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Energy retrofitting of buildings at a standstill

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Douze mois après le lancement d’un grand plan national, la rénovation énergétique des bâtiments semble être au point mort, selon le réseau Cler – Réseau pour la transition énergétique. Il est urgent, face aux bouleversements climatiques actuels, que des stratégies d’accélération, et des réponses concrètes soient mises en œuvre, notamment par des actions politiques efficaces, notamment en impliquant l’ensemble de nos territoires et citoyens dans des actions globales opérationnelles et réalistes.
 
Ce mardi 16 avril 2019, les acteurs mobilisés aux échelles locale et nationale pour la rénovation énergétique des bâtiments, et une lutte efficace contre la précarité énergétique, étaient réunis à l’Hôtel de Ville de Paris, à l’occasion d’une conférence de presse, en marge du 7e Forum de l’éco-rénovation en copropriété.
Il y a un an, presque jour pour jour, le 26 avril 2018, Nicolas Hulot présentait son plan national de rénovation énergétique des bâtiments. Un an plus tard, le ministère a donc changé de locataire, et la France ne montre aucun signe crédible de rattrapage de son retard en matière de transition énergétique des bâtiments. Tout en revendiquant sa continuité avec la Loi de transition énergétique de 2015 qui prévoyait la rénovation d’ici 2025 de 7 millions de « passoires énergétiques », le plan fixait alors l’objectif « d’éradiquer d’ici dix ans » (soit 2028) 1,5 million de ces logements inefficaces (de classe énergétique F et G) habitées par des propriétaires aux faibles revenus. Il présentait diverses actions et un calendrier pour atteindre des objectifs revus à la baisse. Force est de constater que ces lignes directrices déjà fragiles n’ont pas été suivies ni mises en œuvre depuis lors.
 
Pour Jean-Baptiste Lebrun, directeur du réseau CLER, « Malgré le ambitions affichées un an après la publication du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, la politique d’efficacité énergétique française est en recul. "
 
En l’absence de comptabilité officielle et de concrétisation de l’observatoire annoncé par le gouvernement, on estime qu’environ 40 000 rénovations permettant d’amener un logement au niveau « basse consommation » (étiquette B) ont été menées en 2018. De nombreuses autres opérations de rénovation ont permis un gain énergétique (environ 250 000) qui reste cependant en dessous du niveau de performance nécessaire pour atteindre, même progressivement, le niveau souhaité pour les logements en 2050.
Pourtant, le plan de rénovation reconnaît que la rénovation performante des bâtiments représente un enjeu de première importance pour protéger les citoyens et les entreprises contre les variations des prix de l’énergie et augmenter le confort des habitants et des usagers. Elle est aussi indispensable pour rattraper le retard de la France, qui ne respectera pas son objectif européen de 20 % d’économies d’énergie en 2020 (les bâtiments représentant près de la moitié de nos consommations énergétiques, soit plus que les transports ou l’industrie).
 

Objectif : un parc de bâtiments basse consommation

Or le retard continue de s’accumuler : de nombreuses mesures prévues (transformation du Crédit d’impôt en « prime travaux », introduction d’un diagnostic de performance énergétique opposable, critère de performance énergétique minimum pour les locataires, réécriture du cadre pour les bâtiments tertiaires, et mise en place d’un service public de la performance énergétique de l’habitat…) sont soit retardées, soit mises en œuvre de manière très insuffisante. L’accent est mis sur la baisse des coûts à court terme favorisant la rénovation par étapes et un comportement économe des usagers, au détriment des investissements réels dans la rénovation performante des bâtiments.  En introduisant ce recul dangereux sur la performance énergétique des travaux (remplacement des objectifs de rénovation complète par des travaux non coordonnés) et le montant des aides (baisse de 25 % en 2019), l’Etat renonce à l’objectif de lutte contre la précarité énergétique et fait le pari de l’énergie « décarbonée » pour atteindre ses objectifs climatiques de long terme.
 
Visit dispositif de « chaudières à 1 euro » pour les ménages les plus modestes illustre cette tendance du gouvernement qui communique aujourd’hui abondamment sur des solutions court-termistes, au mépris d’économies d’énergie durables et vraiment utiles pour les citoyens. 83 % d’entre eux estiment pourtant qu’il faut « dégager des financements pour engager la rénovation thermique des bâtiments les plus mal isolés » parmi cinq autres propositions écologiques et sociales plébiscitées par les Français (sondage BVA, mars 2019) : ils comprennent les avantages de ces travaux mais pour passer à l’acte, ils ont besoin de clarté dans les aides disponibles et de soutien, sous la forme d’un accompagnement humain, neutre et de qualité.
 
