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L’approche « Innovation 3C » ou comment fabriquer ensemble le futur – 1ère partie

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Innovation 3C ? Cet acronyme signifie « Innovation par la Co-création avec des Communautés Créatives » et traduit bien la dernière révolution à l’œuvre dans le domaine de l’innovation et du marketing : la co-création de produits et services par les consommateurs et usagers eux-mêmes. Après avoir traité leurs clients en consommateurs passifs, les entreprises ont progressivement pris conscience à partir des années 90 que les consommateurs sont des personnes auxquelles il fallait fournir une offre la plus personnalisée possible (ère du marketing « one to one » et de la customisation). Mais désormais, une étape supplémentaire est en train d’être franchie : les consommateurs ont des compétences reconnues qui les rendent aptes à participer efficacement au processus de co-développement de produits/services nouveaux.

Il s’agit donc d’une approche très novatrice de l’innovation consistant pour une entreprise à mettre à contribution des communautés de consommateurs pour concevoir de nouveaux produits ou services.

Cette co-création s’effectue notamment au sein de « communautés de pratiques » réunissant des aficionados de tels ou tels produits qui peuvent échanger (dans la vie réelle ou virtuelle) leurs expériences et exprimer leurs souhaits d’amélioration et besoins non satisfaits. Ces communautés d’innovateurs sont constituées de consommateurs avant-gardistes, connus aussi sous le nom de « lead-users ». En préfigurant par leurs usages anticipateurs ce que sera la consommation du plus grand nombre dans l’avenir, ces innovateurs ouvrent des pistes très précieuses pour imaginer les produits et services de demain.

Toute la difficulté est de savoir déceler ces usages émergents et de les traduire en voies concrètes d’innovation. Mais les entreprises qui savent faire cela acquièrent des avantages concurrentiels indéniables leur permettant notamment de prendre une longueur d’avance sur leurs compétiteurs. Un tel processus d’innovation présente en effet de multiples avantages : réduction du temps de mise sur le marché des nouveaux produits/services, innovations plus pertinentes car davantage en phase avec les attentes (exprimées ou non) des consommateurs, moindres coûts par réduction du risque d’échec.

Cela suppose néanmoins des changements profonds de la part des entreprises à tous niveaux : nouvelles relations avec les consommateurs qui deviennent de véritables partenaires de l’entreprise, focalisation de toute l’organisation sur le client, nouvelles relations avec l’écosystème habituel de l’entreprise (fournisseurs, sous- traitants, distributeurs, etc.).

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Au-delà, et en extrapolant cet esprit de co-création, on peut même entrevoir de profonds changements au niveau sociétal : les consommateurs prenant conscience de leur impact sur l’économie et la société, vont progressivement mais inéluctablement devenir plus responsables et impliqués. Ils acquièrent le statut de consom’acteurs. Les entreprises elles-mêmes vont prendre conscience de leur rôle et devenir davantage citoyennes.

Pourquoi cette émergence actuelle de l’innovation 3C ?

Bien sûr, les démarches d’innovation 3C ne sont pas complètement nouvelles. On pourrait même affirmer qu’elles ont toujours peu ou prou existé. Mais ce qui est vraiment nouveau c’est le rythme et l’envergure que connait actuellement l’innovation 3C et qui en font une véritable lame de fond renouvelant complètement les approches classiques de l’innovation. Depuis les pionniers comme 3M et P&G qui ont inauguré ces démarches aux USA, le mouvement se répand maintenant à tous types d’entreprises, partout dans le monde. Il ne s’agit pas d’une tendance de mode comme on en rencontre beaucoup, mais d’un phénomène de fond, de l’ordre d’une mutation radicale, d’un vrai changement de paradigme.

Une spirale vertueuse

En schématisant, on peut dire que l’innovation 3C résulte de trois évolutions majeures qui se combinent pour former une spirale vertueuse bénéfique à son émergence et à son déploiement rapide :

• Un nouveau contexte économique :

Chacun sait désormais que « la Terre est plate ». C’est en effet sous ce titre (en anglais« the world is flat ») que l’essayiste américain Thomas L. Friedman a publié un livre à succès qui décrit le nouveau paradigme d’une économie globalisée : tout est relié, en connexion permanente. Dans un monde de plus en plus interconnecté, les distances et frontières sont quasi abolies, renforçant ainsi la concurrence : il y a davantage de compétiteurs qui viennent investir le pré carré habituel des entreprises. Dans un tel contexte de compétition tous azimuts, l’innovation est plus que jamais un facteur clé. Il faut innover toujours plus, toujours plus vite et toujours mieux. Cela signifie notamment qu’il faut proposer aux consommateurs des innovations qui les satisfont et rencontrent durablement leurs besoins. D’où l’idée d’associer ces derniers au processus d’innovation…

• De profonds changements sociétaux :

« Foule sentimentale, On a soif d’idéal, Attirée par les étoiles, les voiles, Que des choses pas commerciales… »
Ce couplet d’ Alain Souchon illustre bien une tendance sociologique de fond. Celle-ci traduit l’inclination des individus à ne plus consumer leurs vies au travers d’une consommation effrénée, mais au contraire à retrouver un sens à celle-ci au travers de valeurs plus authentiques. Il est certain que l’innovation C3 a pu naître et se développer du fait des évolutions socio-économiques de ces dernières décennies. Celles-ci se sont traduites par des changements majeurs de valeurs et, partant, dans les modes de vie et attitudes des individus face à la consommation.

Voici un bref tour d’horizon des changements les plus significatifs touchant le consommateur postmoderne :

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• Avec l’élévation globale du niveau d’éducation et d’information, les consommateurs ont davantage de discernement. Ils deviennent quasiment aussi experts que les vendeurs qu’ils ont en face d’eux.

