qu’agricole et industrielle mais aussi celle des milieux aquatiques.

Lors des périodes d’étiage, les eaux souterraines contribuent en l’absence de précipitations depuis de nombreux mois à assurer un débit dans les cours d’eau. Leur surveillance est donc indispensable pour orienter les gestionnaires et les usagers ; des solutions d’adaptation pour faire face à la récurrence et à l’intensité des épisodes de sécheresse deviennent également indispensables. On l’a vu, il faut à la fois réaliser des économies au niveau des différents usages – domestique, agricole et industriel – et mettre au point sans trop tarder des solutions d’optimisation de la recharge (artificielle notamment) des eaux souterraines.

Nathalie Dörfliger, Hydrogéologue, directrice de programme scientifique « Eaux souterraines et changement global », BRGM

This article is republished from The ConversationUP' Magazine's editorial partner. Read theoriginal paper.

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