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Information : c’est la vie !

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L’information n’a pas été inventée par les humains. Elle est la vie même.

Crédit Illustration © Denis Leenhardt

Erwin Schrödinger, père fondateur de la mécanique quantique, publia en 1944 un petit livre au titre simple mais ambitieux : Qu’est-ce que la vie ? Dans une intuition fulgurante, il aperçoit que les fondements de la chimie et de la physique de la vie s’articulent autour d’une notion capitale, longtemps ignorée : l’information. C’est l’information qui fait la spécificité de la vie. En effet, selon lui, non seulement la vie « extrait de l’ordre à partir de son environnement » (1), mais par surcroît, en maîtrisant sa mémorisation et sa transmission, elle transmet le code génétique de génération en génération.

Une cinquantaine d’années après la publication de ce livre, le biologiste et physicien américain Tom Stonier complète et développe l’intuition de Schrödinger. Selon son point de vue, matière, énergie et information sont indissociablement liées car elles sont toutes les trois des facteurs de l’évolution et de l’organisation non seulement de la vie, mais de l’univers dans son ensemble. Les organismes vivants en général et les humains en particulier sont des expressions de l’évolution naturelle de la matière, de l’énergie et de l’information. Pour Stonier, les humains sont des « systèmes informationnels évolués » dont l’évolution prend son origine dès le Big Bang. Cette idée est une véritable révolution conceptuelle. Le physicien américain John Wheeler, qui fut l’un des collaborateurs d’Einstein, et à qui l’on doit de très nombreux travaux en physique théorique – c’est lui qui inventa le terme trous noirs – exprime remarquablement bien ce changement radical de perspective des sciences de l’Univers : « On voit se lever l’aube d’une ère nouvelle, la troisième de la physique. La première physique était celle du mouvement : parabole de Galilée et ellipse de Kepler ; la deuxième était celle de la loi, sans aucune explication de la loi : lois du mouvement de Newton, électrodynamique de Maxwell, géométrodynamique d’Einstein, chromodynamique moderne, théorie de l’unification et théorie des cordes. La troisième physique est celle de la physique fondée sur l’information.» (2) L’information n’a pas été inventée par les humains, pas plus que ne l’a été la matière. Stonier affirme : « L’information existe. Elle n’a nul besoin d’être perçue ni même comprise. Elle ne demande aucune intelligence pour l’interpréter. Il n’est pas nécessaire qu’elle ait des moyens d’exister. Elle existe. » (3)

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● Les objets ordinaires de la science physique que sont les protons, les molécules ou les simples pierres, obéissent tous à une loi fondamentale de l’Univers : ces objets sont là. Et ils sont là pour durer, de toute éternité, ou tout au moins, jusqu’à la fin de leur monde. Ces objets sont identiques à eux-mêmes dans le déroulement du temps, sans qu’ils aient à lutter pour maintenir leur identité. La conservation de la matière est pur immobilisme et non affirmation, instant par instant, d’une quelconque identité. Le quartz que l’on observe au microscope est composé des mêmes particules que dans son passé le plus lointain, son organisation est belle mais immobile.

La vie, quant à elle, celle du micro-organisme le plus élémentaire ou celle de l’animal le plus complexe, possède une caractéristique distinctive de la matière qui est le métabolisme, c’est-à-dire l’échange permanent d’informations avec le milieu, qui sont incorporées, utilisées puis retransmises. La caractéristique unique du vivant, c’est le pouvoir d’extraire l’information du monde, pouvoir qui possède son revers : la contrainte de toujours l’utiliser sous peine de se perdre et de mourir.

● Nous savons maintenant que non seulement la vie en général mais aussi l’évolution des organismes vivants est étroitement corrélée aux changements d’états de leur environnement. Le processus évolutionnel est le résultat d’un échange d’information entre l’organisme et son milieu. Cette idée qui met l’information au cœur même de l’évolution vient après une longue période de polémiques. Certains en effet ont soutenu que l’évolution se produit, au niveau des gènes, par les mutations et les sélections induites par « le hasard et la nécessité ». (4)

D’autres évacuent le facteur déterministe et considèrent que l’évolution se réaliserait simplement au hasard des mutations et par la sélection naturelle du plus apte. Ce n’est qu’assez récemment que certains scientifiques, parmi lesquels il faut distinguer le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould, estiment que ce sont des réactions à des changements environnementaux qui provoquent les mutations et l’évolution des espèces. Selon lui, l’évolution procéderait par l’alternance de longues phases de quasi stagnation et de brèves périodes de transition « révolutionnaires » pendant lesquelles une extraordinaire diversité émerge. Cette brusque énergie créative et vitale serait libérée lors de phénomènes (5) qui engendreraient d’importantes modifications climatiques (6) et provoqueraient des extinctions de masse d’espèces vivantes, puis un foisonnement d’espèces nouvelles.

● L’émergence, en complément de la matière et de l’énergie, de la notion d’information comme structure fondamentale de l’univers, de la nature et de la vie ouvre des potentiels considérables dans notre appréciation de la vie, de la conscience et du développement humain dans son environnement naturel. La vie ce n’est pas seulement la sélection du plus fort ou du plus adapté ; la conscience c’est un foisonnement de possibles, de relations coopératives, d’échanges, d’intelligence et de réseaux créatifs.

Les systèmes d’information que les hommes ont commencé à mettre en place approchent à peine, par leur étendue, ceux du vivant, dont les moindres organismes partagent et échangent l’information et une mémoire riche de plusieurs milliards d’années de fonctionnement continu.

(1) Erwin SCHRÖDINGER, Qu’est-ce que la vie ? (1944), Seuil, 1993

(2) John A. WHEELER, World as System Self Synthesised by Quantum Networking, in IBM Journal of Research and Development, vol. 32, janvier 1988, p 4-15

(3) Tom STONIER, Information and the Internal Structure of the Universe, New York, Springer-Verlag, 1990 (C’est nous qui traduisons)

(4) Jacques MONOD, Le hasard et la nécessité, Seuil, 1970

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(5) Comme des chutes de météorites par exemple

(6) Cf. : Stephen Jay GOULD, La structure de la théorie de l’évolution, Gallimard, 2006

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