Une vraie transition énergétique des logements et des bâtiments tertiaires (bureaux, hôpitaux, écoles) nécessite des solutions très performantes, or les innovations et les financements issus du plan de rénovation sont déconnectés des enjeux centraux de performance et de qualité. Cette fuite en avant est une occasion manquée pour les ménages et les petites et moyennes entreprises locales de l’efficacité énergétique.
Pauline Mispoulet, PDG du GESEC (Groupement économique sanitaire électricité chauffage)

Un service public au plus près des citoyens

La Loi de transition énergétique prévoit la création d’un service public pour informer, conseiller et accompagner les ménages tout au long de leur parcours de rénovation. La rénovation d’un logement est un chantier complexe, pour lequel les ménages ont besoin de conseils objectifs et personnalisés afin d’opérer les bons choix techniques, et ainsi maximiser le potentiel d’économie d’énergie et minimiser le montant de leurs factures. C’est également un projet très local qui doit pouvoir s’appuyer sur les artisans et les professionnels du bâtiment d’un territoire, les filières de matériaux et les équipements locaux. Dans le Jura, les conseillers préconisent l’installation de poêles à bois, à Montpellier ils privilégient le confort d’été.
Bien qu’il existe aussi sur le terrain dans une version minimum, grâce aux missions réalisées par les conseillers du réseau Faire (1), ce service public n’a aujourd’hui pas les moyens financiers de se déployer pour bénéficier à tous, et particulièrement aux ménages les plus fragiles. Pire, l’Etat ne propose aucune trajectoire pour déployer ce service public qui coûterait en tout et pour tout 200 millions d’euros par an, au risque de détruire l’expertise construite depuis près de 20 ans par les Espaces Info Energie. Le déploiement de ce « guichet unique » de la rénovation dans les territoires doit enfin aller de pair avec une amélioration de l’efficacité et de la lisibilité des aides aux travaux de rénovation énergétique.
 
Pour Anne Girault, Directrice de l’Agence parisienne du climat (APC), « Les Agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) jouent un rôle essentiel dans le passage à l’acte vers des travaux efficaces et adaptés. Elles accompagnent la demande des particuliers, favorisent la consolidation des filières professionnelles et l’émergence de nouveaux métiers et services. Par exemple, avec l’approche développée par l’APC, en particulier celle du Coachcopro, nous avons montré la pertinence et l’efficacité des démarches de terrain venant en appui des politiques locales. Les incertitudes qui pèsent sur le financement du SPPEH toujours pas défini concrètement, risquent de mettre en péril ce service et de faire disparaître un segment entier de la chaîne de décision. À l’APC, nous demandons donc que le sujet de l’accompagnement et de son financement soit traité dès 2019. »
 
Selon un sondage IPSOS publié le 12 mars 2019, les Français sont conscients des bénéfices potentiels liés à la rénovation thermique. Motivés par la réalisation d’économies financières et le confort qu’ils gagneraient à rénover leur logement, ils observent néanmoins plusieurs freins qui empêchent leur « passage à l’acte » : d’une part, les investissements financiers nécessaires (55% des personnes interrogées) ; d’autre part, la complexité du projet (37% d’entre elles) comme par exemple, obtenir une autorisation légale, discuter du projet avec des copropriétaires, trouver un entrepreneur fiable, quitter le logement au cours de travaux… apparaissant comme un fardeau. Autant d’arguments qui soulignent l’importance d’un « tiers de confiance » accompagnant le citoyen dans le montage de son projet, et au cours de sa réalisation.
 

