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Les eaux usées : le nouvel or noir de la planète ?

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Et si l’on cessait de considérer les eaux usées, qu’elles soient domestiques, industrielles ou agricoles, comme un problème ou un coût et qu’on les envisage comme une ressource ? C’est à ce changement d’optique qu’invite le dernier Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, « Les eaux usées, une ressource inexploitée », présenté ce 22 mars à Durban, Journée mondiale de l’eau, instituée par l’ONU et dont le thème cette année est « les eaux usées ». 
Face à la hausse constante de la demande, un recours plus systématique à une eau recyclée paraît inéluctable. 
 
Une goutte d’eau est flexible. Une goutte d’eau est puissante. Rien n’est plus nécessaire qu’une goutte d’eau.
L’eau est au cœur du développement durable. Les ressources en eau, ainsi que la gamme de services qu’elles peuvent rendre, contribuent à la réduction de la pauvreté, à la croissance économique et à la sauvegarde de l’environnement. De la nourriture et la sécurité énergétique à la santé humaine et environnementale, l’eau contribue à l’amélioration du bien-être social et à une croissance équitable, affectant les moyens de subsistance de milliards d’individus.
Nations Unies
 
La plupart des activités humaines qui utilisent de l’eau produisent des eaux usées. Étant donné que la demande d’eau dans son ensemble augmente, la quantité d’eaux usées produites, et leur charge polluante globale, sont en augmentation constante dans le monde entier. 
 
Au cinquième siècle avant Jésus-Christ, Héraclite aurait affirmé « le changement est la seule constante de la vie ». Aujourd’hui, ce constat est plus que jamais valable. Au fur et à mesure que les populations et les implantations urbaines croissent, nos besoins augmentent également, transformant nos sociétés et notre planète devant nos yeux.
 
L’édition 2017 du Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau examine la question des eaux usées et de leur potentiel en tant que ressource durable. L’ONU met en lumière le thème des eaux usées et les différents moyens de les réduire et les réutiliser. Pas moins de 80% des eaux usées provenant des lieux d’habitation, des villes, de l’industrie et de l’agriculture sont rejetées dans la nature, polluant l’environnement et appauvrissant les sols.
La collecte, le traitement et la réutilisation des eaux usées doivent être améliorés. Dans le même temps, nous devons réduire la quantité d’eaux usées que nous produisons afin de protéger l’environnement et nos ressources en eau.
L’objectif de développement durable n°6 – Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau – a notamment pour cible de réduire de moitié la proportion d’eaux usées non traitées et d’augmenter considérablement à l’échelle mondiale le recyclage et la réutilisation sans danger de l’eau.
 
Toutefois, les conclusions du Rapport indiquent l’ampleur de la tâche qui nous attend : « À travers le monde, l’essentiel des eaux usées n’est ni collecté ni traité. En outre, la collecte des eaux usées en elle-même n’est pas synonyme du traitement des eaux usées. Très souvent, les eaux usées collectées sont simplement déchargées directement dans l’environnement sans aucun traitement. Les eaux de ruissellement agricole ne sont presque jamais collectées ou traitées, raison pour laquelle il n’existe pratiquement pas d’indicateurs de mesure relatifs à ces types d’eaux usées ».

 
Dans tous les pays, à l’exception des plus développés, la grande majorité des eaux usées sont directement rejetées dans l’environnement, sans traitement adéquat, ce qui a des effets néfastes sur la santé humaine, la productivité économique, la qualité des ressources d’eau douce environnementales, et les écosystèmes.
Bien que les eaux usées soient un élément clé du cycle de gestion de l’eau, l’eau, après avoir été utilisée, est trop souvent considérée comme un fardeau à éliminer ou une gêne à ignorer. Les résultats de cette négligence sont à présent évidents. Les impacts immédiats, et notamment la détérioration des écosystèmes aquatiques et les maladies d’origine hydrique causées par un approvisionnement en eau douce contaminée, ont des répercussions importantes sur le bien-être des communautés et les moyens de subsistance des individus. L’incapacité persistante à considérer les eaux usées comme un problème social et environnemental majeur pourrait compromettre d’autres efforts déployés en vue de réaliser l’Agenda 2030 pour le développement durable.
 