• Les clients ne consomment plus comme avant. Il n’achète pas qu’un produit. Il veut des services associés, de la facilité d’usage, davantage d’ergonomie. De même, l’acte d’achat et l’acte consommatoire évoluent : au-delà de la simple « consumation » de produits ou services, le client veut vivre des expériences enrichissantes, ludiques, sensorielles. Il adore qu’on lui raconte des histoires (storytelling), qu’on fasse vibrer son imaginaire.

• Beaucoup plus qu’avant, le consommateur veut s’exprimer et participer. La génération P est née. Il veut faire entendre sa voix, être pris en compte. Il est de plus en plus créatif, voire même inventif.

• Au-delà des motivations d’échange et de partage, on assiste aussi à la mise en place progressive de solidarités, de soutiens entre communautés et entre générations. Cette appartenance à des communautés permet de tisser des liens entre membres, de les renforcer en multipliant les échanges. Un cercle vertueux se met alors en place : davantage de liens, cela veut dire davantage d’échanges et globalement un niveau de compétence accru. C’est le phénomène de la sagesse et de l’intelligence des foules (« Wisdom of crowds » et « Smart mobs ») décrit par James Surowiecki (http://www.randomhouse.com/features/wisdomofcrowds/Q&A.html) et Howard Rheingold (http://www.smartmobs.com/book/)

• Cette intelligence collective qui se met en place semble elle-même s’accompagner d’une sorte de montée de conscience généralisée. Le consommateur d’aujourd’hui devient de plus en plus responsable. Il acquiert de nouvelles valeurs et devient un consom’acteur, c’est à dire un consommateur citoyen, impliqué. Il est attentif à ce qu’il achète car soucieux de sa santé, de son bien-être. Il est aussi plus ouvert sur le monde, plus concerné par les questions environnementales et les problèmes de la planète. Il cherche des produits faisant davantage sens, plus authentiques. A cet égard, on peut citer les tendances sociologiques de la simplicité volontaire ou celles des « cultural creatives », ces personnes ainsi dénommées car elles veulent créer une nouvelle culture en phase avec de nouvelles valeurs (qui globalement sont celles du développement durable, de la responsabilité citoyenne, et de la quête de sens). Selon le sociologue américain Paul H. Ray qui est à l’origine de ce concept, ce courant sociologique représenterait déjà aux USA, en Europe, au Japon et dans d’autres pays développés, plus de 25 % de la population.

Tous ces changements se traduisent par une inversion des rapports de force entre les producteurs traditionnels que sont les entreprises et leurs clients. La montée en force de ceux-ci et l’autonomie qu’ils revendiquent (empowerment) en font désormais des partenaires incontournables dans les processus d »innovation.

Il est certain que ce formidable gisement, partout accessible, ne demande qu’à s’employer et constitue donc un terreau fertile pour l’innovation 3C.

• L’irruption des nouvelles technologies :

Évidemment ces évolutions socio-économiques que nous avons brièvement décrites ont été favorisées et accompagnées par les extraordinaires avancées technologiques actuelles. En particulier, le formidable essor des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), et plus particulièrement d’Internet, a constitué un levier décisif pour l’innovation 3C. En facilitant la diffusion de savoirs et les échanges, les technologies du web (moteurs de recherche, fils RSS, blogs, wikis, réseaux sociaux, plateformes collaboratives, etc.) ont permis à tout un chacun d’exprimer son inventivité et de la partager avec d’autres.

En redonnant au consommateur du pouvoir face aux marques, Internet s’avère être un facteur réellement crucial pour le déploiement de l’innovation 3C.

Les limites de l’innovation traditionnelle

Dans le même temps que l’innovation 3C trouve des conditions favorables à son émergence, l’innovation traditionnelle est de plus en plus en panne. Les entreprises se rendent donc compte que le modèle « techno-push » de l’innovation classique n’est plus adapté à des contextes hyper-compétitifs et qu’il leur faut résolument s’orienter vers une innovation plus ouverte, prenant beaucoup plus compte les vraies attentes, exprimées ou latentes, des clients. Car, il est avéré que les nouveaux produits co-créés avec les utilisateurs ont des taux de succès bien supérieurs. Des sociétés comme P&G, BMW, 3M et Audi sollicitent ainsi des sources d’innovation externes pour créer de nouveaux produits. P&G revendique 40 % de nouveaux produits venant d’une innovation externe et son objectif est de faire monter ce taux à 50 % en dépit d’une équipe de R&D forte de 7 500 personnes.

L’innovation 3C propose d’explorer une nouvelle piste : pourquoi ne pas tout simplement essayer de se mettre dans la peau des consommateurs-usagers… sans oublier au passage une dimension citoyenne car personne ne consomme du matin au soir. Pour simplifier, on les qualifiera de « consom’acteurs », pour prendre en compte l’aspect de responsabilité sociétale dans leurs modes de vie et pratiques de consommation. Après tout, si les innovations leur sont destinées, pourquoi ne pas chercher à comprendre ce qu’ils veulent, tout en sachant que ce qu’ils veulent vraiment n’est pas forcément ce qu’ils disent vouloir. La solution réside probablement davantage dans l’observation des comportements et usages émergents des individus, dans le décryptage de leurs imaginaires, dans le décodage de leurs rêves et aspirations.

Si l’innovation 3C prend vraiment son essor actuellement, c’est qu’elle recèle a priori bien des avantages par rapport aux approches traditionnelles de la R&D et de l’innovation, trop séquentielle et trop lente.

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