Could Palmyra be reconstructed using 3D?

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Le groupe terroriste Daech poursuit son implacable entreprise de destruction du patrimoine antique. Des images satellite ont confirmé la disparition presque totale du temple de Bêl, joyau de la cité de Palmyre en Syrie.
Mais face à ces destructions, la riposte, si ce n’est militaire, au moins culturelle, est en train de s’organiser. Des chercheurs britanniques et américains ont lancé un projet ambitieux dont le but ultime est de reconstruire certains sites en utilisant la technique de l’impression 3D. La technologie pourra-t-elle compenser les pertes irréversibles infligées par la barbarie ?
 
On se souvient de ce film sorti l’année dernière, Monument Men avec Georges Clooney qui racontait l’histoire de ces centaines d’hommes pendant la seconde guerre mondiale qui avaient sillonné l’Allemagne nazie dans le but de sauver les œuvres d’art de la destruction. Le projet qui vient d’être dévoilé est un peu l’équivalent, mais transposé au XXI° siècle. Il émane du prestigieux Institut d’archéologie digitale des universités d’Harvard et d’Oxford.
 
Capturer des milliers d’images 3D
 
Dans une lettre adressée au Times, les chercheurs ont expliqué leur but : faire circuler dans les zones de conflit du Proche-Orient des milliers d’appareils photo 3D, afin de collecter un maximum d’images d’objets et de monuments antiques pour les utiliser un jour, et faire renaître ce patrimoine.
"Palmyre est devenu le symbole de l’iconoclasme de Daech, déclare au Times le Professeur Roger Michel, directeur de l’Institut. «Si nous laissons Daech démolir et réécrire l’histoire de la région qui a définit l’esthétique et la politique de nos sociétés, nous souffrirons collectivement d’une défaite irréversible et significative.» Le chercheur reste toutefois optimiste :«Mais il y a de l’espoir. En plaçant les enregistrements de notre passé dans le domaine digital, il le maintiendra pour toujours hors de portée des vandales et des terroristes
 
Roger Michel, explique au micro de la radio suisse romande les détails de l’opération : « Nous sommes en train de distribuer des appareils photo et commençons à collecter les images. On prévoit de distribuer jusqu’à cinq mille de ces appareils photo d’ici la fin de l’année. La distribution s’effectue en partie par l’UNESCO ? qui est un partenaire du projet, très implanté en Irak, au Yemen, en Syrie. Mais nous avons aussi sur place des équipes chargées d’entrer en contact avec des sociétés d’archéologie, des musées et toutes sortes de volontaires. Tous ces gens vont pouvoir capturer des images des monuments et des sites, y compris ceux auxquels les ONG ne peuvent pas avoir accès. Notre but est de collecter dix à quinze millions d’images d’ici la fin de l’année 2016 ".
Ces milliers de caméras 3D sont faciles d’utilisation et ne coûtent que moins de 30 euros. Chaque morceau du patrimoine de la région pourra ainsi être filmé. Les images seront ensuite envoyées à une banque de données accessible en ligne par les chercheurs, le grand public mais aussi la police.
De fait, cette initiative servira aussi à la lutte contre le trafic d’œuvres d’art, une des stratégies utilisées par Daech pour se financer : «Si une personne vend un objet en affirmant qu’il a été acquis en Syrie dans les années 1930, nous saurons que ça n’a pas été le cas car nous saurons qu’il se situait, en 2015, à telle longitude et telle latitude», affirme Roger Michel au Le Figaro. Car pour chaque objet, l’Institut pour l’étude du monde ancien de l’Université de New York ? qui gérera le site, connaîtra les données GPS et le lieu de sa découverte.
 
Une mobilisation collective pour une œuvre participative
 
Pour récolter des images de sites en grand danger ou déjà partiellement détruits comme celui de Palmyre, l’Institut d’archéologie digitale  va, selon Roger Michel, adopter une méthode différente : « Nos équipes d’Oxford sont en train de développer des logiciels qui vont permettre d’exploiter des images en 2D des sites, y compris des photos prises par des touristes. Ces images seront ensuite transformées en images 3D. »
Le chercheur s’enthousiasme : « C’est un projet qui va rendre possible la reconstruction de ces sites, mais aussi qui va donner l’occasion à tout le monde, y compris à ceux et celles qui ont eu la chance dans le passé de visiter le site de Palmyre, de participer à notre projet. Chacun va contribuer à faire renaître ce pan de notre histoire commune ".
 
Image issue d’une vidéo diffusée par l’Etat islamique et montrant, vraisemblablement, la destruction du temple de Bêl à Palmyre en Syrie. – WELAYAT HOMS / AFP
 
 
Le but ultime est donc bien la reconstruction de ces sites. Il est aujourd’hui possible de construire une maison entière en utilisant la technique de l’impression 3D et pour Roger Michel il sera possible « théoriquement » d’avoir recours à cette technologie pour faire revivre les objets ou temples entiers du Proche-Orient. Mais en l’occurrence, ce sera aux pays concernés de faire ce choix, qui entraînera nécessairement un coût. « Si l’on s’oriente un jour dans la reconstruction à grande échelle des sites antiques, ce sera coûteux et nécessitera une implication de la part des gouvernements ou de certains mécènes. Mais je dois tout de même préciser que l’on parle ici de reconstruire ces sites en utilisant une structure de béton préfabriqué. Ce ne serait pas la première fois car plusieurs sites romains sont reconstruits avec ce matériau qui présente l’avantage de ne pas être trop onéreux ".
 