Face à la demande en augmentation constante, les eaux usées prennent de l’ampleur en tant que source d’eau alternative fiable, modifiant ainsi le paradigme de la gestion des eaux usées de « traitement et élimination » à « réutilisation, recyclage et récupération de ressources ». À cet égard, les eaux usées ne sont plus considérées comme un problème en quête de solution, mais plutôt comme une partie de la solution aux défis auxquels les sociétés doivent faire face aujourd’hui. Les eaux usées peuvent également être une source rentable et durable d’énergie, de nutriments, et d’autres produits dérivés utiles.
 
Les bénéfices potentiels de l’extraction de ces ressources à partir des eaux usées dépassent de loin la santé humaine et de l’environnement, et ont des implications sur la sécurité alimentaire et énergétique ainsi que sur l’atténuation du changement climatique. Dans un contexte d’économie circulaire, dans laquelle le développement économique est en équilibre avec la protection des ressources naturelles et le développement durable, les eaux usées représentent une ressource largement disponible et précieuse. Les perspectives sont indéniablement optimistes, si les actions sont prises dès à présent.
« Les eaux usées représentent une ressource précieuse dans un monde où l’eau douce disponible est limitée et la demande en hausse », déclare Guy Rider, Président de l’ONU-Eau et Directeur général de l’Organisation internationale du travail. « Chacun doit faire sa part pour atteindre l’Objectif de développement durable consistant à diviser par deux le niveau des eaux usées non traitées et promouvoir la réutilisation d’une eau sûre d’ici 2030. Il s’agit de gérer l’eau avec soin et de recycler celle qui est rejetée par les ménages, les usines, les fermes et les villes. Nous devons tous recycler davantage les eaux usées pour satisfaire les besoins d’une population en augmentation et préserver les écosystèmes ». 
 
« Le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2017 montre que la gestion améliorée des eaux usées implique aussi bien la réduction de la pollution à la source que l’élimination de contaminants des flux d’eaux usées, la réutilisation des eaux récupérées et la récupération de sous-produits utiles […]. Il est donc essentiel d’accroître l’acceptation sociale de l’utilisation des eaux usées afin de favoriser le progrès dans ce sens », a déclaré la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova.

Un enjeu pour la santé et l’environnement

Aujourd’hui encore, une bonne part des eaux usées est rejetée dans la nature sans être ni collectée ni traitée. En moyenne, les pays à revenu élevé traitent environ 70% des eaux résiduelles municipales et industrielles qu’ils produisent. Ce pourcentage tombe à 38% dans les pays à revenu intermédiaire supérieur, et à 28% dans les pays à revenu intermédiaire inférieur. Dans les pays à faible revenu, seuls 8% de ces eaux usées subissent un traitement, quel qu’il soit. Ces estimations vont dans le sens de l’appréciation souvent citée selon laquelle il est probable que plus de 80% des eaux usées du monde soient rejetées sans traitement. De fait, dans de nombreuses régions, des eaux chargées de bactéries, de nitrates, de phosphore ou de solvants se déversent dans les cours d’eau, les lacs et pour finir, dans les océans, avec des conséquences graves pour l’environnement et la santé humaine.
 
Dans les pays à revenu élevé, ce qui motive le recours à des traitements de pointe des eaux usées, c’est soit le maintien de la qualité de l’environnement, soit l’apport d’une source d’eau alternative pour faire face au manque d’eau. Cependant, l’émission d’eaux usées non traitées demeure une pratique courante, surtout dans les pays en voie de développement, en raison du manque d’infrastructures, de capacités techniques et institutionnelles, et de financement.
Or le volume des eaux à traiter devrait encore augmenter de manière significative dans les années à venir, notamment dans les villes à forte croissance démographique des pays en développement. « Le traitement des eaux usées, estiment les auteurs du Rapport, est l’un des plus grands défis associés au développement de l’habitat informel (bidonvilles) dans le monde en développement » (p.56). Une ville comme Lagos, au Nigéria, produit chaque jour 1,5 million de m3 d’eaux usées qui sont pour l’essentiel déversées sans traitement dans la lagune de la ville. L’augmentation de la population, qui devrait atteindre 23 millions de personnes en 2020, rend une telle situation explosive.
 
