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Commerce ADN

Après le commerce de vos données personnelles, voici celui de vos données génétiques

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Le séquençage de l’ADN est devenu une pratique courante dans les laboratoires. Les méthodes s’améliorent chaque jour et permettent aux scientifiques et aux médecins des progrès considérables dans leurs recherches. Mais vous êtes-vous demandé d’où venait cet ADN ? La question n’est pas souvent posée mais pourtant, le commerce de l’ADN est une pratique qui enrichit plusieurs sociétés dans le monde. Elles se sont fait une spécialité de vendre des codes génétiques à leurs clients laboratoires ou industries pharmaceutiques. Un commerce juteux dans lequel le propriétaire de l’ADN ne voit rien passer. C’est ce que veut changer le professeur de Harvard Gorge Church, figure emblématique et parfois controversée de la génétique moderne. Il envisage d’associer une blockchain aux codes ADN afin de rémunérer, en cryptomonnaie, les propriétaires de ces données génétiques.
 
Le professeur George Church est une figure réputée du monde de la génétique, l’un des pères du séquençage du génome. Pour la petite histoire, c’est lui qui avait lancé l’idée de ressusciter un mammouth à partir de brins d’ADN ou celle de fabriquer un génome humain synthétique. Ce professeur est très actif dans le domaine de la recherche à Harvard et au MIT, mais il sait aussi transformer son travail en business en créant volontiers des startup pour exploiter ses travaux. C’est une pratique commune et appréciée aux Etats-Unis.
Sa dernière création est une startup qui a pour ambition de révolutionner la façon dont s’effectue le commerce des séquences d’ADN.
 

Les Google du génome

Sa startup Nebula Genomics veut changer la façon dont les entreprises manipulent l’ADN d’un individu. De nombreuses sociétés ont éclos, surtout en Silicon Valley, pour faire commerce autour de l’ADN. En 2017, ce serait plus de dix millions de tests génétiques qui auraient été effectués sur des individus par une myriade de sociétés. Parmi elles, une pionnière, la société 23andMe qui propose depuis 2013 des tests ADN à des personnes privées. Les motivations des clients de cette entreprises vont de la recherche de paternité au dépistage de maladies génétiques, en passant par des recherches généalogiques. Les tests sont payants, souvent chers, environ 1000 $. Vous pensiez que le business de ces sociétés s’arrêtait là ? Il n’en est rien. Les personnes qui utilisent ces services ne se rendent peut-être pas compte que le vrai business de ces entreprises est celui de la vente de données génétiques.
En effet, ces sociétés sont des intermédiaires qui utilisent l’ADN récupéré sur leurs clients pour le revendre à des sociétés pharmaceutiques ou des laboratoires de recherche. Un membre du conseil d’administration de 23andMe aurait ainsi expliqué : « Le vrai business n’est pas de faire de l’argent en vendant des kits. Une fois que vous avez les données, vous devenez le Google des soins de santé ».
 
L’enjeu financier est en effet considérable. Une société comme 23andMe a déjà récupéré plus de 130 millions de dollars dans ces transactions. Cette société fondée par Anne Wojcicki, l’ex-femme du fondateur de Google, Sergey Brin, et hébergée jusqu’à l’année dernière près du complexe de Google à Mountain View, s‘est fait une spécialité dans les bases de données génétiques. A ce jour, elle conserve une collection d’informations génétiques de près de 1.5 millions de personnes qui constitue un véritable trésor. Les investisseurs financiers ne s’y sont pas trompés et valorisent la startup à plus d’un milliard de dollars. La société revend ses données à une grosse douzaine de clients, de grandes compagnies pharmaceutiques. La Revue du MIT révèle que le laboratoire Genentech a ainsi payé à 23andMe 10 millions de dollars pour examiner les gènes de personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
 
Car la banque de gènes de la startup est documentée. Les échantillons sont tous assortis d’informations médicales ou de modes de vie fournies volontairement par les personnes qui lui ont soumis leur ADN. On apprend ainsi que tel échantillon d’ADN est celui d’une personne qui aime la coriandre ou fume du cannabis. Cette année, l’entreprise a constaté par exemple des variations génétiques fortement liées au fait que les clients se considèrent comme des lève-tôt, offrant un indice sur la façon de développer des médicaments spécifiques.
On le voit, ces données génétiques sont du même registre que celles de nos données personnelles déjà largement commercialisées par les géants du web, Facebook et Google en tête. De nouveaux Google sont en train de s’installer sur le marché du big data génétique.
 

