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TAFTA

Le TAFTA est-il vraiment mort et enterré ?

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Le TAFTA, ce vaste projet de traité commercial entre l’Union européenne et les États-Unis serait mort. Dimanche dernier, le ministre allemand de l’économie et vice-chancelier Sigmar Gabriel constatait l’échec des négociations. Cette intervention venait après que les français par la bouche du premier ministre Manuel Valls aient fait part de leur scepticisme sur la suite des discussions.
Ce matin, c’était au tour du Secrétaire d’État français Mathias Fekl de proclamer l’échec du Traité. Le TAFTA a été suffisamment décrié pour ne pas être regretté, mais est-il vraiment mort ? Les 28 membres de la Commission européenne doivent donner leur accord sur l’arrêt des négociations, alors qu’en juin dernier seulement, les États-membres avaient donné mission à Jean-Claude Junker de poursuivre les discussions avec les américains. Ce mandat est toujours valide. Alors qu’en est-il ?
 
Depuis 2013, américains et européens se sont retrouvés pendant quatorze rounds de négociations pour définir les contours d’un accord qui doit toucher 820 millions de consommateurs. L’objectif de cet accord est de réduire au maximum les droits de douane afin de faciliter les flux commerciaux et financiers entre les deux pays. Le traité est également destiné à harmoniser les réglementations entre l’Europe et les États-Unis dans la plupart des grands secteurs industriels, de l’automobile à l’industrie chimique en passant par les cosmétiques, le textile ou les technologies d’information et de communication.

Points de blocage

Malgré quatorze rounds menés en grand secret, dans des conditions opaques d’organisation et de discussion, les négociations semblent se bloquer sur des points clés, largement controversés par les opinions publiques aussi bien européennes qu’américaines. Parmi ces points de blocage, on peut souligner la mise en place d’une instance arbitrale (et non la justice publique) pour régler les conflits entre un État et une multinationale, l’ouverture des marchés publics américains ou la bataille des normes dans le secteur agroalimentaire. Ce dernier point a soulevé les foules et l’ire de nombreuses ONG.

LIRE DANS UP : TAFTA – Traité Transatlantique : un monde totalitaire se prépare, dans la plus grande opacité

Jusqu’à présent, le ton des allemands était le plus favorable au TAFTA, acceptant même l’idée de boucler les négociations avant la fin du mandat de Barack Obama. Le premier coup de frein brutal est venu du premier ministre Manuel Valls qui déclarait au printemps dernier : « Je vous le dis franchement, il ne peut pas y avoir d’accord de traité transatlantique. Cet accord ne va pas dans le bons sens (…) Dorénavant, aucun accord de libre-échange ne doit être conclu s’il ne respecte pas les intérêts de l’Union. L’Europe doit être ferme. La France y veillera ». Une position ferme relayée par François Hollande le 3 mai dernier affirmant : « La France dit non ».
 
Aux États-Unis, même son de cloche. Les candidats à la présidentielle prennent leur distance à l’égard du TAFTA (dénommé outre-Atlantique TTIP). Hillary Clinton n’a pas fait de ce dossier un des axes de sa campagne et son adversaire républicain, Donald Trump, y est clairement hostile, préférant miser sur le thème du protectionnisme pour séduire les électeurs américains. Le TAFTA semble effectivement mal en point.

Un TAFTA peut en cacher un autre

Mais, un TAFTA peut en cacher un autre. C’est le cas du CETA, un traité dont on parle moins, négocié avec le Canada.
Les principaux dangers du TAFTA se retrouvent pourtant bel et bien dans le CETA : mise en place d’une cour d’arbitrage privée qui permettra aux multinationales canadiennes (et à la majorité des multinationales américaines possédant des filiales au Canada) d’attaquer les États européens pour toute politique publique mettant en cause la rentabilité de leur investissement ; suppression des tarifs douaniers agricoles et abaissement des normes environnementales européennes ; privatisation croissante des services publics ; etc.
Mais les canadiens sont plus sympas que les américains aux yeux des opinions publiques européennes, et ces discussions ne soulèvent pas la même passion que pour le TAFTA. Matthias Fekl, le secrétaire d’État français au Commerce extérieur allant même jusqu’à ériger le CETA en modèle et le présenter comme un « anti-TAFTA ».
Amélie Canonne, de l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (AITEC), proche du mouvement Attac, décrypte : « sans aucun doute M. Fekl a compris qu’il fallait, à court terme, sacrifier le TAFTA pour sauver le CETA. En le dissociant du traité UE-USA et en fustigeant le TAFTA devant l’opinion, la France entend donner au traité UE-Canada les chances maximales d’approbation le 18 octobre prochain au Conseil, puis de ratification en janvier prochain au Parlement européen. »
 
Nous avons beau aimer nos cousins canadiens, il n’en demeure pas moins, rappelle Pascal Riché de l’Obs, que ce pays ami est « le troisième producteur d’OGM dans le monde, que l’agrobusiness canadien se fiche éperdument du bien-être des animaux et que l’exploitation des sables bitumeux dans ce pays est en train de transformer certains paysages en contrées martiennes… Sur ces sujets sensibles, les Canadiens ne manqueront pas tout d’accroître les pressions pour que l’UE se montre plus « flexible » ».
 
Pour Yannick Jadot de l’ONG Attac, on ne se méfie pas assez du danger. Selon lui, le CETA peut servir de cheval de Troie aux grandes multinationales qui s’en serviront pour imposer leurs intérêts aux États : « Les multinationales ont toutes des filiales au Canada, et pourront donc poursuivre les pays européens par ce truchement ».

La « mort » du TAFTA serait-elle un leurre ?

Alors, la mort annoncée du TAFTA serait-elle un leurre ? Nous ferait-on passer un autre contrat, le CETA, en sacrifiant (provisoirement le TAFTA), pour le faire renaître un peu plus tard, quand les configurations politiques en Amérique et en Europe auront changé après les élections à venir ? L’ONG Les Amis de la Terre pousse donc à une décision ferme et définitive d’arrêt des négociations. Nicolas Roux, animateur du groupe TAFTA au sein de l’ONG affirme : « La France doit aller au-delà des simples déclarations et passer aux actes. Rien n’empêche que les négociations reprennent lorsque la configuration politique en Europe et aux États-Unis sera plus favorable, par exemple après la mise en place de nouveaux gouvernements suite aux élections ».
 
Pour l’instant la commission européenne ne bronche pas, la commissaire en charge du dossier, Cecilia Malmström, allant même jusqu’à assurer sur Twitter, mardi, que « les négociations continuent », en réaffirmant l’objectif de les conclure d’ici la fin 2016. Un objectif pour le moins irréaliste.
 
Image d’en-tête : © NIGEL TREBLIN / DPA / AFP 

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