La pollution aux pathogènes, issus des déjections humaines ou animales, affecte près d’un tiers des rivières en Amérique latine, en Asie et en Afrique, mettant la vie de millions de personnes en danger. En 2012, 842 000 décès étaient liés à une eau contaminée et des installations sanitaires inadaptées dans les pays à faible et moyen revenu. L’absence de traitement favorise aussi la propagation de certaines maladies tropicales telles que la dengue et le choléra.
 
Les solvants et autres hydrocarbures produits par les activités industrielles et minières ainsi que les rejets de nutriments (azote, phosphore et potassium) issus de l’agriculture intensive et des déchets animaux accélèrent l’eutrophisation des sources d’eau douce et les aires marines. On estime aujourd’hui à 245 000 km² la superficie des écosystèmes marins affectés par ce phénomène. Le déversement de ces eaux polluées favorise également la prolifération des algues nuisibles qui ont pour effet un recul de la biodiversité.
 
Le rejet de polluants tels que les hormones, les antibiotiques, les stéroïdes ou les perturbateurs endocriniens pose de nouveaux problèmes dans la mesure où ils sont rarement contrôlés et leur impact sur l’environnement et la santé mal connu.

LIRE AUSSI : « Antibiorésistance et environnement » du Ministère de l’environnement – Février 2017

Dévastatrice pour l’environnement, la pollution a aussi pour effet de réduire la disponibilité en eau douce alors que les pressions sur cette ressource s’accentuent, notamment sous l’effet du changement climatique.
Or l’intérêt des décideurs s’est jusqu’ici porté avant tout sur l’approvisionnement en eau plutôt que sur sa gestion après son utilisation. Les deux aspects sont pourtant indissociables. La collecte, le traitement et la réutilisation de l’eau sont au fondement même d’une économie circulaire, conciliant développement économique et utilisation durable des ressources. L’eau recyclée représente une ressource encore largement sous-exploitée qui peut être réutilisée de très nombreuses fois. Aux Etats-Unis, on estime ainsi que l’eau des plus grands fleuves qui traversent le pays a été utilisée vingt fois avant d’atteindre la mer.
 

Des égouts jusqu’au robinet

Dans un contexte d’économie circulaire, dans laquelle le développement économique est en équilibre avec la protection des ressources naturelles et le développement durable, les eaux résiduaires constituent une ressource largement disponible et précieuse.
C’est dans l’agriculture que l’utilisation des eaux usées est aujourd’hui la plus répandue. En plus d’améliorer la sécurité alimentaire, la réutilisation de l’eau pour l’agriculture peut apporter des bénéfices considérables, et notamment une nutrition améliorée.
Même si les données sont lacunaires dans certaines régions, notamment en Afrique, on recense au moins 50 pays dans le monde qui la pratiquent sur une superficie estimée à 10% de toutes les terres irriguées.
 
Au cours des cinquante dernières années, les surfaces irriguées ont plus que doublé, le cheptel total a plus que triplé, et l’aquaculture en eaux intérieures a été multipliée plus de vingt fois. La pollution hydrique en provenance de l’agriculture se produit quand les engrais (nutriments) et autres produits agrochimiques sont appliqués de façon plus abondante que ce que les cultures peuvent absorber, ou quand ils sont emportés par la pluie. Des systèmes d’irrigation efficaces peuvent considérablement réduire les pertes d’eau et d’engrais. Les nutriments peuvent également être émis par la production de bétail et l’aquaculture.
 
