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revenu de base universel

La pandémie crée l’urgence du revenu de base

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En plus des risques sanitaires qu’elle engendre pour tous, la pandémie du Covid-19 occasionne une perte partielle ou totale de revenus pour beaucoup. Le Mouvement français pour un revenu de base (MFRB) considère plus que jamais nécessaire l’instauration d’un revenu universel pérenne. C’est ce que vient de faire l’Espagne : le gouvernement instaure le Revenu de base universel, au moment où le pays en a le plus besoin.

En ces temps de crise sanitaire, économique, sociale et environnementale, l’idée d’un revenu universel, inconditionnel et individuel revient en force dans les débats partout dans le monde. Face à cet engouement, il devient urgent de réfléchir collectivement et démocratiquement aux conditions de sa mise en œuvre. Pour en faire une véritable mesure de justice sociale transformatrice et non pas un pansement au système actuel, élaboré dans l’urgence.

Le gouvernement espagnol prendrait donc là une mesure inédite. Alors que la pandémie de coronavirus fait des ravages dans l’économie nationale et mondiale, un revenu de base universel devrait voir le jour en Espagne.

Le Revenu de base universel va transformer l’Espagne

L’agence de presse Bloomberg a rapporté dimanche que la ministre de l’économie espagnole, Nadia Calvino, a déclaré dans une interview qu’une nouvelle politique de revenu de base serait « mise en place dès que possible« . L’objectif étant que cette initiative évolue vers quelque chose « qui reste pour toujours, qui devient un instrument structurel, un instrument permanent« .

Cela pourrait devenir l’une des plus grandes réalisations du revenu universel de base dans le monde. Des essais ont eu lieu en Finlande et dans la province canadienne de l’Ontario en nombre limité. Mais le gouvernement espagnol, dirigé par le parti socialiste ouvrier espagnol de centre-gauche, semble viser une mise en œuvre à plus long terme pour ce pays de 47 millions d’habitants.

La proposition a déjà reçu un accueil chaleureux. Andrew Yang, qui s’est présenté à l’élection présidentielle de cette année sous une bannière pro-UBI, a déclaré mardi que « les États-Unis devraient suivre le mouvement« , vu l’affolement de sa courbe de chômage, atteignant les 10 millions de chômeurs.

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Guy Standing, économiste et professeur à la School of Oriental and African Studies de l’Université de Londres, a déclaré au journal El Pais que la pandémie avait créé l’urgence de mettre en place un revenu de base : « Dans ces pays, qui sont encore dans une phase initiale de la pandémie, le revenu de base devrait être appliqué le plus rapidement possible. On ne peut pas acheter du savon ou avoir de l’eau propre sans l’argent nécessaire pour le faire, et il est plus facile de le transférer directement aux personnes qui organisent un système complexe de subventions« .

Le ministre de la sécurité sociale espagnole, José Luis Escriva, développera l’initiative, en misant sur l’aide aux familles. D’après Le Local, l’objectif est d’offrir 440 euros par mois. Le salaire minimum en Espagne étant aujoud’hui de 950 € par mois.

Pourquoi l’Espagne instaure-t-elle un revenu de base universel ?

La pandémie de coronavirus qui a balayé le monde cette année déracine les économies du monde entier. The Hill rapporte que l’Espagne est le deuxième pays le plus touché par l’épidémie en Europe et le troisième au monde derrière l’Italie et les États-Unis. Le nombre total de cas en Espagne a dépassé celui de la Chine fin mars. Ce lundi 6 avril, le pays avait subi 13 055 décès liés au virus.

Le 14 mars, le gouvernement espagnol a mis en place une série de mesures de confinement, interdisant aux personnes de quitter la maison sauf dans des circonstances limitées. Trois jours plus tard, le gouvernement a annoncé un plan de lutte contre le coronavirus de 200 milliards d’euros qui comprenait des garanties de crédit pour les entreprises, garanties par l’État.
Le 31 mars, Euractiv a rapporté que le gouvernement avait introduit d’autres politiques économiques pour atténuer les effets de ces interdictions. Cela comprenait une interdiction d’expulsion pendant six mois, une prolongation du moratoire sur les prêts hypothécaires et une subvention de 440 euros par mois pour les travailleurs domestiques contraints d’arrêter de travailler.
La situation économique espagnole s’est ensuite aggravée. Le 2 avril, l’Independent a rapporté que l’Espagne avait perdu 900 000 emplois depuis le début de la crise, la plus grande perte de son histoire après la dépression des années 1930 et le krach de 2008. Le nombre de chômeurs inscrits a atteint 3,5 millions au mois de mars.

Un revenu de base universel a déjà été proposé en Espagne. En 2016, la ville de La Corogne a mis en place un revenu de base à petite échelle qui a permis de verser entre 532 € et 1 064 € par mois aux familles à faible revenu. Les représentants du parti Podemos, qui fait partie de l’actuelle coalition gouvernementale, ont fait pression en 2016 pour un revenu de base dans la région autonome d’Andalousie.
Le local rapporte que l’idée est revenue sur le devant de la scène après les élections générales de novembre 2019, au cours desquelles le Parti socialiste ouvrier espagnol et Podemos ont convenu d’un revenu de base universel dans le cadre de leur nouvel accord de coalition. L’accord ne fixe pas de délai pour sa mise en œuvre, mais il semble que la pandémie ait créé un électrochoc d’urgence.