Une reconstruction qui pose des questions
 
Ce projet de reconstruction est pour l’heure très hypothétique et risque de poser de nombreuses questions mais, comme le rappelle Roger Michel, le simple fait de voir des milliers d’individus se mobiliser pour collecter des images des sites antiques représente déjà une défaite pour les ennemis du patrimoine.
 
Peinture de Louis-François Cassas, Les Ruines de Palmyre, 1821, Musée des Beaux-Arts de Tours.
 
 
Marc-André Haldimann, chercheur associé à l’Université de Berne et expert à l’UNESCO pour la Syrie, confirme que ce projet présente un double intérêt : d’abord, collecter de l’information, des images pour assurer la sauvegarde et le suivi des objets archéologiques et aussi un aspect très utile pour la documentation des bâtiments. Certes ces grands sites archéologiques comme Hatra ou Palmyre sont fouillés et documentés depuis plus d’un siècle mais la collecte d’images est importante pour compléter les informations disponibles. Le projet est utile aussi pour réunir les gens. En revanche, le mode de reconstruction en béton préfabriqué est selon lui hautement contestable. Il s’insurge : « on a pris l’habitude de faire du Disneyland un peu partout ». Il faut se résoudre à la triste réalité dit-il : «  Il faut bien se dire que le monument authentique a été dynamité et il a disparu. Il ne reviendra plus. Que l’on reconstruise à l’identique, à un endroit différent, ce monument disparu, pourquoi pas. Par contre, le reconstruire à son emplacement d’origine poserait de très graves problèmes parce que sous le monument détruit se trouve encore des couches archéologiques encore plus anciennes. Ces villes ont été reconstruites à leur emplacement pendant plusieurs siècles. Si on va dans cette hypothèse-là, on met en péril ce qui subsiste encore de témoins authentiques à l’emplacement même de ces temples détruits ".
 
« C’est parti pour toujours »
 
D’autres voix se font entendre rappelant le caractère tragiquement irréversible de ces destructions mais appelant aussi à l’action. « Même si Daech détruit tout Palmyre, il faudra reconstruire », s’écrie au journal The World l’archéologue Maamoun Abdulkarim, directeur général des antiquités et des musées de Syrie. Il affirme : « Les archéologues ont une bonne expérience de la taille de la pierre et des techniques utilisées par les missions française, allemande, suisse… L’excellente coopération européenne a été très utile. Mais nous ne savons pas quel est le pourcentage des dommages sur les blocs de pierre. Si la reconstruction s’impose, l’authenticité sera perdue. "
Béatrice André-Salvini, directrice honoraire du département des Antiquités orientales du Louvre, attend des informations plus précises : « Je ne suis pas sûre que l’on puisse remonter les monuments de Palmyre si les pierres ont explosé, c’est un peu tôt pour le dire. Avec les nouvelles techniques, on peut probablement sauver pas mal de pierres, concède-t-elle. On ne peut pas faire du neuf, cela n’a pas de sens à notre époque."
 
Michel Al Maqdissi
 
 
Michel Al Maqdissi  est l’ancien responsable des fouilles et des études archéologiques de Syrie de 2000 à 2012 ; il fut le dernier à effectuer des fouilles en 2011, dans l’enceinte même du temple Bêl. Il a mis au jour, en bordure de la « cella », le sanctuaire lui-même, aujourd’hui détruit, un temple plus ancien du début du premier siècle, avec sa salle de banquet.
Face à la question de la reconstruction du temple Bêl détruit, il demeure tristement dubitatif : « Les murs sont massifs, énormes, j’ai des doutes », avoue-t-il, conscient d’une sorte de mission impossible. « C’est parti pour toujours. » L’archéologue ne fait pas le même constat pour le petit temple Baalshamin, plus facile à reconstruire avec des éléments nouveaux. Les carrières de pierre sont dans les environs de Palmyre.
" On peut imaginer un scénario très triste, ajoute-t-il au World. On ira aux Etats-Unis voir des reconstitutions en 3D et des pièces originales. Les collectionneurs américains et ceux des pays du Golfe achètent en quantité. Les antiquités quittent le pays par la Turquie, le Liban, la Jordanie, et se vendent à Londres, Genève… » Selon les spécialistes, le pillage a été organisé de manière industrielle par Daech, ce trafic illicite étant une de ses principales ressources.
Il conclut dans un sanglot : « On dira : “Ici, il y avait un site qui s’appelait Palmyre.” "
 
 
 
 
A Palmyre en Syrie, le temple de Bel détruit par Daech. En haut, extrait de l’image prise par le satellite Pleiades le 27 août 2015. Copyright CNES – Distribution Airbus Defence and Space.
En bas, une image acquise le 31 août par Urthecast.
 
 
 

Pour aller plus loin : la numérisation des œuvres d’art (Future Mag/Arte)

 
 
 

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