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Attention, les armes nucléaires sont en passe de devenir illégales !

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Passée inaperçu, l’ONU a retenu le 23 décembre 2016 la décision d’élaborer en 2017 un Traité International d’interdiction des armes nucléaires. L’enjeu est considérable, surtout à un moment où le TNP (Traité de Non Prolifération) a largement montré ses insuffisances, puisque quatre Etats dotés d’armes nucléaires n’en font pas partie (Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord).
 
L’ONU fait décidemment parler d’elle en cette période mouvementée. On sait qu’un nouveau secrétaire général s’installe, le portugais Antonio Guterrez, et qu’une résolution du Conseil de sécurité a été votée contre les colonies israéliennes. Mais qui s’attarde sur le vote historique du 23 décembre qui ouvre la voie vers la négociation d’un Traité International d’interdiction des armes nucléaires en 2017 ?
Pourtant l’événement est de taille car il relance la perspective du désarmement nucléaire multilatéral, suspendu depuis vingt ans, au moment même où Donald Trump et Vladimir Poutine annoncent leur volonté de relancer la course aux armements nucléaires. Et l’on a entendu Pierre de Villiers, chef d’Etat Major des armées françaises appeler à un renouvellement des « composantes océanique et aérienne de l’arsenal nucléaire » national (voir sa tribune Le prix de la paix c’est l’effort de guerre ).
 
Cette décision obtenue à une majorité de 76% des votants (voir le détail ci-dessous) va se traduire par des réunions dans le cadre de l’ONU, à New York du 27 au 31 mars et du 15 juin au 7 juillet 2017, au cours desquelles doit être « négocié un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires, en vue de leur élimination complète ».

D’où vient cette initiative ?

Cette dynamique a démarré au mois de mars 2013 par l’initiative de la Norvège d’organiser une Conférence à Oslo sur le thème des « Conséquences humanitaires d’une guerre nucléaire », qui a réuni 127 États et plusieurs ONG, et qui a été le début d’un processus qui depuis n’a fait que s’amplifier.
Successivement, le Mexique a pris la relève en février 2014 avec la Conférence de Nayarit réunissant 146 États, suivi par l’Autriche en décembre 2014 avec la Conférence de Vienne réunissant 158 États et également 600 militants dans le cadre de la grande Campagne ICAN-International Campaign to Abolish Nuclear Weapons.
 
Ici deux nouveautés essentielles ont émergé : d’une part, l’analyse du risque réel qu’une explosion ou une guerre nucléaire puisse éclater, même par accident ou par erreur (voir Eric Schlosser, Command and Control, Penguin Press, New York (2013) et, d’autre part, l’initiative du gouvernement autrichien de s’engager (« pledge ») en vue de remplir le vide juridique pour l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires. Cet engagement a progressivement reçu l’adhésion de 139 États.
 
Dans le sillon de ce mouvement, l’Assemblée générale des Nations unies, le 7 décembre 2015, a voté la mise en place d’un « Open Ended Working Group », c’est à dire un groupe de travail ouvert non seulement aux délégations des 195 États de l’ONU, mais également aux Organisations non gouvernementales (ONG), c’est à dire à la « société civile » (associations militantes et organismes tels que la Croix Rouge Internationale et le Croissant Rouge), avec comme mandat d’élaborer « des mesures légales concrètes et efficaces, des dispositions légales et des normes pour réaliser et maintenir un monde sans armes nucléaires ». Avec une demande importante pour le processus : pas d’obligation d’unanimité (donc pas de possibilité de veto !)
 
Trois sessions de travail en 2016, à Genève, ont abouti à un rapport final approuvé par une majorité de 75% des votes exprimés (68 votes pour et 22 contre). Suite à ce travail, le “First Committee” de l’Assemblée générale de l’ONU à New York a voté, le 27 Octobre 2016, avec une majorité de 76 % (123 votes « pour » et 38 « contre ») la Résolution L41qui implique l’ouverture de négociations pour un Traité d’Interdiction des armes nucléaires en 2017. Ce vote du First Committee a ensuite été confirmé par le vote définitif du 23 décembre 2016, avec une même majorité de 76%. Le programme est sur les rails : deux  conférences de négociation se dérouleront du 27 au 31 mars et du 15 juin au 7 juillet 2017 à New York. Elles seront ouvertes à tous les Etats, ainsi qu’à la Société civile et aux Organisations Internationales.
 
