L’Arctique chauffe : notre hiver sera-t-il glacé ?

L’Arctique chauffe : notre hiver sera-t-il glacé ?

Le vortex polaire se détraque et aggrave l’urgence climatique

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Cet été, l’ensemble des habitants de la Terre a pu mesurer concrètement, d’une façon ou d’une autre les effets du dérèglement climatique : canicule d’un côté, froid inhabituel de l’autre, inondations et sécheresse, mégafeux de forêts et extinctions animales. Des événements qui ont tous une origine : notre planète se détraque. Des scientifiques viennent de publier une étude dans Science qui enfonce le clou si besoin était : le vortex polaire est en train de se dérégler du fait du réchauffement de l’Arctique. Conséquence : le jet-stream ne tourne plus rond, descend au Sud vers les contrées de l’hémisphère Nord et les fige dans un froid glacial. Nous pourrions être directement concernés.

Des chercheurs en sciences de l’environnement ont publié dans la prestigieuse revue Science a study qui fera date : ils ont réussi à démontrer que le changement climatique dans l’Arctique devrait entraîner des réactions en chaîne, avec notamment ce qu’ils appellent « un décrochage du vortex polaire stratosphérique », qui peut donner des périodes de froid extrême dans les latitudes plus méridionales.

Vague de froid soudaine

Souvenons-nous : en février dernier, une vague de froid polaire a balayé les États-Unis. Le Texas s’est retrouvé pris dans la neige, paralysé. Une centaine de personnes sont mortes de froid. Le gel des pipelines et les pannes du réseau électrique dans l’ensemble de l’État ont entraîné des dommages records s’élevant à près de 200 milliards de dollars, soit nettement plus que les pertes causées par les récents ouragans à fort impact.

Fallait-il mettre sur le compte du réchauffement climatique cette vague de froid ? L’idée paraît paradoxale et les débats ont été intenses entre scientifiques sur ce sujet. Ils s’accordent tous à établir le lien entre changement climatique et vagues de chaleur redoutables, mais pour ce qui est du froid, la question restait en suspens. « Cela semble très contre-intuitif et inattendu d’avoir ce réchauffement très prononcé dans l’Arctique, et que cela provoque un refroidissement dans d’autres régions », reconnaît Mathew Barlow, l’un des co-auteurs de l’étude. Et pourtant, malgré ce paradoxe, les chercheurs sont formels. « J’étais un peu surpris que les résultats soient si clairs, que nous ayons été capables d’établir un lien aussi direct », confie ce professeur de sciences climatiques à l’université du Massachusetts.

Au cours des 30 dernières années, l’Arctique s’est réchauffé deux fois plus vite que l’ensemble de la planète, un phénomène connu sous le nom d’amplification arctique. Dans cette région du globe, deux phénomènes sont à l’œuvre : d’une part, la fonte rapide de la banquise et, d’autre part, une augmentation de la couverture neigeuse, en Sibérie notamment. La fonte des glaces provoque un fort réchauffement, l’océan absorbant alors plus de chaleur, tandis que la neige supplémentaire en Sibérie, qui réfléchit davantage les rayons du soleil, entraîne un léger refroidissement. Dans une réaction en chaîne indirecte et complexe, ces deux évolutions combinées entraînent un bouleversement de la circulation atmosphérique.

Le vortex polaire se détraque

Les chercheurs se sont concentrés sur les effets de ces mécanismes thermodynamiques sur le vortex polaire. Celui-ci est une bande de vents d’ouest soufflant rapidement qui encercle l’Arctique pendant la saison froide à des altitudes comprises entre 10 et 50 km. Lorsque les vents circulaires deviennent plus forts, l’air enfermé devient plus isolé, ce qui empêche le mélange avec des masses d’air plus chaudes à des latitudes plus basses. En temps normal, le vortex polaire forme un cercle capable de contenir l’air froid, « mais sous l’influence du changement climatique dans l’Arctique, il s’affaiblit et devient ovale », explique Mathew Barlow.

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Le vortex perd sa forme circulaire, s’étire et devient ovale. Pendant les états étirés, le vortex s’affaiblit et la configuration du vent s’écarte du flux circulaire normal. Au lieu de cela, le flux de vent effectue des excursions plus fortes vers le sud au-dessus des continents américain et eurasien. Les auteurs de l’étude signalent que la fréquence de ces états tourbillonnaires étirés a augmenté au cours des dernières décennies, le nombre de jours d’automne et d’hiver dans ce régime ayant presque doublé entre 1980 et 2020.

Cette modification dans le mouvement des dépressions pousse le jet-stream, ce courant aérien de très haute altitude, constitué de vents soufflant jusqu’à 300 km/h, à onduler en se déplaçant vers le sud. « Et lorsque vous poussez le jet-stream vers le sud, il apporte de l’air froid avec lui » expliquent les chercheurs.

L’étude a combiné l’analyse d’observations directes réalisées sur les quarante dernières années. Les chercheurs ont sélectionné les périodes où le vortex polaire était étiré en forme d’ovale : ils ont ainsi remarqué qu’avant chacun de ces épisodes, les températures changeaient de façon plus prononcée dans l’Arctique et que, dans les semaines qui suivaient, il faisait plus froid en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie. Cette découverte permettrait de mieux anticiper des vagues de froid extrême, « peut-être même plusieurs semaines à l’avance », promet Mathew Barlow.

Les chercheurs espèrent que cet avertissement pourra aider la population à prendre conscience de l’impact global de la crise climatique. « Le changement climatique dans l’Arctique n’est pas seulement quelque chose à déplorer pour les ours polaires », martèle Mathew Barlow. « Cela peut vraiment vous affecter, vous. "

Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse sembler, le réchauffement climatique peut avoir pour conséquence de renforcer des vagues de froid extrême. Les hivers très rudes n’appartiennent pas au passé ; ils sont peut-être nos hivers de demain. Les régions concernées alterneront alors des périodes de froid intense et de chaleur extrême, de quoi bouleverser les écosystèmes et les métabolismes les plus robustes.

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gilliane l
2 years

Depuis plusieurs décennies, pour les raisons étudiées dans votre article, scientifiques et citoyens concernés ont bien compris que le terme approprié était « climate change », « dérèglement climatique » et pas « réchauffement ». Il est temps que Up s’y mette !

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