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Le stress psychologique du confinement

Des experts font leurs recommandations pour réduire l’angoisse du confinement

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Le 6 mars, les résultats d’une enquête nationale portant sur le degré de détresse psychologique de la population chinoise suite à l’épidémie de Covid-19 a été publiée dans la revue spécialisée General Psychiatry. Huit jours plus tard, le prestigieux journal médical The Lancet publiait à son tour une revue de littérature sur l’impact psychologique de la quarantaine et les moyens de l’atténuer.
Alors que le président de la République Emmanuel Macron a annoncé lundi soir un durcissement des mesures visant à limiter l’impact du Covid-19 et que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a confirmé la mise en place d’un dispositif inspiré de l’Espagne ou de l’Italie, ces travaux nous fournissent des éléments clés pour mieux cerner les effets délétères de ce type de dispositions, et établir les mesures à prendre pour les circonscrire.

Voici ce qu’il faut en retenir.

Les recommandations à partir des données chinoises

L’enquête chinoise sur le degré de détresse psychologique, conduite auprès de la population générale dans 36 provinces, régions autonomes ou municipalités, a permis de collecter 52 730 réponses. Celle-ci ont été obtenues grâce à un autoquestionnaire à remplir en ligne, explorant avec des outils validés la fréquence de l’anxiété, de la dépression, des comportements d’évitement et des symptômes physiques au cours de la dernière semaine.

Les auteurs montrent pour 35 % des répondants (35,27 % d’hommes et 64,73 % de femmes) le résultat obtenu révèle un stress psychologique modéré, et pour 5,14 %, un stress sévère. L’analyse indique aussi que les femmes présentent un plus haut degré de détresse psychologique que les hommes. On apprend en outre que cette détresse touche davantage les individus âgés de 18 à 30 ans ou ceux de plus de 60 ans. Enfin, les travailleurs migrants constituent le groupe le plus exposé, alors que le score de détresse psychologique est, sans grande surprise, le plus élevé dans les épicentres de l’épidémie.

En conséquence, les auteurs de l’étude suggèrent les recommandations suivantes :

  • prêter une attention aux besoins spécifiques des groupes vulnérables comme les jeunes de 18 à 30 ans, les personnes âgées et les travailleurs migrants ;

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  • mettre en place des services de soutien et d’accompagnement tels que ceux mis en place dans les situations de désastres majeurs ;

  • déployer des interventions ciblées pour réduire le stress psychologique et prévenir les problèmes de santé mentale ultérieurs.

Identifier les facteurs de stress pendant et après le confinement

Les éditeurs de la revue Lancet se sont quant à eux penchés sur l’impact psychologique du confinement et les mesures à mettre en œuvre pour en réduire les effets négatifs. La note de synthèse a été rédigée à partir de 3166 articles publiés et expertisés par des comités scientifiques. 24 études présentant une solidité scientifique ont été retenues. Elles concernent 10 pays et incluent pour l’essentiel les virus du SRAS (11), Ebola (5) et de la grippe A (H1N1) (3).

L’analyse documentée des résultats de ces études indique que la durée de confinement elle-même est un facteur de stress : une durée supérieure à 10 jours est prédictive de symptômes post-traumatiques, de comportements d’évitement et de colère. Les auteurs ont aussi identifié les facteurs de stress suivants durant la période de confinement :

  • les symptômes physiques : ils amplifient la peur de l’infection et l’inquiétude (y compris plusieurs mois après l’épisode) ;

  • la peur, pour les femmes enceintes, à la fois d’être infectées et de transmettre le virus à leur futur enfant ;

  • la peur, pour les mères ayant de jeunes enfants, d’être infectées ou de transmettre le virus ;

  • l’ennui, la frustration et le sentiment d’isolement causé par le confinement et par la réduction des contacts physiques et sociaux ;

  • les lacunes dans la distribution des biens de première nécessité ;

  • l’inadéquation de l’information transmise par les autorités de santé publique concernant les bonnes pratiques, et la confusion sur l’objectif du confinement ;

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  • l’absence de clarté sur les niveaux de risque ;

  • l’absence de transparence sur la sévérité de la pandémie ;

  • l’absence de protocoles et de guides de conduite clairs.

Le stress ne s’arrête pas après la fin du confinement. En effet, ces études permettent également de lister un certain nombre de facteurs de stress qui continuent à faire leur œuvre une fois la situation revenue à la « normale » :

  • les conséquences économiques de la perte de revenus à l’origine d’une détresse socio-économique, qui sont cause de colère et d’anxiété pendant les mois qui suivent le confinement ;

  • la détresse socio-économique globale ;

  • la perte des relations commerciales ;

  • la fragilisation élevée des travailleurs indépendants ;

  • la précarisation encore plus importante des personnes les plus fragiles au niveau économique et travaillant dans les métiers ne pouvant s’effectuer par télétravail ;

  • les difficultés à reprendre le travail ;

  • la tension dans les couples liée aux types d’activités professionnelles plus ou moins à risque de chacun des partenaires ;

  • la stigmatisation à l’égard des personnes représentant un danger de propagation ou issues d’une région surexposée.

