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Plongée en aquaponie: retour aux sources

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En mars prochain, une mini-ferme aquaponique verra le jour à Genève : culture de végétaux en « symbiose » avec élevage de poissons qui pourrait constituer l’agriculture du futur. Un système vertueux qui permettrait de nourrir les grandes mégapoles en produits frais, sans gaspiller d’eau ni d’engrais. Une méthode millénaire qui s’inscrit parfaitement dans le sens d’une prise de conscience environnementale et devient de plus en plus populaire à travers la planète.
 
Ainsi que le raconte le journal suisse Le Courrier, l’association Exodes Urbains (1), active à Genève depuis février 2015 et membre de la Chambre de l’économie sociale et solidaire, prépare actuellement la création d’une mini-ferme aquaponique itinérante. Pour élever des poissons tilapias, cultiver salades, herbes aromatiques et fruits rouges, mais aussi pour rendre plus visible ce procédé peu connu. Car à quoi pourrait ressembler l’agriculture de demain ? Demain, lorsque nous seront bien plus nombreux, et une majorité à vivre en ville… Depuis quelque temps on voit fleurir des fermes verticales, des potagers sur les toits ou bien encore des bunkers agricoles qui forment ce que l’on appelle aujourd’hui l’agriculture urbaine, pour « remplacer » les fermes qui entouraient autrefois les grandes villes.  Alors pourquoi pas l’aquaponie ?

Culture hors-sol

Aquaponie. Ce mot est une contraction des termes «aquaculture» – élevage d’organismes aquatiques – et «hydroponie» – culture de plantes dans un substrat enrichi – qui permet de procéder à une culture dite « hors-sol » au moyen d’un circuit hydraulique. Le concept repose donc sur la symbiose entre ces deux techniques, une relation d’interdépendance se créant entre la production de plantes et de poissons. Un excellent moyen de cultiver ses propres légumes et plantes aromatiques à domicile même si on se trouve en appartement.
 
«Dans ce circuit fermé, le seul élément extérieur est la nourriture, qui peut être distribuée aux poissons à travers un appareil électrique avec minuteur», explique Sara de Maio, 23 ans, goégraphe-urbaniste, co-créatrice de cette ferme itinérante avec Julie Conti, diplômée en Hautes Etudes commerciales, toutes deux membres de l’association Exodes urbains. Les effluents de poissons (terme poétique pour désigner leurs déjections) vont servir d’engrais au végétal cultivé et seront transformés par des bactéries en nitrates. Cette eau enrichie nourrit les plantes, qui elles-mêmes filtrent l’eau, qui revient alors aux poissons claire et limpide. Le tout sans effort humain… 
 

(R)évolutions ?

Le procédé remonte à l’Antiquité, que les Mayas utilisaient déjà 2.000 ans avant notre ère et est pratiqué depuis sans interruption en Asie. Il fait l’objet ces dernières années d’un regain d’intérêt en Occident, surtout dans le cadre d’agricultures urbaines. Toujours selon Le Courrier, l’entreprise Philips vient d’annoncer qu’elle construirait un jardin aquaponique sur le toit de ses bureaux en Hollande, afin d’alimenter la cafétéria du personnel en poissons et végétaux. Sur internet, des défenseurs acharnés parlent même de redécouverte révolutionnaire, y voyant l’agriculture du futur et la solution alimentaire des pays pauvres. 
La population mondiale est de 7 milliards d’habitants sur terre. Demain (vers 2100), nous serons 10 milliards. Plus urbains aussi. Et il faudra nourrir tout ce beau monde….tout en préservant les ressources naturelles. 
 

A Paris aussi, dans le parc de Belleville dans le 20ème arrondissement parisien, Agnès Joly, Ingénieur en agro-alimentaire, cultive des fraisesElle est convaincue que l’aquaponie est une solution d’avenir à quantité de problèmes auxquels va être – et est déjà – confrontée l’agriculture à l’échelle planétaire.

Agnès a démarré le projet Aquaprimeur en 2013 à la Maison de l’Air, en plein cœur du parc de Belleville où elle a installé son « potager sur l’eau » tel qu’elle le définit. C’est un projet – qui comprend également un volet hydroponie (c’est-à-dire sans poisson) – réalisé avec le soutien de la mairie de Paris qui veut favoriser ce qu’elle appelle  « la végétalisation innovante ».
Agnès Joly compte d’ailleurs passer prochainement à la vitesse supérieure. Elle veut créer une SARL pour construire un centre d’expérimentation sur 1 000 m2. « Nous débuterons la commercialisation des produits courant 2016, mais, précise-t-elle, ce ne sera qu’une partie de l’activité d’Aquaprimeur ».

(Source: RFI – Mai 2015).
Photo : Des fraisiers sous serre à la Maison de l’Air, à Ménilmontant, Paris. ©Christophe Carmarans / RFI
 
Pouvant se pratiquer sur les terrasses des immeubles, dans les caves ou les garages, et même à la maison, l’aquaponie réduirait la distance entre lieux de production et de consommation, limitant ainsi considérablement la pollution liée aux transports. L’implantation au niveau local permet de réduire les transports, mais aussi de rapprocher le consommateur du producteur. «En Suisse, où 90% du poisson consommé est importé, la proposition pourrait être alléchante», note Julie Conti. Plus globalement, l’économie en eau est considérable : de 95% par rapport à la culture en terre. Ce qui pourrait en faire un système intéressant pour les régions où l’accès à l’eau est problématique.