On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré

Alors que l’épidémie du Covid-19 est devenue mondiale, des pétitions dans ce sens circulent aussi en Suisse, au Royaume-Uni et même à l’échelle européenne. En France, un mouvement d’intermittents et d’autoentrepreneurs demande la garantie d’un revenu face aux fortes pertes encourues dans leur profession. Le MFRB s’interroge dans une tribune collective parue dans la presse : Pour quelle raison l’idée du revenu universel revient-elle en force dans ce contexte de crise sanitaire ? Une première réponse pourrait être que ses critiques, portant notamment sur notre rapport au travail et sur le coût financier de la mesure, se trouvent fragilisées.
Dans l’état actuel de la crise et comme l’avait déjà analysé l’anthropologue David Graeber, certains emplois indispensables à la société sont parmi les plus mal rémunérés – on le voit bien aujourd’hui avec les personnels soignants, les aides à domicile, les caissières, les éboueurs.
A contrario, la situation actuelle met aussi la lumière sur les bullshit jobs, ces emplois souvent très bien payés mais dont l’utilité sociale s’avère finalement faible au quotidien, si ce n’est inexistante.
Les inégalités sont rendues d’autant plus visibles dans la situation de confinement que nous vivons. Nous ne sommes pas toutes et tous égaux face à la possibilité de faire du télétravail, d’exercer un droit de retrait ou d’accéder au chômage partiel. Pour certaines personnes, il n’y a pas d’autre choix que de sortir travailler, de risquer sa vie et ce, parfois, pour des activités non essentielles.

En prenant exemple sur l’Espagne, un revenu de base pourrait pallier ces inégalités criantes. En assurant une protection réelle à l’ensemble de la société, sans exception. En garantissant que personne ne soit laissé sur le bas-côté, qu’il s’agisse des chômeurs, des intermittents, des personnes en situation de handicap, des micro-entrepreneurs, des travailleurs des plateformes et, surtout, de ces nouveaux prolétaires, grands perdants de l’ubérisation, qui constituent ce que l’économiste Guy Standing appelle le « précariat ».

Quelle société voulons-nous au sortir de cette crise ?

La question du financement du revenu universel est également source de débats récurrents. Mais on ne peut que faire le constat aujourd’hui d’une mauvaise répartition des richesses, ayant abouti à la casse des services publics, tels que l’hôpital ou la recherche, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité économique. La secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances l’a martelé durant les débats sur le projet de loi de finances rectificative au Sénat : « La priorité, c’est de sauver les entreprises. » Et ce sont effectivement des milliards qui sont débloqués en urgence pour répondre de façon ponctuelle à des problèmes structurels, sans pour autant questionner le système dans son ensemble.

En grec ancien, le mot krisis signifie décision. Il s’agit bien là de décider quelle société nous voulons au sortir de cette crise : protéger le système actuel pourtant défaillant, qui se battra pour perdurer coûte que coûte, ou opérer un changement plus profond ?
Le revenu de base se situe aussi à la croisée de ces chemins : mis en place dans un contexte d’urgence, dans une logique court-termiste et hors de tout débat démocratique, il ne servirait ni plus ni moins que de roue de secours au néolibéralisme, comme on le voit déjà apparaître dans certains contextes. C’est le cas aux États-Unis, où le président Trump a annoncé vouloir envoyer un chèque de 1 200 dollars aux populations les plus précaires (500 dollars pour les enfants). Une réponse d’urgence ponctuelle et à court terme, puisqu’il ne s’agira que d’un seul chèque, dans une société où le fait même d’être atteints du Covid-19 peut mener à la ruine.

À l’opposé, d’autres voix proposent de renforcer les filets de protection sociale grâce à la mise en place d’un revenu universel, intégré dans un projet de transformation à long terme pour le pays. C’est le cas d’Alexandria Ocasio-Cortez, la plus jeune représentante démocrate du Congrès américain : « Ce n’est pas le moment de prendre des demi-mesures. Nous devons agir urgemment afin d’éviter les pires conséquences en termes de santé publique et de crise économique. Ceci inclut le paiement d’un chômage partiel, l’allègement de la dette, le renforcement des droits des travailleurs, la garantie des soins de santé universels, la mise en place d’un revenu de base universel et la dispense de peines de détention. »

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Le Mouvement du revenu de base s’inscrit dans cette seconde logique. À cette croisée des chemins, pour emprunter la trajectoire qui nous mènera vers une société solidaire et résiliente. Ce chemin sera collectif et il se disent présents aux côtés des mouvements et individus prêts à se mobiliser pour opérer un changement structurel du système actuel. Les crises à venir, quelle que soit leur nature, pourront être mieux contenues si nos sociétés placent la justice sociale et l’écologie au cœur de leur fonctionnement. Il s’agira de renforcer les services publics et le droit du travail. De favoriser la liberté de choix et d’encourager les activités choisies et non subies.
Il faudra aussi renforcer notre protection sociale afin d’assurer à chacun en toutes circonstances la protection qui lui est due. C’est à cette fin que doit servir un revenu de base véritablement transformateur.
(Source : MFRB – Tribune collective)

Au-delà d’un revenu universel d’urgence, absolument vitale à court terme pour des millions de français, il convient donc de s’interroger sur la pérennisation d’un revenu universel, sur ses bienfaits potentiels et sur ses options de financement. De nombreux modèles ont été élaborés, et pour certaines options il pourrait être extrêmement simple à mettre en œuvre et peu coûteux. A ce titre, une campagne du CLIC (Lobby Citoyen d’Intérêt Général) est en cours d’internationalisation, que l’on peut dorénavant trouver en Anglais, et à partir de la semaine prochaine en allemand et en espagnol. Si vous voulez aider à ajouter d’autres langues merci d’envoyer un message à : contact[at]lobby-citoyen.org
Cette campagne est en partenariat avec Unconditionnal Bascic Income Europe et Le Mouvement Français pour le Revenu de Base (MFRB).

Image d’en-tête : Oscar del Pozo AFP

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