L’agriculture peut être une source de nombreux autres types de polluants, et notamment la matière organique, les agents pathogènes, les métaux et des contaminants émergeants. Au cours des 20 dernières années, de nouveaux polluants agricoles sont apparus, tels que les antibiotiques, les vaccins, les facteurs de croissance et les hormones, qui peuvent être émis par les élevages et les exploitations d’aquaculture. Si elles sont traitées de façon adéquate et appliquées en toute sécurité, les eaux usées domestiques sont une source précieuse d’eau et de nutriments. En plus d’améliorer la sécurité alimentaire, la réutilisation de l’eau pour l’agriculture peut apporter des bénéfices considérables à la santé humaine et animale, et notamment une nutrition améliorée.
Le défi consiste donc à passer de l’irrigation informelle à une utilisation planifiée et sécuritaire, comme c’est le cas en Jordanie depuis 1977 : 90% des eaux usées traitées y sont utilisées pour l’irrigation. En Israël, près de la moitié des terres irriguées le sont avec une eau recyclée. La recharge artificielle d’aquifères (1) avec des eaux usées est déjà développée depuis une vingtaine d’années sur le pourtour méditerranéen, en particulier en Israël donc, et en Australie, dans des secteurs soumis à un stress hydrique important, comme l’explique un article du journal La Croix en 2016 : l’eau est réinjectée dans le sous-sol par filtration naturelle, via des bassins, ou directement par des puits, quand l’évaporation est très importante. L’intérêt est de pouvoir stocker dans le sous-sol cette eau, qui n’est ainsi pas reprise par l’évaporation en surface et peut être réutilisée par la suite, pour de l’arrosage, de l’irrigation agricole, voire pour de l’eau potable. C’est une manière active de gérer le cycle de l’eau et de l’optimiser.
 
Un projet d’irrigation des terres agricoles au moyen d’eaux usées traitées est en cours de réalisation à Oujda-Angad, au Maroc : construction d’une station pour la réutilisation des eaux usées à des fins agricoles, laquelle permettra de traiter quelque 40.000 m3 par jour. Cette eau servira à l’irrigation de près de 1500 ha de terres agricoles et bénéficiera à plus de 245 agriculteurs et la plantation de 750 ha en oliviers et autant en plantes fourragères.
 

 
L’utilisation des eaux usées municipales est un modèle courant dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, en Australie, et en Méditerranée, ainsi qu’en Chine, au Mexique et aux États-Unis. La pratique a connu un franc succès dans les zones urbaines et périurbaines, où les eaux usées sont facilement disponibles, gratuites en général, et où il existe à proximité un marché pour les produits agricoles.
 
Dans le domaine industriel, de grandes quantités d’eau peuvent également être réutilisées, par exemple dans les processus de refroidissement ou de chauffage, au lieu d’être rejetées dans l’environnement. En 2020, on estime que le marché du traitement des eaux industrielles devrait augmenter de 50%.
Même si la pratique est plus marginale, l’eau traitée peut aussi servir à alimenter le réseau d’eau potable. La capitale de la Namibie, Windhoek, en fait l’expérience depuis 1969. Pour faire face aux pénuries récurrentes, la ville a mis en place des infrastructures qui traitent jusqu’à 35% des eaux usées qui viennent ensuite alimenter les réserves d’eau potable. Les habitants de Singapour ou de la ville de San Diego (Etats-Unis) boivent également une eau recyclée.
Un tel processus peut rencontrer la résistance des populations, réticentes à l’idée de boire une eau considérée comme souillée. Un projet de réutilisation de l’eau pour l’irrigation et les fermes aquacoles en Egypte, mis en place dans les années 1990, a ainsi échoué faute de soutien de la population. Des campagnes de sensibilisation peuvent contribuer à l’adoption de telles pratiques par le grand public en s’appuyant sur des expériences réussies comme le recyclage des eaux usées par les astronautes de la Station spatiale internationale.
 
(1) L’aquifère le contenant des eaux souterraines, la nappe étant le contenu.

Un gisement de matières premières

Alternative à l’eau fraîche, les eaux usées constituent aussi un gisement potentiel de matières premières. L’évolution des techniques de traitement permet désormais de récupérer certains nutriments, comme le phosphore et les nitrates, dans les eaux d’égouts ou les boues d’épuration. On estime que 22% de la demande mondiale en phosphore pourrait être satisfaite grâce au traitement des urines et des excréments humains. Déjà, certains pays, comme la Suisse, imposent la récupération de certains nutriments comme le phosphore.
Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), 25 % des terres cultivées dans le monde se caractérisent aujourd’hui par une activité biologique dégradée. La transformation des boues d’épuration en engrais organique ou leur épandage sur les champs présentent donc un intérêt indéniable.
Les eaux usées et les boues d’épuration peuvent aussi servir à produire de la chaleur, de l’électricité et des combustibles en se substituant aux carburants d’origine fossile (pétrole, gaz, charbon), leur pouvoir calorifique étant identique à celui du bois.
Elles peuvent par ailleurs être recyclées dans l’industrie, notamment dans trois principaux secteurs d’activité : l’industrie de la céramique, la cimenterie et les unités de valorisation énergétique.
Le parc industriel China Singapore de Suzhou (Chine) fonctionne sur ce principe. La structure génère jusqu’à 300 tonnes de boues par jour. Grâce à la technologie de séchage Innodry créée par Degrémont, ces éléments sont valorisés sous forme de combustible pour la centrale électrique du parc. Un système de récupération de chaleur permet ensuite de réutiliser cette énergie dans le processus de traitement. 
 