LIRE AUSSI DANS UP : Une ferme en ville

Concernant l’élevage de poissons, l’aquaponie constituerait aussi une alternative intéressante au vu du rejet quasiment nul de polluants qu’elle engendre, contrairement à l’aquaculture classique où le traitement des déchets fécaux est un problème de taille, fermement dénoncé par Greenpeace dans sa campagne Oceans. «Avec la culture aquaponique, les problèmes deviennent donc des solutions : les déchets fécaux alimentent les plantes», complète Sara de Maio.

kits aquaponiques de qualité accessibles aux particuliers 

Quelles limites ?

S’il salue l’initiative locale de ces jeunes femmes, le biologiste genevois Jacques Falquet, spécialiste des cultures aquatiques, porte un regard plus sceptique sur l’engouement occidental à l’égard de la question aquaponique. Il y voit une dérive possible vers un «greenwashing» plus médiatique qu’écologique, ainsi que le risque de passer «au stade ultime de la transformation de l’agriculture en industrie. Avec un système capable de fonctionner complètement hors-sol, l’agriculteur traditionnel pourrait bien disparaître au profit du technicien.»
En effet, le fonctionnement de l’aquaponie paraît simple en apparence, mais en vérité est assez complexe. Trouver le bon équilibre entre les trois élevages, qui ont tous des préférendums différents (c’est-à-dire qu’ils atteignent leur développement optimum grâce à des températures ou éclairages différents, ndlr), prend du temps. Cet équilibre est pourtant indispensable pour atteindre une productivité élevée et un bon recyclage de l’eau, qui circule en cycle fermé et en continu.
Par ailleurs, le mécanisme de l’aquaponie lui-même interdit l’usage d’insecticides et d’antibiotiques, puisque ces derniers tueraient les bactéries, partie intégrante de l’écosystème. S’ajoutent d’autres contraintes pratiques : «A petite échelle, l’aquaponie peut être efficace. Mais si l’on veut appliquer ce mode de culture plus largement, des problèmes apparaissent, tels que des maladies ou des salissures. Deux solutions s’offrent alors : en rester à une petite production aquaponique, donc sans grand impact sur la pollution et la consommation d’eau, ou assurer la rentabilité de l’entreprise en utilisant des antibiotiques ou des produits chimiques, ce qui prétérite évidemment la qualité de la production.» Même constat chez Julie et Sara, qui visent surtout une promotion de l’aquaponie auprès des ménages à petite échelle. «Il ne s’agit en aucun cas de renoncer à l’agriculture traditionnelle,  mais bien de lui apporter un complément», précise Sara de Maio.

Quels risques ?

Selon le biologiste, «les systèmes d’aquaculture sont un risque réel en zones tropicales, où le risque de contamination est plus grand.» Et où, «surtout, la surchauffe des eaux implique une régulation par évaporation. Ce qui nécessite évidemment un nouvel apport d’eau, et réduit donc l’économie effective ! » Le climat impose donc ses limites, un problème auquel Julie et Sara ont été confrontées : «Nous voulions élever des perches, mais elles n’auraient pas résisté à la réalité d’un container installé sur un parking en plein été. Les tilapias rouges sont plus robustes», explique Julie, qui ajoute que ce poisson vietnamien, pouvant mesurer jusqu’à vingt centimètres, est savoureux lorsqu’il est bien nourri.
 
Enfin, peut-on parler de culture biologique à propos de l’aquaponie ?  «Oui et non», regrette Julie, expliquant que si la culture aquaponique ne nécessite théoriquement aucun intrant chimique, elle ne bénéficie pourtant pas du label «biologique», selon la réglementation européenne, et ce, uniquement car elle est classée dans la catégorie de culture hors-sol. 
 

(1) Un container en guise de champ
Dévoilé au public lors d’Alternatiba Léman en septembre passé, le projet d’Exodes Urbains a tout de suite plu. Il consiste en la mise sur pied d’une micro-ferme aquaponique sous la forme d’un container mobile de 15m2, qui sera situé de mars à octobre 2016 aux Grottes, en Suisse. Coiffé d’une serre, il abritera une cuve pour l’élevage d’une centaine de tilapias, surmontée d’un herbier contenant les végétaux et les fruits. Le tout relié à un système technique constitué d’une pompe et d’un filtre.
Conçu par l’artiste français Damien Chivialle et déjà présentée dans de nombreuses villes européennes, ce container adapté a séduit les membres d’Exodes Urbains, qui ont obtenu à force de culot le droit d’utiliser les plans du designer pour quelques centaines de francs. A la fois espace de production alimentaire urbaine, support de visibilité pour l’aquaponie et lieu de rencontres socio-pédagogiques, le container pourra parcourir la Suisse. «Le projet vise un impact à la fois environnemental et sociétal, en suscitant une réflexion sur les modes de production et de consommation alimentaire responsables», explique Sara. «Des ateliers didactiques seront aussi organisés pour petits et grands.»
Une récolte de fonds a été engagée en octobre passé, avec un objectif de 25000.- Frs. «En deux mois, nous avons recueilli 18000.- Frs, en dons et en prestations matérielles, dont un container habitable qui présente l’avantage d’avoir des fenêtres, permettant ainsi l’apport de lumière», se réjouit Julie. Du côté de la production, Sara et Julie estiment que le fruit de la récolte s’élèvera en octobre 2016 à 120 kilos de végétaux et 60 kilos de poissons. Elles ont elles-mêmes testé le procédé à partir d’une installation pour usage familial qui leur a coûté 65.- Frs, et qui leur offre des salades tous les deux mois. 

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Source : Le courrier.fr / Laura Hunter – Janvier 2016
 
 

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