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Etat – Pivot de la vie sociale

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Rappel. Sens dessus-dessous : Dictionnaire des mutations contemporaines ou le répertoire des temps qui changent.

C’est la raison d’être de cette rubrique depuis deux ans. Elle est destinée à ceux qui ne veulent pas faire l’économie d’une réflexion sur ce que nous sommes en train de devenir. Elle est conçue, comme un kaléidoscope de mots, d’images et de concepts, dans lequel on peut entrer, en se promenant, en zappant d’un terme à l’autre, en s’arrêtant ici ou là.

Organisée sous la forme d’un dictionnaire, cette rubrique n’en prétend toutefois pas à l’exhaustivité. Elle est composée de cent chapitres qui sont autant d’ouvertures à la réflexion. Le choix des thèmes abordés ne correspond à aucune règle objective ; ils sont ceux qui nous sont apparus les plus importants, après trente années d’observation professionnelle des mutations de nos sociétés. 


 

Depuis quatre siècles, l’État est le lieu où l’identité sociale des hommes se cristallise dans l’appartenance à une nation. L’État moderne est la scène exclusive de l’action collective du politique aussi bien dans le domaine intérieur qu’extérieur. L’État est ainsi l’agent primordial des relations de pouvoir ; il annexe le politique et en prend le monopole à l’intérieur d’un territoire. L’époque contemporaine est marquée par de profondes mutations technologiques et anthropologiques qui ont des impacts directs sur l’État qui voit progressivement se déliter le socle sur lequel il était fondé : un espace territorial délimité et exclusif.

Les historiens diront que le phénomène de mondialisation n’est pas nouveau et que les flux de biens, de personnes, de savoirs et de cultures ont toujours existé de part et d’autre des frontières nationales. Certes, mais même s’ils contrariaient la logique de souveraineté de l’État-nation, ces flux ne parvenaient jamais à déstabiliser son axe majeur : celui de pivot de la vie sociale. Les contours de la société ont toujours coïncidé avec ceux de l’État (1).

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Selon cette vision, la société et l’État sont coextensifs. C’est ainsi que l’on peut parler de la société « française », de la société « américaine » ou de la société « allemande ». Cette architecture de pensée et de vie est une création intellectuelle rendue nécessaire pour assurer les fondements du politique et sa cohérence.

L’État national est alors conçu comme une unité territoriale de sécurité, contenant une homogénéité culturelle rendue souvent possible par une logique d’opposition des différences avec les autres États. L’homogénéité transformant ainsi les différences en essences, elle étend l’unité territoriale à une unité culturelle. Les échanges de toutes sortes et la plupart des relations sociales ne peuvent alors s’étendre bien loin des limites de l’État. On comprend alors aisément comment cette unité territoriale permet à l’État de maîtriser, dans un espace bien défini, les échanges économiques, culturels, les communications, les dégâts environnementaux, les différents types de production et de consommation.

● Quand la société coïncide avec l’État, la capacité de gouverner ainsi que la légitimité du politique sont préservées. Inutile d’être grand clerc pour distinguer que les formes complexes de la société mondiale actuelle sapent inexorablement ces bases fondamentales de l’État national. Le « renversement libéral » (2) a fait ainsi progressivement surgir dans le champ de vision une entité nouvelle, la société, investie du rôle de moteur de l’invention collective. Dans ce renversement, la priorité n’est plus donnée à un ordre imposé, défini d’en haut, mais à la dynamique d’un mouvement venu d’en bas. L’État ne devenant alors plus qu’une instance mise au service de ce mouvement, chargé d’en garantir l’indépendance par rapport à lui.

● La société contemporaine présente la caractéristique de décomposer les unités fonctionnelles habituelles (économie, communication, finance, science, culture, politique…) et de les disperser dans une nébuleuse d’espaces complexes qui ne coïncident pas avec le champ territorial traditionnel et qui se situent souvent au-delà de lui. Leur convergence dans une unité étatique est donc de plus en plus problématique. Le modèle westphalien de l’État-nation se définissait par la cohabitation des fonctions dans un seul et même espace. Le modèle mondialisé actuel, à dominante libérale, supprime la coïncidence entre les fonctions et dénature voire compromet l’autorité de l’État mesurée à l’aune de son efficacité. Le politique n’est dès lors plus qu’un élément fonctionnel d’un système réticulaire (et non hiérarchique) dont les différentes entités peuvent parfaitement fonctionner isolément et indépendamment les unes des autres.

● La plupart des États actuels se trouvent ainsi confrontés à deux dangers ; l’un venant de l’intérieur et qui prend sa source dans l’hétérogénéité croissante de la société ; l’autre vient de l’extérieur et se manifeste par l’intensité et la diversité des flux devant lesquels l’autorité étatique classique est désarmée.

Cette nouvelle dimension de la réalité ne signifie pas un recul de l’État devant les intérêts privés ou, pour parler d’une façon plus générale d’un recul du public devant le particulier. La dimension nouvelle qui s’offre est celle d’une reformulation des limites entre le général et le particulier, le public et le privé. Un examen du particulier – par exemple d’une situation locale – ne peut désormais être mené que si l’on a en ligne de perspective une vision globale. Cette remarque porte non seulement sur les relations institutionnelles entre l’État et ses régions par exemple, mais aussi sur les moindres gestes quotidiens de chaque individu dans le domaine de la lutte contre la crise climatique.

Gérard Ayache

(1) La sociologie décrit cette idée par la théorie du « nationalisme méthodologique » ou de « théorie de la société comme container ». Cf. notamment: Anthony D. SMITH, National Identity, University of Nevada Press, 1991
(2) Marcel GAUCHET, La condition politique, Gallimard, 2005

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