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Internet va-t-il tuer le capitalisme ?

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L’Institut G9+, association d’anciens élèves de grandes écoles, organisait sa rencontre annuelle le mardi 25 novembre et recevait Jérémy Rifkin et Jacques Attali pour débattre sur la question : « Internet va-t-il tuer le capitalisme ? », entourés de Clara GAYMARD, CEO General Electric France et de Jean-Marc DANIEL, économiste, Professeur associé à l’ESCP Europe et Directeur de rédaction de la revue Sociétal.

Sous un titre volontairement provocateur, l’Institut G9+ souhaite poursuivre son travail d’éclaireur des tendances qui transforment en profondeur notre société. La troisième révolution industrielle, celle d’un internet ubiquitaire qui met désormais en œuvre une intelligence collective mondiale mais aussi le monde réel via l’internet des objets, la robotique et l’intelligence artificielle, est-il un fait acquis, irréversible, rapide et de magnitude globale ? Ce qui l’est moins, ce sont les impacts sociaux qui vont irrémédiablement bouleverser nos vies, nos institutions, le management et l’organisation des entreprises tels que nous les connaissons, les organisation politiques, syndicales, associatives, communautaires.
En juin, lors d’un précédent événement « ils font parler les datas pour accélérer l’innovation », le G9+ avait analysé le mouvement de « mise en données de nos vies » enclenché par la connexion du monde réel et la capacité de traitement, à la demande, via le cloud, de gisements de données sans précédent, afin d’anticiper, de prédire de la micro seconde, à l’heure, à la journée, au mois prochain, et de tenter de réduire la complexité et le stress d’un monde où les frottements s’amenuisent (phénomène d’éphémérisation).

Cette réalité, cette intelligence augmentée, alliées à une capacité inédite des hommes à s’organiser en réseau, quasi instantanément, avec des moyens d’action potentiellement mondiaux, le tout à coût marginal très faible, vient challenger de fait les références de pouvoir existantes.
Internet des objets, Big data, créativité et génie humains : notre époque fait face à des challenges immenses, mais les solutions semblent à portée de clic. Si la France doit se transformer, si les entreprises doivent anticiper leur désintermédiation, si le moment est venu de faire des choix, pour nous, pour nos enfants, le G9+ a souhaité tracer les grandes lignes de force du monde nouveau qui éclôt et prend un essor prodigieux sous nos yeux, avec les penseurs, chefs d’entreprise, économistes, écrivains invités à cette rencontre.

Pour cette 18ème rencontre annuelle, l’Institut G9+ a donc réuni des personnalités d’exception : Jeremy Rifkin, essayiste américain, spécialiste de prospective (économique et scientifique) ; Jacques Attali, écrivain, Président du Groupe PlaNet Finance, Jean-Marc Daniel, économiste, Professeur associé à l’ESCP Europe et Directeur de rédaction de la revue Sociétal et Clara Gaymard, CEO General Electric France.
Les débats ont été animés par Frédéric Simottel, rédacteur en chef de 01 Informatique. La conférence a été introduite par Luc Bretones, Vice-Président de l’Institut G9+. 

Comment Internet change le monde

En introduction, Luc Bretones rappelle quelques tendances marquantes de la numérisation de notre société : en deux siècles, la vitesse de diffusion de l’information a été multipliée par cent milliards. D’ici 2018, 4 milliards d’humains auront dans leur poche l’équivalent en puissance de calcul d’un super calculateur Cray 2 des années 90. Agé de seulement 20 ans,l’Internet tel que nous le connaissons représente la plus grande infrastructure d’innovation de l’humanité.

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Internet va-t-il tuer le capitalisme ?

Pour Jeremy Rifkin, la réponse est clairement oui ! Nous sommes en train de vivre une troisième révolution industrielle. Ce qui caractérise toute révolution industrielle, c’est la conjonction de ruptures dans trois domaines : énergies, communications et transports (pour la première révolution industrielle : vapeur, télégramme et train. Pour la seconde : électricité, téléphone et automobile). Mais cette révolution industrielle se distingue des précédentes :Internet dote l’humanité d’une infrastructure et met à disposition de tous des moyens technologiques sans précédent. Mais alors, où sont les ruptures dans les domaines des transports et de l’énergie ? Elles sont en train d’arriver, sous l’effet d’Internet justement : voiture sans chauffeur, production d’électricité solaire décentralisée… Cette révolution, encore incomplète, prendra bientôt la forme d’un « super Internet des Objets », connectant tous les humains d’ici 2030. Cette infrastructure rendra aussi possible la production de services innovants à « coût marginal zéro », offrant d’incroyables opportunités à une nouvelle génération d’entrepreneurs.

Pour l’illustrer, observons seulement les phénomènes qui sont aujourd’hui notre quotidien : des pans entiers de l’industrie ont déjà subi une transformation. Cela a commencé par les contenus dématérialisés : la musique (les indépendants qui contournent les majors), la TV (les « youtubers » qui contournent les chaînes), les media (les bloggeurs qui contournent la presse), l’éducation avec les MOOCs, etc. Certaines des plus grandes industries du 20e siècle ne sontplus que l’ombre d’elles-mêmes. Le dernier obstacle majeur, celui des biens matériels, sera franchi avec l’avènement de l’Internet des Objets et de l’impression 3D. En conséquence, nous allons passer d’une économie de la propriété, à une économie du partage. D’ailleurs, c’est une nécessité pour relever le plus grand défi du siècle prochain, qui n’est autre que le changement climatique et ses conséquences dramatiques pour l’humanité.