Ne pas laisser passer le train de la fortune

Le professeur Church veut contrarier ce modèle, avec l’arrière-pensée d’occuper une place de choix sur ce marché. Pourquoi les personnes qui fournissent ces données génétiques si précieuses se contenteraient elles de voir passer le train et de laisser d’autres intermédiaires faire fortune sur leur dos ? Pourquoi ne pas rémunérer les codes génétiques fournis jusqu’ici gratuitement ?
 
Pour mettre en œuvre cette idée, George Church a ainsi créé Nebula dont les objectifs et la stratégie sont expliqués dans un livre blanc. Cette startup envisage de stocker les données génétiques. Seuls les propriétaires de ces données peuvent y avoir accès ou, détail d’importance, donner accès à d’autres personnes. Si une organisation souhaite acquérir les données de ce propriétaire, elle devra être transparente. Pour cela, le professeur Church dit être en mesure d’associer à chaque code génétique, une blockchain permettant l’identification de la source. Toutes les transactions seront enregistrées dans cette chaine de cryptage. Ainsi, quand un labo voudra acheter votre code génétique, la transaction sera enregistrée et vous pourrez percevoir des droits.
Cette rémunération est prévue en cryptomonnaie. Des « jetons » serviront de monnaie d’échange et leur cours variera à mesure que le séquençage de l’ADN deviendra moins cher. Les acheteurs, comme des sociétés pharmaceutiques ou des laboratoires de recherche, pourront mener des enquêtes auprès des propriétaires d’ADN et payer cette « prestation » en jetons. Certains gènes vaudraient plus que d’autres. Ainsi les gènes d’un vieillard vaillant de 115 ans auront une valeur très élevée s’ils permettent de décrypter le secret de la longévité. De même, des porteurs de phénotypes rares verront leurs gènes proposés aux plus offrants.
Les acheteurs pourront également choisir de payer le coût de séquençage complet du génome d’un individu si l’enquête révèle des informations qui sont particulièrement intéressantes pour l’acheteur. A ce propos, rappelons que George Church a créé une autre startup, Veritas Genetics, dont l’objet est le séquençage complet du génome. Une façon de jouer sur tous les tableaux.
 
L’idée du professeur Church est originale en ce qu’elle inclut un système de blockchain. En revanche, l’idée de commercialiser son ADN n’est pas vraiment nouvelle. D’autres sociétés comme EncrypGen, Luna DNA et Zenome ont indiqué à Tech Crunch qu’elles pourraient construire des plateformes pour que les gens puissent vendre leur propre ADN. Un marche en pleine ébullition.
 
Le commerce de l’ADN semble être vraiment lancé. La compétition entre business models s’annonce rude. La bataille pour faire baisser les coûts des tests ADN va multiplier les appétits. Déjà certains observateurs de ce marché naissant estiment que le coût d’un séquençage complet du génome, actuellement de 1000 $, pourrait rapidement descendre à moins de 100 $. Et pourquoi ne serait-il pas gratuit si la revente des données permettait de le financer ?
 
Alors, nous pourrons toujours nous poser des questions d’ordre éthique, la dynamique du marché aura vraisemblablement le dernier mot. Après la protection de nos données personnelles, il faudra s’inquiéter de la protection de nos données génétiques, avec ou sans blockchain. Décidément notre intimité se rabougrit à vue d’œil.
 
 

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