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école Polytechnique

Quelle vocation pour Polytechnique au sein de l’Université Paris-Saclay ?

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Nouveau cap pour Polytechnique. Les tutelles de l’Etat – après analyse du rapport de Bernard Attali – enjoignent la grande Ecole militaire à s’ouvrir aux logiques internationales. Ses atouts sont à conjuguer avec ses partenaires de l’Université Paris-Saclay mais pas question d’intégration : la marque prestigieuse veut garder son autonomie et rester visible. 
 
Le navire amiral de l’école Polytechnique est dans la tempête. Après quarante années de croisière, l’Ecole bicentenaire a reçu sa nouvelle feuille de route ce 14 décembre 2015. Trois ministres de tutelle – Jean-Yves Le Drian, Ministre de la défense, Emmanuel Macron, Ministre de l’Economie, de l’industrie et du numérique et Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche – se sont déplacés sur le plateau de Saclay pour signifier un regain d’engagement de l’Etat. Ainsi fut dévoilé le plan stratégique qui doit venir préciser les évolutions de l’X et sa place au sein de la  communauté d’universités et établissements pluridisciplinaires (Comue). 
 
 
Il fallait « choisir entre la réinvention d’un modèle français ou l’engagement à armes égales dans la compétition mondiale », selon les termes du rapport du député républicain François Cornut-Gentille présenté le 1er septembre 2014 qui posait un sévère diagnostic : « La difficulté de l’État à définir une stratégie et une ambition dans les domaines scientifiques, techniques et industriels depuis plusieurs décennies est source d’affaiblissement pour Polytechnique ».
La tension est d’autant plus grande que la Comue doit déposer son deuxième projet de candidature pour la seconde vague des Initiatives d’excellence, dites Idex, dont le dépôt de dossier a lieu ce mardi 22 décembre à 13h au plus tard.

Stratégie internationale 

Le cap choisi est clairement de refondre le modèle polytechnicien pour s’aligner aux stratégies des leaders universitaires que sont Stanford, EPFL, Technion, Oxford. Néanmoins, on est loin d’un alignement aux 74 propositions qu’avait faites Bernard Attali dans son rapport « L’X dans une nouvelle dimension » publié en juin 2015. Pas de suppression de la solde qui va sembler de plus en plus anachronique avec le système de la pantoufle (voir ci-dessous)  qui porte en elle  les germes d’une crise de légitimité de l’École. Pas de fusion avec les neuf autres grandes Ecoles (CentraleSupélec, Mines ParisTech, l’École des ponts ParisTech, l’Ensta ParisTech, Télécom ParisTech, l’Ensae ParisTech, AgroParisTech, l’Institut d’Optique Graduate School et l’ENS Cachan ) « pour former l’Ecole Polytechnique de Paris ». 
Les ministres tiennent à garder la biodiversité des grandes Ecoles du plateau et préconisent de former le « pôle d ‘ingénierie de Paris-Saclay » en cosignant avec ses homologues un accord de coopération à l’instar de l’accord signé avec ENSAE pour partager les enseignements. « C’est d’une fédération d’écoles dont nous avons besoin, » a déclaré Emmanuel Macron, insistant sur le délai fixé au 15 mars 2016, pour que chaque établissement remette  son « schéma de pôle d’excellence » contenant sa feuille de route sur cinq ans. On ne sait pas encore quelle forme pourra prendre la « labellisation de ce regroupement » souhaité par Emmanuel Macron. 
 
La réforme se décline en trois volets : renforcement des relations avec l’Etat, diversification des formations et soutien à la recherche, relations avec le territoire. Elle consiste d’abord en une rallonge budgétaire pour l’Ecole Polytechnique de 60 millions sur cinq ans qui viendront s’ajouter au budget annuel de 70 millions. Les ministres demandent à l’X de renforcer ses enseignements sur la guerre, en matière tactique et géopolitique. Ils préconisent la création d’un pôle d’études de guerre au sein du département humanités et sciences sociales de l’X, en lien avec l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN réuni en colloque ce 16 décembre pour le colloque annuel de la Chaire Economie de la défense). Les promotions seront progressivement plus nombreuses passant de 400 à 450 étudiants par an dont 150 étrangers.
L’Etat souhaite mieux gérer l’essaimage des ingénieurs de l’Etat dans les fonctions publiques territoriales, hospitalières, européennes. Il préconise un suivi des candidats avec évaluation du projet professionnel et entretiens systématiques avec les corps recruteurs. 

