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Sécheresses et pénuries : les OGM guettent à la porte de l’Europe

Elles arrivent dans nos assiettes. Les plantes modifiées par CRISPR ne sont plus considérées aux USA comme des OGM.

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La prochaine nourriture que vous retrouverez dans votre assiette sera génétiquement modifiée, mais elle ne sera pas un OGM au sens conventionnel du terme. Elle aura été modifiée à l’aide du CRISPR, cette nouvelle technique qui permet aux scientifiques d’ajuster précisément l’ADN d’une plante pour lui donner un meilleur goût, une plus longue durée de conservation ou la capacité de survivre à une grave sécheresse.
 
Une décision récente du ministère américain de l’Agriculture a donné un laissez-passer pour les cultures faites à l’aide du CRISPR afin d’éviter les règles sévères et longues qui sont traditionnellement imposées aux aliments faits à l’aide de n’importe quel autre type de biotechnologie, comme les OGM.
Dans une mise à jour publiée la semaine dernière, le secrétaire américain à l’Agriculture, Sonny Perdue, a déclaré que l’USDA n’avait pas l’intention de réglementer les plantes « qui auraient pu être développées par des techniques de sélection traditionnelles ». Cela signifie que les cultures modifiées à l’aide du CRISPR obtiennent le feu vert pour aller dans nos assiettes, tandis que les OGM traditionnels restent dans le rouge, sous la surveillance rigoureuse et habituelle de l’USDA.
 

Le diable se cache dans les détails

La distinction est subtile ; elle se résume à la méthode de manipulation des gènes utilisée. Là où les OGM s’attaquent au génome d’une culture avec des outils grossiers, le ciseau moléculaire CRISPR tranche et remodèle avec une précision parfaite le code génétique, à la manière d’un scalpel. Cette précision du geste technique fait qu’un grain de maïs modifié à l’aide de CRISPR ne pourra être distingué d’un grain issu d’une sélection végétale à l’ancienne.
 
Pour les défenseurs de CRISPR, ces produits ne sont pas des OGM au sens où l’entend la règlementation, notamment européenne. Ils seraient d’une autre nature, échappant ainsi aux procédures d’évaluation des risques, d’autorisation, d’étiquetage ou de suivi. Leur argument est d’affirmer que les techniques utilisées jusqu’à présent pour fabriquer des OGM consistent à prendre le gène d’une plante ou d’un organisme pour le mettre dans une autre. C’est de la transgénèse. Or avec les nouvelles technologies du vivant comme CRISPR, il est inutile de faire intervenir un gène extérieur. On peut modifier les gènes à l’intérieur des cellules des embryons de plantes. Avec ces nouveaux outils d’ingénierie génétique, les labos peuvent éteindre des gènes, les activer, les muter ou les répliquer. Pas d’apport extérieur. Ce n’est pas un OGM, c’est autre chose. Ni vu ni connu…

LIRE DANS UP : Ces OGM cachés que les industriels veulent nous faire passer en douce…

D’autant, qu’avec CRSPR, les scientifiques sont capables d’intervenir d’une façon extraordinairement précise sur une seule lettre du génome d’une plante. L’outil est suffisamment acéré pour modifier une seule lettre composant la séquence A, G, C, T de l’ADN.
« Changer un G en A est très différent que d’apporter un gène d’une bactérie dans une plante », a déclaré George Church, généticien de Harvard, à Business Insider, en septembre 2016, lorsque la loi a commencé à prendre forme. C’est cette caractéristique fondamentale qui permet aux plantes modifiées par CRSPR de passer sous les radars des réglementations anti-OGM.
 

Libération d’un marché gigantesque

L’autorisation américaine libère d’un coup un marché gigantesque : celui des entreprises de biotechnologies possédant la capacité d’utiliser CRISPR. Et elles sont nombreuses, des startups comme Synthego, mais aussi des géants comme Monsanto et DuPont Pioneer. Leur objectif commun : produire des plantes plus robustes, résistantes aux intempéries comme aux maladies et parasites. L’exemple de Mars est significatif : le groupe agroalimentaire explore les moyens d’utiliser CRISPR pour protéger son ingrédient phare, le chocolat, des assauts du changement climatique.
 