 
Le 27 octobre 2016 vers 18 h (heure de New York), au moment du vote « historique », au First Committee de l’Assemblée Générale des Nations Unies, qui a décidé l’ouverture en 2017 de négociations pour un Traité International d’interdiction des armes nucléaires. 
De gauche à droite : Beatrice Fihn, directrice de la Campagne ICAN, Tim Wright directeur de ICAN pour la région Asie-Pacifique, Ray Acheson directrice de la mission « Reaching Critical Will » du mouvement WILPF (Women’s International League for Peace and Freedom).

Les Etats non-dotés se révoltent et des brèches s’ouvrent parmi les Etats dotés et au sein de l’OTAN

Nous assistons en fait à une véritable “révolte” des Etats non dotés d’armes nucléaires – Etats d’Amérique Latine et d’Afrique, mais aussi l’Autriche et l’Irlande – face à l’inertie pluri-décennale dans le processus de désarmement et de la modernisation continue de l’armement des Etats nucléaires !
En effet, lors du vote définitif du 23 décembre 2016 : 
– 113 pays ont voté « pour », dont notammentl’Autriche, la Suède, le Mexique, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Nouvelle Zélande, le Sénégal (en dépit des pressions subies de la part de la France) et la Corée du Nord !
– 35 pays ont voté « contre », dont notamment la France, les Etats-Unis, la Russie, la Grande Bretagne, Israël, la Corée du Sud, le Japon, l’Australie et les membres de l’OTAN, mais avec 4 exceptions notables : les Pays-Bas, qui se sont abstenus, et l’Italie, l’Albanie et l’Estonie qui ont voté « pour » ! (A noter que l’Italie et les Pays-Bas « accueillent » sur leur sol plusieurs dizaines de bombes nucléaires des USA !)
– 13 pays se sont abstenus, dont notamment la Chine, l’Inde,le Pakistan, la Finlande, les Pays-Bas et la Suisse.
(D’autre part, 21 Etats, qui s’étaient exprimés « pour » précédemment, n’étaient pas présents au moment de ce vote, sans doute à cause de sa date tardive !).

Donc les 9 Etas dotés d’armes nucléaires se « fragmentent » puisque : parmi eux, 5 Etats ont voté « contre » (USA, Russie, UK, France et Israël  qui représentent 8% de la population mondiale) ; 3 Etats se sont abstenus (Chine, Inde et Pakistan, qui représentent 36% de la population mondiale) et 1 Etat a voté « pour » : la Corée du Nord !  
En outre, comme on l’a vu, des fissures importantes apparaissent au sein de l’OTAN !
 

Maintenant le programme est bien sur les rails : deux  sessions de négociation se dérouleront du 27 au 31 mars et du 15 juin au 7 juillet 2017 à New York. Elles seront ouvertes à tous les Etats, ainsi qu’à la Société civile et aux Organisations Internationales.

Le Parlement européen sur la même longueur d’onde

De manière concomitante, le Parlement Européen a voté le 27 octobre dernier une résolution en faveur d’une ouverture des négociations en 2017 pour un Traité International d’interdiction des armes nucléaires, et cela à une majorité de 77% (415 votes favorables, 124 contraires et 74 abstentions).
Cela témoigne d’une « fracture » entre le Parlement Européen d’une part et une grande partie des Gouvernements Européen d’autre part. En particulier, l’euro-parlementaire italien du Parti Démocrate, Brando Benifei, à Strasbourg a voté en faveur d’un tel Traité, en demandant à la Haute représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, de “travailler activement à la préparation de la conférence en 2017, convoquée en vue de négocier un instrument légal pour l’abolition des armes nucléaires ».

Quelles conséquences d’un tel traité ?

Les Etats hostiles à un Traité international d’interdiction des armes nucléaires, considèrent qu ‘un tel Traité serait « inutile », « prématuré », « fauteur de divisions », « contreproductif », « risqué »… Mais il faut bien comprendre que la finalité du Traité n’est pas, dans un premier temps, celle d’obtenir nécessairement l’adhésion des Etats dotés d’armes nucléaires (ou de leurs alliés), mais celle d’établir un nouveau cadre juridique dans lequel se situera obligatoirement toute négociation ultérieure en vue de l’élimination effective de ces armes. En effet, il ne s’agira plus de négocier sur des armes “simplement” beaucoup plus puissantes que les autres, mais de négocier sur des armes devenues illégales.
 