Les eaux usées peuvent également être réutilisées pour chauffer ou refroidir des bâtiments. La technologie Degrés Bleus développée par Lyonnaise des Eaux, filiale de Suez Environnement, permet ainsi de récupérer les calories des eaux usées pour rafraîchir ou chauffer tout type de bâtiments. Cette technologie est notamment déployée au Palais de l’Élysée et ses annexes à Paris. Résultat : une réduction de la consommation d’énergie fossile de 63 % par an et une diminution des émissions de CO2 de 206 tonnes par an.
 

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Autre exemple : En Chine, SUEZ a remporté un contrat pour la gestion des eaux du parc industriel de Shanghai, pour lequel il a mis au point une technique de zone humide végétalisée. Baptisée « Zone Libellule® », elle sera constituée de plusieurs centaines d’espèces de plantes choisies pour leurs capacités épuratoires et assurera l’affinage des eaux usées traitées en sortie de la station d’épuration exploitée par SUEZ.
 
La production de biogaz est également envisageable à partir de l’énergie chimique contenue dans les substances organiques des eaux usées. Au Japon, le gouvernement s’est donné comme objectif la récupération de 30% d’énergie à partir des eaux usées d’ici 2020. La ville d’Osaka produit chaque année 6500 tonnes de carburant biosolide à partir des 43 000 tonnes de boues d’épuration.
 
 
Si de telles technologies avancées sont hors de portée des pays en développement, des solutions de traitement à bas coût existent. Elles ne permettent pas d’obtenir une eau potable mais peuvent produire une ressource valable pour d’autres usages, comme l’irrigation. Par ailleurs, la vente des matières premières issues des eaux usées est un moyen de faire baisser davantage les coûts de traitement de l’eau.
 
Aujourd’hui encore, 2,4 milliards de personnes ne disposent pas d’accès à une installation sanitaire améliorée. Réduire ce nombre, conformément à l’objectif de développement durable n°6 sur l’eau et l’assainissement, inscrit dans l’agenda 2030 des Nations Unies, se traduira par le déversement de d’avantage d’eaux usées qui devront faire l’objet d’un traitement. Le mouvement paraît donc inéluctable.
Déjà, le recours à une eau traitée comme alternative à l’eau fraîche gagne du terrain. En Amérique latine, le traitement des eaux usées a pratiquement doublé depuis la fin des années 1990 et couvre désormais entre 20 et 30% des eaux usées collectées dans les réseaux urbains d’égout.

Créer un environnement favorable au changement

Le traitement amélioré des eaux résiduaires, l’augmentation de la réutilisation de l’eau, et la récupération de produits dérivés utiles favorisent la transition vers une économie circulaire, en contribuant à la réduction des prélèvements d’eau et à la perte de ressources dans les systèmes de production et les activités économiques.
 
Cadres règlementaires et légaux adaptés
Un cadre règlementaire efficace exige que l’autorité de mise en œuvre ait la capacité technique et de gestion, et agisse de façon indépendante, avec des pouvoirs suffisants pour faire appliquer les règles et les lignes directrices. La transparence et l’accès à l’information encouragent le respect, en favorisant la confiance entre les utilisateurs quant aux processus de mise en œuvre et d’application.
Pour accomplir des progrès, une approche souple et progressive sera nécessaire. Les instruments politiques et règlementaires doivent être mis en œuvre au niveau local, et doivent être adaptés aux différentes circonstances. Il est donc important qu’un soutien politique, institutionnel et financier soit accordé aux initiatives ascendantes, et à la fourniture locale (c.-à-d. décentralisée) de services de gestion des eaux résiduaires à petite échelle.
 