« L’avenir de Jeremy Rifkin est l’avenir d’avant-hier ! » répond Jacques Attali, pour qui la réponse est clairement non : Internet ne va pas tuer le capitalisme ! Pour lui, cette vision «rationaliste » est inexacte et dangereuse. La circulation de biens et de personnes bien réels qui sous-tendent cette économie mondialisée devra toujours être assurée. La vision d’une société où l’économie pourrait être développée à « coût marginal zéro » est une utopie car « L’intérêt des objets n’est pas le futur monde idéal et il sera bientôt balayé par le web sémentique, les nanotechnologies, les neurosciences,… ».

Clara Gaymard nuance ce point de vue : grâce au numérique, il y beaucoup d’optimisations qu’un indicateur économique comme le PIB ne peut refléter. Par exemple, en permettant à des patients d’être soignés à domiciles, les avancées dans la domotique permettront d’économiser de l’argent, se traduisant par une diminution du PIB alors que le niveau de vie est amélioré !

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Quel avenir pour le capitalisme dans ce monde nouveau ?

Jacques Attali définit le capitalisme de la manière suivante : tout comme la démocratie, il s’agit d’un mécanisme de répartition de la rareté. Dans notre société de plus en plus numérique, l’information n’est pas rare. L’énergie non plus. En réalité, il n’y a de véritablement rare que le temps. La voiture sans chauffeur n’est pas un sujet de mobilité, comme le dit Rifkin, mais de récupération du temps de transport à d’autres choses qui ont du sens. Ce qui est vraiment en train de se jouer avec Internet et la numérisation, c’est un meilleur usage du temps, « La rareté étant un moteur de la création ».

« Internet ne tue pas le capitalisme, il invente autrement ». Pour lui, le modèle prôné par Rifkin n’est pas souhaitable, car l’Internet des Objets poussé à l’extrême peut représenter un danger pour la liberté s’il est capté par un oligopole.
En rendant possible le contrôle de l’individu à tous les niveaux de son quotidien, il pourrait devenir l’instrument de la dictature : « Si on donne la priorité à la technologie,on crée une situation d’extrême précarité et on risque un retour vers une forme de dictature ». Internet n’est pas la gratuité, mais le monopole : les GAFA qui opèrent l’essentiel d’Internet (Google, Amazon, Facebook et Apple) sont des monopoles. Pour Jacques Attali, le capitalisme n’a jamais été aussi puissant qu’aujourd’hui quand on voir Google ou les asqsurances : « Est-ce les assurances qui vont avaler les gestionnaires de données ou le contraire ? »

Pour Jean-Marc Daniel, la théorie de la fin du capitalisme et de l’avènement d’une société du « coût marginal zéro » s’appuie sur l’hypothèse des « rendements décroissants » (selon le principe : plus une terre est exploitée moins elle est fertile…). Ainsi, arrivé à un certain degré d’optimisation, le capitalisme ne parviendrait plus à générer de profits et s’autodétruirait. Or, dans le modèle de Rifkin, le progrès technologique et la concurrence, stimulés par Internet,devraient au contraire aboutir à des rendements croissants, et donc au renforcement du capitalisme ! Ainsi, difficile de prédire ce qu’il adviendra véritablement du capitalisme dans ce monde nouveau.

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Quels enjeux pour les générations futures ?

Pour Jean-Marc Daniel, le monde appartient de moins en moins aux gestionnaires et de plus en plus aux entrepreneurs. Grâce à Internet, de petites équipes sont en capacité de produire des innovations et de créer de la valeur. Comme Rifkin, il pense que la chaîne de valeur sera dominée par les PME et les entrepreneurs, mais plutôt dans un âge d’or du capitalisme. Il met en garde sur la volonté de répliquer notre modèle à l’identique dans les pays émergents, ce qui produirait une croissance économique artificielle « par inertie », sans véritable progrès. La vraie création de valeur se fera par l’innovation sur nos propres marchés.

Enfin, Clara Gaymard souligne l’importance de l’éducation des générations futures. Pour elle, nous ne formons pas assez nos enfants sur deux choses : vivre dans un monde durablement incertain, et travailler en mode collaboratif. D’ailleurs, ce dernier point manque cruellement à l’éducation nationale, dont tout le processus d’évaluation est centré sur l’individu, ce qui est dramatique.

En conclusion de cette table ronde, Clara Gaymard précise que, même s’il ne faut pas se passer d’une réflexion sur l’éthique, le premier risque face à la révolution Internet, c’est la peur, notamment la peur du déclin. Frédéric Simottel résume alors les défis qui attendent notre génération : « Nous sommes tous des digital migrants ».

Et « L’avenir est aux entrepreneurs et aux créateurs et de moins en moins aux gestionnaires ».

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