En outre un tel Traité, qui stigmatise même la seule possession des armes nucléaires, ne manquerait pas de changer, et même radicalement, la façon avec laquelle les armes nucléaires sont encore souvent perçues par l’opinion publique, par des responsables politiques, par des chercheurs, par des opérateurs industriels, économiques et financiers et … par des militaires !
 
Le 23 janvier 2017, Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN) organise à Paris une conférence internationale sur le thème de la course aux armements, en présence de nombreuses personnalités françaises et étrangères. La question du Traité d’interdiction des armes nucléaires sera abordée notamment par Béatrice Fihn, directrice de « la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires » (ICAN).
 
 
Y interviendra naturellement Paul Quilès, Président de l’IDN, ancien ministre et polytechnicien spécialiste des questions nucléaires et de défense (auteur de « Nucléaire, un mensonge français : réflexions sur le désarmement nucléaire », Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 2012) qui œuvre pour que la France rejoigne ce mouvement (notamment par la pétition récente adressée à François Hollande : « Monsieur le Président, la France doit voter à l’ONU l’interdiction des armes nucléaires ! », qui a recueilli en un mois plus de 25000 signatures et des nombreux commentaires très pertinents).
Voici son message actuel :« On imagine mal que la France ne participe pas à ces travaux et pratique la politique de la chaise vide, estime Paul Quilès. En participant, la France montrerait sa bonne foi quant à sa volonté de respecter le Traité de Non-Prolifération (TNP) dont elle est signataire et notamment son article VI, qui précise que « chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ».
Et les Français semblent tout à fait favorables à cette voie vers un désarmement total comme le montre le sondage d’Opinion Way.
 
En collaboration avec Luigi Mosca, Physicien
 

A lire : « Exigez ! Un désarmement nucléaire total » (Stock, 2012), un appel lancé par Stéphane Hessel et Albert Jacquar

 
A signaler
 
John Mecklin
 
John Mecklin is the editor-in-chief of the Bulletin of the Atomic Scientists. Previously, Mecklin was editor-in-chief of Miller-McCune (since renamed Pacific Standard),…
 
The year now concluding was full of interesting and unpredictable news regarding nuclear weapons and their accoutrements; the year was, therefore, also continuously and enormously threatening to humanity.  Below are 10 of the Bulletin’s best articles from a frightening year, during which, in countries around the world—from North Korea to Pakistan to India to Russia and on to the United States—people who ought to know better suggested that more nuclear weapons should be built, and some might be used.
 
On tickling the dragon’s tail by Victor Gilinsky
The moral restraints that prevent Armageddon are flimsier than one might think, because humans have a self-destructive defect. They like to tickle the dragon’s tail.
 
The director of the Center for the United States and Europe at The Brookings Institution explains what the world is missing when it deals with the Russian president. [Subscription content.]
 
Closing small and hypothetical gaps in the US nuclear arsenal isn’t worth the expense and won’t eliminate risk. 
 
Top experts on nuclear weapons, climate change, and other existential threats to humanity comment on how they think the expert community can best respond to Donald Trump’s election.
 
Donald Trump’s presidential election victory raises many international security questions, including critically the future of a US ballistic missile shield in Europe, an effort long opposed by someone with whom Trump wishes to build a new relationship—Russian President Vladimir Putin.
 
Why have major US media outlets ignored a UN vote to negotiate a treaty that would ban nuclear weapons? The president of the Ploughshares Fund provides some answers.
 
The presidential candidates must do more than accept the possibility of a terrorist attack with an improvised nuclear device. They need to plan an effective response that reduces the mass morbidity and mortality such an attack inevitably will cause.
 
The former ambassador discusses US–Russian relations and how they might be improved, given Russian President Vladimir Putin’s suspicious views of US intentions. [Subscription content.]
 
There are reasonable arguments on both sides of the no-first-use debate. Unfortunately, there may be negative consequences for raising the issue publicly and then rejecting it. 
 
Even in this digital age there are many reasons to be careful about what we wish for when it comes to modernizing the nuclear command and control system. More technological capability will not necessarily create a more secure world.
 

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