Les recommandations préconisées par les experts

Les 24 études résumées dans le Lancet permettent d’identifier un certain nombre de mesures à mettre place pour limiter les effets de ces divers facteurs de stress. Il s’agit notamment de créer des services de soutien afin de venir en aide aux personnes souffrant d’anxiété et de dépression.

Il faut aussi garder à l’esprit que la durée du confinement a un impact sur les facteurs de stress, et a un effet démoralisant. Durant le confinement, il est important de réduire l’ennui et le sentiment d’isolement social. Plusieurs solutions sont envisageables :

  • Mettre en place des numéros verts pour réduire l’isolement ;

  • Aider les familles éclatées à rester en contact ;

  • Mettre en place un numéro vert animé par des professionnels de santé pour répondre aux questions des personnes qui ont des symptômes qui les inquiètent et rassurer la population ;

  • Créer des groupes de soutien et d’échanges en ligne sur le vécu d’expérience du confinement ;

  • Promouvoir une communication plus centrée sur l’altruisme que sur l’obsession ;

  • Remercier, encourager les personnes qui sont en situation de confinement pour renforcer l’adhésion et l’observance des mesures de confinement tout en les informant sur les mesures de prévention.

Cette revue de littérature, menée au niveau mondial, suggère qu’il est essentiel de rendre le confinement le plus acceptable possible pour tous, en satisfaisant les besoins spécifiques des populations les plus en difficultés. En effet, si l’expérience du confinement est vécue comme négative, les conséquences affecteront non seulement les individus qui le subissent, mais aussi le système de santé qui l’organise et les politiques publiques qui le prescrivent.

Il ne s’agit pas uniquement de moyens financiers, comme l’illustre la littérature pédagogique produite par l’Organisation mondiale de la Santé, le CDC d’Atlanta et d’autres sources afin d’outiller les citoyens, les familles et les individus pour faire face au confinement. Parmi les exemples disponibles, penchons-nous sur les conseils pour gérer le stress des enfants lié au Covid-19.

Identifier le stress des enfants : conseils pour les parents

Le CDC d’Atlanta a produit plusieurs fiches et mini-guides (en anglais) à l’intention des adultes, des familles et des enfants eux-mêmes.

En tant que parent, il est important d’identifier les modifications d’attitude et de comportements de vos enfants. En effet, il peut s’agir de manifestations réactionnelles au stress. Parmi les points à surveiller :

  • Des pleurs ou une irritabilité excessifs chez les jeunes enfants ;

  • Le retour du « pipi au lit » ;

  • Une inquiétude excessive ou de la tristesse ;

  • De l’irritabilité et de l’impulsivité chez les adolescents ;

  • Des difficultés d’attention et de concentration ;

  • Un évitement des activités qui jusque-là leur faisaient plaisir ;

  • Des maux de tête ou des douleurs corporelles inexpliqués ;

  • Un usage d’alcool, de tabac ou d’autres drogues.

Pour venir en aide à vos enfants et adolescents, voici plusieurs conseils :

  • Prenez du temps pour parler de l’épidémie de Covid-19 avec eux ;

  • Répondez à leurs questions de manière factuelle et compréhensible ;

  • Rassurez-les sur le fait qu’ils sont en sécurité ;

  • Dites-leur que c’est OK s’ils se sentent débordés par la situation ;

  • Partagez avec eux vos stratégies pour faire face à votre propre stress, afin qu’ils apprennent de vous ;

  • Limitez l’exposition de votre famille aux couvertures médiatiques ;

  • Essayez de mettre en place et de maintenir des routines, notamment des horaires pour les activités scolaires à la maison et pour les loisirs de vos enfants ;

  • Soyez un modèle pour eux ;

  • Maintenez les contacts avec les amis et les membres de la famille.

D’autres guides pratiques fournissent également des indications pour faire face à la période de sortie du confinement. En effet, celle-ci peut engendrer des émotions mitigées : soulagement mêlé d’inquiétudes, de peurs, de colère, culpabilité face à ses performances de travail pendant la période de confinement, etc.

En conclusion, il est important de mettre en œuvre des stratégies d’accompagnement psychosocial des mesures liées au confinement, afin de rendre celui-ci le plus acceptable possible.
Cela signifie adopter une approche de santé publique qui combine la décision à visée collective sans négliger de déployer des interventions empathiques, bienveillantes, centrées sur les besoins de la population. Celle-ci est en effet composée d’individus qui ont besoin de sentir qu’ils comptent en tant que sujets uniques et singuliers dans la préoccupation des autorités de santé publique.

C’est un exercice difficile, mais si tous les acteurs se répartissent les tâches et se coordonnent, nous pourrons y arriver. À l’Université des patients-Sorbonne, nous nous portons nous-mêmes volontaires pour y contribuer, comme de nombreuses associations qui ont déjà une solide expérience des épidémies.

Catherine Tourette-Turgis, Directrice du Master en éducation thérapeutique à Sorbonne Université, Chercheure au CNAM, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation partenaire éditorial de UP’ Magazine. Lire l’article original.

The Conversation

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