La méthodologie, base de succès de mise en œuvre des transitions énergétiques

Dans son dernier ouvrage « Mettre en œuvre les transitions énergétiques » (2) Jacques de Gerlache, rappelle qu’il est indispensable qu’un projet de transitions énergétiques (d’Etat, de région, de communauté, d’entreprise, d’organisations, …) structure en son sein ses flux opérationnels dans l’espace et dans le temps. Or de telles intégrations sont hors de portée par la plupart des acteurs concernés car ils en ignorent l’existence même. Pour remédier à un tel état de fait, il suffirait de les enseigner et de les mettre en pratique, dans chaque contexte global. Ceci permettrait à chaque acteur de juger du degré de prise en compte des contraintes de ses enjeux propres par rapport à l’ensemble de ceux de l’entreprise et de fixer ainsi un périmètre et une orientation globale très opérationnelle d’une stratégie qui intègre ce contexte propre.  Cela permettrait notamment de mieux prendre en compte les trois dimensions d’une gouvernance globale indispensable à une bonne gestion de l’action sociétale : la dimension politique, la dimension administrative et la dimension juridique. (Source : Partie 3 – p. 112)
À Paris comme ailleurs, la rénovation des bâtiments au niveau basse consommation est un impératif pour atteindre la neutralité carbone et un mix énergétique 100 % énergie renouvelable. La Mairie agit depuis plus de dix ans dans ce sens et le nouveau Plan Climat accroît cet engagement : soutien à l’Agence parisienne du climat, rénovation de 5000 logements sociaux par an, programme Eco-Rénovons Paris pour les copropriétés… Mais pour réussir ce défi considérable, l’alignement de l’ensemble des acteurs est indispensable et, malheureusement, force est de constater aujourd’hui que l’Etat n’est pas à la hauteur.
Célia Blauel, Adjointe à la Maire de Paris en charge de la transition écologique. »

Une transition paradigmatique comme préalable aux transitions énergétiques

De nombreux rapports ont déjà souligné que résoudre la problématique d‘une transition énergétique réussie impose de réaliser une combinaison de plusieurs facteurs, pour créer des interactions indissociablement liées : démographie, ressources naturelles, évolutions climatiques, croissance économique, évolution d’offre technologique et la demande, efficacité énergétique globale de la chaîne, dimensions sociologiques et politiques, etc. Pourtant, il n’y a aucun écho à ces plans de mise en œuvre « politique », déclare Jacques de Gerlache, rejoignant l’avis du réseau Cler.
 
Les conclusions du rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) « Energy Technology Perspectives 2017 » s’inscrivent complètement dans cette vision : « Les technologies énergétiques interagissent et doivent donc être développées et déployées ensemble. Des systèmes énergétiques, abordables, sûrs et durables comportent des sources d’énergie plus diverses et dépendront davantage de la production distribuée […] Par conséquent, ils devront être mieux intégrés et gérés de manière systémique. Cela peut augmenter l’efficacité et diminuer les coûts du système, et cela nécessitera une gamme plus large de technologies et de carburants. Cependant, le succès dépend non seulement ders technologies individuelles, mais aussi de la manière dont fonctionne le système énergétique global. Le défi le plus important pour les décideurs de l’énergie sera de s’éloigner d’une perspective sollicitée et orientée vers l’offre vers celle qui permet l’intégration des systèmes. Des outils de planification efficaces, des cadres réglementaires de soutien et un dialogue politique renforcé sont essentiels. »
L’analyse indique que, quelle que soit la voie choisie pour la transformation du secteur de l’énergie, une action politique est nécessaire pour faire en sorte que les multiples avantages économiques, sécuritaires et autres découlant du déploiement accéléré de technologies énergétiques propres soient réalisés par une approche systématique et coordonnée.
 
Comme le souligne Edgar Morin, auteur de La Méthode (3), " tant que nous n’aurons pas réformé le mode d’organisation du savoir, mode compartimenté et parcellaire dans lesquels vivent non seulement les spécialistes, les techniciens, experts, mais aussi ceux qui sont compartimentés dans les administrations et les bureaucraties, qui est en même temps un mode d’organisation sociale, tous les discours sur la responsabilité et sur la solidarité seront vains"
 
(1) Créé en 2001, un réseau de 500 conseillers « Info Energie » regroupés aujourd’hui sous la bannière « Faire » apportent des conseils objectifs, de qualité, gratuits et indépendants aux ménages qui souhaitent rénover leur logement, grâce à des financements publics nationaux et locaux. Travaillant au sein de structures diverses (associations, agences locales de l’énergie et du climat, collectivités), ancrées localement, ils préfigurent le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) et doivent donc être renforcés, pour accompagner tous les citoyens sur le terrain. Au quotidien, l’expertise de ces conseillers est reconnue et fortement appréciée, avec un taux de satisfaction des particuliers qui s’élève à 93% (source Ademe).
(2) « Mettre en œuvre les transitions énergétiques de Jacques de Gerlache – Edition Dunod, février 2019
(3) « La Méthode » d’Edgar Morin – Edition Le Seuil (Collection Points) – 6 Volumes : 1977, 1980, 1986, 1991, 2001, 2004
 
Sources :
CLER – Réseau pour la transition énergétique
Jacques de Gerlache
 
To go further:
– Le CLER donne rendez-vous à Cergy-Pontoise du 4 au 6 juin 2019 pour les rencontres annuelles du réseau et l’Assemblée générale de l’association.
 

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