Tous les scientifiques impliqués dans ces recherches jurent la main sur le cœur que leur travail correspond à une nécessité vitale pour l’humanité : être en mesure de nourrir une population en plein essor sur une planète où les terres cultivables sont de moins en moins nombreuses.
 
Déjà, les expériences se multiplient un peu partout dans le monde. En Chine par exemple, des chercheurs expérimentent l’utilisation de CRISPR pour créer des vaches mieux protégées contre la tuberculose, une maladie bactérienne chronique qui peut se propager à l’homme et qui a alimenté le fléau de la résistance aux antibiotiques. Plus près de chez nous, le scientifique suédois Stefan Jansson, chercheur à l’Université d’Umea, a utilisé CRISPR pour produire des légumes mieux protégés contre les ravageurs. C’est lui qui s’était fait connaître en préparant le premier repas avec des produits CRISPR. Il déclarait alors à Business Insider que le rôle du CRISPR dans l’avenir de l’alimentation commence déjà à prendre forme. « Nous ne parlons pas de l’avenir. Nous parlons de maintenant », affirmait-il.
 
L’enjeu est de taille et l’Europe n’est pas épargnée.  Sous l’intense pression des lobbies, l’Europe semble se diriger, lentement mais sûrement, vers une déréglementation de ces « nouveaux » OGM. Des plantes modifiées et brevetées pourraient ainsi bientôt envahir incognito nos champs, échappant à tout étiquetage. Principalement des végétaux rendus tolérants aux herbicides, avec des conséquences encore méconnues mais sans doute irréversibles sur l’environnement, la santé, ou l’autonomie des paysans. « Cette quantité énorme d’êtres artificiels qui pourraient ainsi être introduits dans un temps très court dans la société et la nature pose problème, explique Frédéric Jaquemart, président du Groupe international d’études transdisciplinaires (Giet). Ce rythme effréné de changements, sans commune mesure avec ceux en cours dans le processus d’évolution, a des effets sur l’organisation même de la société, avec des effets délétères sur la nature, même si les causalités ne sont pas évidentes à établir. »

LIRE DANS UP : Modifier génétiquement une plante n’est pas anodin

« On est en train de faire des conneries »

Pierre-Henri Gouyon, professeur au Museum d’Histoire naturelle n’hésite pas à s’insurger : « On est en train de faire des conneries avec ces OGM ! ». Il ajoute dans une conférence donnée à l’APHP : « La concentration de la propriété des ressources génétiques dans quelques mains met en danger toute la nourriture de la planète ».  Pour lui, il n’y aurait qu’une seule façon de savoir si un organisme a été modifié ou pas avec ces nouvelles technologies : « si une plante ou une semence est brevetée, c’est qu’elle a été manipulée » déclare-t-il à UP’ Magazine. CQFD.
 
Yves Bertheau, biochimiste et phytopathologiste, directeur de recherche Inra au MNHN , spécialiste des OGM et de leur traçabilité, coordinateur un programme européen (Co-Extra) sur la coexistence des cultures OGM et non OGM., nous alertait dans une interview à UP’ Magazine :  « Au-delà des changements de pratiques agricoles induits par les nouveaux traits introduits, les modifications génétiques rapides, radicales et souvent irréversibles doivent être considérées avec prudence, alors que la sélection classique liée la conservation de ressources génétiques constituent encore la meilleure source d’amélioration de la production et d’adaptation aux changements environnementaux. Il est à craindre que les plantes ne constituent un ballon d’essai, pour tester des technologies dont l’application à l’homme est loin d’être acceptable ».
 
Malgré ces alertes, le marché avance avec la bénédiction silencieuse des organismes publics chargés de mesurer les effets de ces bioinnovations sur les aliments que nous mangeons. Ainsi, la Fédération internationale des semenciers répète que « des produits obtenus par biologie de synthèse ne sont pas différenciables de produits apparus naturellement ou par croisement conventionnel. Et que de ce fait ces produits ne posent pas plus de risques. Et s’ils ne posent pas de risques, il n’y a pas d’obligation […] pour les détecter et les tracer. »
 
Circulez, il n’y a rien à voir…
 
 
Source : Business Insider

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