Montée des eaux : on ne peut plus dire « si » mais « quand »

Montée des eaux : on ne peut plus dire « si » mais « quand »

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Même si l’humanité parvient à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, le niveau des mers augmentera et submergera les villes où vivent actuellement un demi-milliard de personnes, ont averti des chercheurs ce 12 octobre. Dans un monde qui se réchaufferait d’un demi-degré de plus que ce seuil, 200 millions de citadins supplémentaires se retrouveraient régulièrement dans l’eau de mer jusqu’aux genoux et seraient plus vulnérables aux ondes de tempête dévastatrices, ont-ils indiqué dans Environmental Research Letters.

Quel que soit le scénario, c’est l’Asie qui sera la plus touchée, avec neuf des dix mégapoles les plus menacées. Les terres où vivent plus de la moitié des populations du Bangladesh et du Viêt Nam tomberaient sous la ligne de marée haute à long terme, même dans un monde à 2 °C. Les zones bâties de Chine, d’Inde et d’Indonésie seraient également dévastées.

La plupart des projections relatives à l’élévation du niveau de la mer et à la menace qu’elle représente pour les villes riveraines vont jusqu’à la fin du siècle et vont d’un demi-mètre à presque le double, en fonction de la rapidité avec laquelle la pollution au carbone sera réduite. Mais les océans continueront de gonfler pendant des centaines d’années, sous l’effet de la fonte des calottes glaciaires, de la chaleur piégée dans l’océan et de la dynamique de l’eau qui se réchauffe, quelle que soit l’ampleur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Il est déjà trop tard

Il est donc déjà trop tard pour espérer n’observer aucune montée des eaux. « Environ 5 % de la population mondiale vit aujourd’hui sur des terres situées en dessous de l’endroit où le niveau de la marée haute devrait augmenter en fonction du dioxyde de carbone que l’activité humaine a déjà ajouté à l’atmosphère », a déclaré à l’AFP l’auteur principal, Ben Strauss, PDG et scientifique en chef du Climate Central.

Aujourd’hui, la concentration de CO2 – qui persiste pendant des centaines d’années – est 50 % plus élevée qu’en 1800, et la température moyenne à la surface de la Terre a déjà augmenté de 1,1°C. Cela suffit pour faire monter le niveau des mers de près de 2 mètres, que cela prenne deux siècles ou dix, a déclaré M. Strauss. La limite de réchauffement de 1,5 °C inscrite dans l’accord de Paris, que les nations tenteront de maintenir en jeu lors du sommet sur le climat COP26 qui se tiendra à Glasgow le mois prochain, se traduit par une augmentation de près de 3 mètres sur le long terme.

À moins que les ingénieurs ne trouvent le moyen d’éliminer rapidement des quantités massives de CO2 de l’atmosphère, cette élévation du niveau de la mer n’est pas une question de « si » mais de « quand », selon l’étude.

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Si les engagements nationaux de réduction des émissions de carbone pris dans le cadre du traité de Paris de 2015 sont respectés, la Terre se réchauffera tout de même de 2,7 °C d’ici à 2100. Si les efforts pour limiter les gaz à effet de serre faiblissent, les températures pourraient augmenter de 4 °C ou plus par rapport aux niveaux du milieu du XIXe siècle. Un tel réchauffement ajouterait 6 à 9 mètres aux océans de la planète sur le long terme et obligerait les villes où vivent actuellement près d’un milliard de personnes à mettre en place des défenses massives contre l’élévation future du niveau de la mer ou à reconstruire sur des terrains plus élevés.

Rien qu’en Chine, les terres occupées aujourd’hui par 200 millions de personnes tomberaient sous la marée haute dans un scénario à 3 °C. Et la menace n’est pas seulement à long terme : en l’absence de digues massives, les paysages urbains chinois où vivent des dizaines de millions de personnes pourraient devenir inhabitables d’ici 80 ans.

La France n’est pas épargnée

La France ne serait pas le pays le plus durement touché. Mais la montée des eaux aura tout de même de lourdes conséquences dans plusieurs villes de l’Hexagone, comme le montrent des simulations établies par les chercheurs à l’origine de l’étude, en partenariat avec le Climate Central.