Comme l’explique actu-environnement, c’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) la première qui a publié des recommandations pour la REUT (réutilisation des eaux usées traitées) pour l’irrigation en 1989. En 1991, le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF) publiait ses propres recommandations pour la France en fixant des conditions de distance des lieux d’habitations, des zones de loisirs et de la voirie et une restriction de l’arrosage aux heures hors fréquentation du public, restreignant ainsi les possibilités. Un décret a été publié en 1994 mais l’arrêté d’application n’a été publié qu’en… 2010 ! Il aura fallu en effet attendre la loi Grenelle 1 pour que soit relancée cette pratique. L’article 27 prévoit que « la récupération et la réutilisation des eaux pluviales et des eaux usées seront développées dans le respect des contraintes sanitaires en tenant compte de la nécessité de satisfaire les besoins prioritaires de la population en cas de crise ».
En France, aujourd’hui, 65 installations fonctionnent sur l’ensemble du territoire, essentiellement à destination de l’arrosage des terres agricoles, des espaces verts urbains et des golfs.
 

Il est également nécessaire d’avoir de nouvelles règlementations concernant la réutilisation de l’eau et la récupération des produits dérivés des eaux résiduaires. La législation sur les normes de qualité pour ces produits est souvent rare ou inexistante, ce qui crée des incertitudes sur le marché qui peuvent décourager les investissements. Les marchés pour ces produits pourraient être encouragés par des mesures d’incitation financière ou légale (p. ex. le mélange obligatoire de phosphates récupérés dans les engrais artificiels).
 
La récupération des coûts et les mécanismes de financement appropriés
La gestion des eaux résiduaires et l’assainissement sont généralement considérés comme étant couteux et exigeant beaucoup de capital. Le problème est accentué par un manque chronique d’investissements pour le développement de capacités institutionnelles et humaines. Cependant, le coût des investissements inadéquats dans la gestion des eaux résiduaires est beaucoup plus élevé, surtout si on prend en considération les dommages directs et indirects à la santé, au développement socio-économique et à l’environnement.
De nombreux modèles économiques différents ont été mis en place, dans lesquels les coûts et la valeur récupérés offrent un avantage considérable du point de vue financier. Cependant, les revenus provenant de la vente d’eaux résiduaires traitées ne suffisent pas, en général, à couvrir les coûts d’exploitation et de maintenance de l’usine de traitement de l’eau. La récupération des nutriments (principalement phosphore et azote) et d’énergie peut représenter une nouvelle valeur ajoutée significative pour améliorer la proposition de récupération de coûts. Bien que les revenus de l’utilisation des eaux usées et de la récupération de ressources puissent ne pas toujours couvrir les coûts supplémentaires, les bénéfices provenant des investissements dans la réutilisation de l’eau peuvent tout à fait être comparés avec le coût des barrages, du dessalement, des transferts entre bassins, et d’autres alternatives pour augmenter la disponibilité de l’eau. Même lorsqu’elle est amenée jusqu’au robinet, l’eau potable demeure, en général, sous-estimée et sous-tarifée si on la compare au coût total du service.
Les eaux usées traitées doivent, quant à elles, avoir un prix plus bas que l’eau potable afin d’être acceptées par les citoyens. Établir un prix pour l’eau, toutes sources confondues, afin de mieux refléter ses coûts réels, favorise les investissements qui peuvent se traduire par une fourniture de service abordable tous les membres de la société, y compris les plus pauvres.
 
Réduire au minimum les risques pour les personnes et l’environnement
Les rejets d’eaux usées non traitées peuvent avoir de graves effets sur la santé humaine et l’environnement, et notamment des épidémies de maladies vectorielles transmises par l’alimentation et l’eau, ainsi que la pollution et la perte de diversité biologique et des services des écosystèmes.
L’exposition de groupes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, à des eaux usées partiellement traitées ou non traitées, exige une attention particulière. Une connaissance limitée des risques pour la santé, associés à l’utilisation d’eaux résiduaires, en raison de la pauvreté et d’une éducation déficiente, contribue à accentuer ces risques, notamment dans les pays en voie de développement. À chaque fois que l’exposition humaine est considérée comme étant probable (p. ex. par l’alimentation ou par contact direct), des mesures de gestion des risques plus strictes doivent être prises.
 
Mieux informer pour comprendre
Les données et les informations sur la production, le traitement et l’utilisation des eaux usées sont essentielles pour les décideurs politiques, les chercheurs, les praticiens et les institutions publiques, afin de mettre au point des plans d’action nationaux et locaux pour la protection de l’environnement et l’utilisation sure et productive des eaux résiduaires. Les connaissances concernant les volumes et, ce qui est peut-être encore plus important, les composants des eaux résiduaires sont des outils nécessaires pour la protection de la santé humaine et la sécurité de l’environnement.
Cependant, il y a un manque généralisé de données concernant quasiment tous les aspects de la qualité de l’eau et de la gestion des eaux résiduaires, notamment dans les pays en voie de développement. Des recherches sont nécessaires afin de mieux comprendre la dynamique de l’apparition de polluants, et d’améliorer les méthodes d’élimination de ces polluants des eaux usées.
Il est également essentiel de comprendre la façon dont les facteurs externes tels que le changement climatique affecteront la gestion des eaux usées. Dans l’optique d’améliorer la gestion des eaux usées, il est essentiel de s’assurer que les niveaux appropriés de capacités humaines sont mis en place. On manque souvent de capacités organisationnelles et institutionnelles dans le secteur de la gestion des eaux usées, et par conséquent, tous les investissements, qu’il s’agisse de systèmes centralisés de gestion des eaux usées à grande échelle ou de systèmes plus petits in situ, sont en jeu.
 
Sensibilisation du public et acceptation par la société
Même si les projets concernant l’utilisation des eaux résiduaires sont bien conçus du point de vue technique, semblent réalisables du point de vue financier, et intègrent des mesures de sécurité adéquates, les systèmes de réutilisation de l’eau peuvent échouer si les planificateurs ne prennent pas bien en considération la dynamique de l’acceptation sociale.
L’utilisation d’eaux résiduaires se heurte souvent à une forte résistance de l’opinion publique, en raison d’un manque de sensibilisation et de confiance face aux risques pour la santé humaine. La sensibilisation et l’éducation sont les principaux instruments pour dépasser les barrières sociales, culturelles et de consommation.
 
Des campagnes de sensibilisation doivent être adaptées aux consommateurs venant de milieux culturels et religieux différents. Les risques pour la santé associés à la réutilisation de l’eau doivent être évalués, gérés, contrôlés et notifiés régulièrement afin d’obtenir l’acceptation du public, et de maximiser les avantages de l’utilisation des eaux résiduaires tout en réduisant au minimum les impacts négatifs. Dans le cas de l’eau potable (p. ex. la réutilisation de l’eau potable), de vastes campagnes d’information sont nécessaires pour construire la confiance dans le système et dépasser la répulsion du « facteur beurk «.
 
L’exemple de la Suisse est rassurant : Dans les années 1950, les eaux suisses étaient encore fortement polluées par les eaux usées provenant des villes et de l’industrie. Il n’était pas rare de voir des panneaux « Bain interdit – Eau polluée » au bord des lacs, indique l’Office fédéral de l’environnement dans un dossier publié à l’occasion de la Journée de l’eau mercredi 15 mars. Le monde politique a empoigné le problème et investit depuis des milliards dans la construction de canalisations et de stations d’épuration. Aujourd’hui, le réseau de canalisations atteint 130 000 kilomètres, soit trois fois le tour de la Terre, et le pays compte 800 STEP.
 
Dans un monde où la demande d’eau douce est en augmentation constante, et où les ressources hydriques limitées subissent de plus en plus de stress dû aux prélèvements excessifs, à la pollution et au changement climatique, négliger les opportunités que recèle la gestion des eaux résiduaires est tout simplement impensable, dans un contexte d’économie circulaire.
 
Le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau est le fruit de la collaboration des 31 entités des Nations Unies et des 37 partenaires internationaux qui constituent l’ONU-Eau. Jusqu’en 2012, le rapport, qui dressait un état des lieux exhaustif de l’état des ressources en eau dans le monde, était présenté tous les trois ans. Il est depuis 2014 annuel et thématique. Sa présentation coïncide désormais avec la Journée mondiale de l’eau dont la thématique est alignée sur celle du rapport.
Le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau est un rapport de l’ONU-Eau coordonné par le Programme mondial d’évaluation des ressources en eau de l’UNESCO.
 
 
 

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