Si les émissions de gaz à effet de serre provoquent une augmentation de 3°C de la température de la planète, Bordeaux pourrait bien se retrouver sous l’eau :

 

 

La ville de Nice n’échapperait pas non plus à la montée du niveau de la mer Méditerranée. La fameuse Promenade des Anglais, tout comme le vieux Nice et son célèbre Cours Saleya seraient immergés :

 

 

Les conséquences de l’élévation des mers et des océans se feront encore plus ressentir dans le sud-ouest de la France. En effet : même avec un réchauffement de « seulement » 1,5°C, seuil qui sera atteint selon le GIEC en 2030 au regard des émissions actuelles, les villes côtières du Pays Basque n’échapperont pas à la submersion. La situation sera bien-sûre pire en cas de réchauffement plus marqué (et dans le cas où aucun aménagement n’est réalisé pour parer à cette élévation des océans).

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D’autres zones côtières françaises doivent également s’attendre à subir les conséquences de la montée des eaux, comme la Vendée ou la Charente-Maritime : l’île de Ré, l’île d’Oléron, la Rochelle et surtout le marais Poitevin seront ainsi exposés à la submersion marine si le niveau des eaux augmente d’un mètre (un scénario possible à l’horizon 2100 selon le dernier rapport du GIEC). Sur le littoral du Nord et du Pas-de-Calais, l’élévation du niveau de la mer d’un mètre inonderait même l’intérieur des terres dans une zone allant de Calais à Dunkerque.

Par ailleurs, « il ne faut pas imaginer que la montée de la mer affectera uniquement le littoral », expliquait Stéphane Costa, chercheur au CNRS à nos confrères de Reporterre : " Cela va également concerner l’intérieur des terres avec des remontées de nappes phréatiques, des zones humides seront inondées et des zones qui n’étaient pas humides vont le devenir. De plus, l’eau va pénétrer par les fleuves et les rivières et bloquer les écoulements, avec des répercussions sur plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres ".

Scénarios-catastrophe

Dans leur étude publiée dans Environmental Research, les scientifiques esquissent plusieurs scénarios de montée des eaux en fonction de la gravité du réchauffement climatique :

Dans l’hypothèse où la planète ne se réchaufferait plus, si toutes les émissions de gaz à effet de serre étaient brutalement stoppées dès maintenant, le réchauffement climatique déjà engagé contribuerait à une montée des eaux moyenne de 1,9 mètre.

En cas de réchauffement limité à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle – un seuil qui sera atteint en 2030 d’après le GIEC -, l’eau monterait de 2,9 mètres.

Dans l’hypothèse d’un réchauffement à 2°C, le niveau des mers grimperait de 4,7 mètres.

Si la planète se réchauffe de 3°C – scénario le plus probable d’ici 2100 selon le GIEC si l’on continue à émettre des gaz à effets de serre au rythme actuel -, le niveau de l’eau monterait de 6,4 mètres.

Enfin, scénario le plus catastrophique : en cas de réchauffement de 4°C, les océans s’élèveraient de 8,9 mètres.

Un réchauffement de 1,5 °C entraînera toujours une élévation dévastatrice du niveau de la mer, mais les alternatives plus chaudes sont bien pires », commente le chercheur Ben Strauss. « Nous sommes en mauvaise posture, mais il n’est jamais trop tard pour faire mieux, et la différence que nous pourrions faire est énorme"

À des niveaux de réchauffement plus élevés, le danger de déclencher la désintégration irréversible des calottes glaciaires ou la libération des réserves naturelles de CO2 et de méthane dans le permafrost augmente considérablement, préviennent les scientifiques. Il faut donc, dès maintenant, réduire drastiquement nos émissions de CO2. Le plafonnement du réchauffement climatique maintenu à un niveau aussi bas que possible nous donne également le temps de nous adapter, affirment les auteurs de l’étude.

Ces derniers se révèlent optimistes par rapport aux experts du climat du GIEC. Pour eux, le monde se dirige à l’heure actuelle vers un réchauffement climatique de 2,7°C à l’horizon 2100. Les États seront-ils suffisamment lucides pour prendre la mesure du problème lors de la COP26 qui s’ouvre le 31 octobre à Glasgow ?

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