Offre de formations diversifiées 

Mais le visage de Polytechnique devrait surtout changer avec la création de filières inédites copiées sur celles qu’on trouve sur le marché international. Tout d’abord, l’Ecole devra mettre en place un cycle « bachelor » très sélectif, sur trois ans, accessible aux étudiants post bac français mais à 60% recruté à l’international (sur dossier). Les promotions seront de 150 étudiants par an (à partir de la rentrée 2018). « Il s’agit de contrer la fuite des jeunes les plus brillants vers les formations de Lausanne, Cambridge ou Harvard, signale Bernard Attali qui rapporte le témoignage du proviseur de Louis Le Grand mentionnant le départ de soixante des meilleurs élèves vers l’étranger. Un internat de boursier suivant les classes préparatoires de Versailles, Orsay (Blaise Pascal) ou Sceaux (Lakanal) sera ouvert pour 60 élèves bénéficiant d’un tutorat assurés par des étudiants polytechniciens. A la rentrée 2016, l’Ecole Polytechnique proposera des cursus conférant grade de master, en anglais, distincte de l’offre de masters de l’Université Paris-Saclay et résolument tournés vers l’entreprise. 
Ces formations seront payantes selon les tarifs pratiqués à l’international (10 à 12 000 € par an). Elles seront assorties de nouveaux parcours en formation continue à l’intention des décideurs publics, dans le domaine des technologies dites « disruptives » au sein de la filiale « exécutive education ».  L’Ecole polytechnique devrait aussi multiplier par dix le nombre de MOOCS disponibles d’ici 2025. 
 
Sur le plan de la recherche, c’est l’attractivité qui est en ligne de mire ainsi que la pluridisciplinarité. Un responsable du développement des sciences de la vie sera nommé au sein de l’Ecole Polytechnique. Si la marque « Polytechnique » est encouragée, les classements par Times ou QS seront aussi toujours recherchés par l’X. La notoriété sera aussi tirée par la force de frappe industrielle qui sous-tend les 17 chaires qui impliquent aujourd’hui une vingtaine d’entreprises. Favoriser l’entrepreneuriat est une priorité qu’illustre la création de l’accélérateur X-UP en 2015. Il s’agit de poursuivre la dynamique de créations d’entreprises : depuis 2010, les élèves et anciens élèves de l’X ont lancé 175 start-up. Denis Ranque, président de la Fondation de l’X (President du CA du Groupe Airbus) a salué l’ouverture vers l’entreprise des grandes Ecoles et les collaborations qui s’amorcent avec Jean Bernard Levy qui dirige l’Institut Mines Telecom ainsi que Jean-Pierre Duprieu, président de la Fondation AgroParisTech. 

Communauté ou fédération ? 

Interrogé sur ces stratégies, le président de Polytechnique, Jacques Biot,  a souligné « le modèle nouveau de coopération entre ensembles qui se respectent, condition du rayonnement industriel de la France ».  « Il s’agit de conjuguer les potentiels pas d’intégration », a précisé Thierry Mandon. La nuance est de taille quand on sait les tensions croissantes qui opposent la direction de l’Université Paris Saclay et l’Ecole Polytechnique. Une crispation se développe au sujet du modèle de l’université en construction : Ira-t-on vers une structure intégrée, avec directions et financements communs, ou bien vers une « confédération » d’écoles et universités, qui ne porterait qu’un label « Paris-Saclay » sans plus de prérogatives ? 
 
Le sénateur Michel Berson, co-rapporteur d’une mission de la commission des finances du Sénat sur le financement et le pilotage du projet de cluster, a pour ainsi dire mis les pieds le plat, en présentant son bilan d’étape à la presse le 7 octobre dernier. Celui-ci pointe de graves lacunes dans la définition du projet Paris-Saclay et sa lisibilité : « le débat entre membres y est plutôt tendu, et la nature scientifique du projet reste imprécise. Ce sont des enjeux considérables car l’université sera différente si c’est une confédération ou bien si il y a une véritable intégration ».
 
« Les écoles freinent des quatre fers pour ne pas perdre leur identité » décrit Quentin Degez, représentant étudiant au Conseil d’administration (CA) de la Comue. Attestant de la crise qui couve au sein de la superstructure, Gilles Bloch président de l’Université Paris Saclay,  s’est exprimé dans les colonnes de l’agence AEF et s’est dit « inquiet du désengagement possible de certains établissements si nous n’allons pas de l’avant ». Il a pointé la difficulté « à construire un consensus sur un modèle d’évolution possible, parce que les positions sont trop tranchées. On ne travaille plus sur une intégration des modèles ». 
 

Une « association multilatérale » entre écoles 
Ces tensions sont en effet montées d’un cran  après que la feuille de route de l’Ecole Polytechnique pour les prochaines années ait été dévoilée par son ministre de tutelle Jean-Yves Le Drian. Le ministère de la Défense a ainsi défendu une refonte de l’X, en y intégrant un ‘bachelor’ post-bac et en traçant les contours d’un futur « pôle d’excellence » d’écoles d’ingénieurs au sein de Paris-Saclay. « C’est un modèle d’association multilatérale entre écoles, avec un premier cercle composé de Polytechnique, l’Ensae, AgroParisTech, Centrale, l’Ensta et Télécom, puis un second cercle avec le Ponts et les Mines, et un troisième avec l’Isae de Toulouse » a détaillé un conseiller du ministre. 
Des annonces qui ont fait fait bondir plus d’un acteur du cluster, en premier lieu desquels le président de l’université Paris-Sud Jacques Bittoun, qui mise gros dans l’aventure. Dans un message à ses personnels, celui-ci s’est dit « révolté » d’apprendre le cap fixé par l’X : « les déclarations que 2 ministres importants du gouvernement ont fait à l’Ecole polytechnique [mettent] en péril le projet d’Université Paris-Saclay ». Très remonté, il s’en prend au soutien affiché par les membres du gouvernement au cavalier seul de Polytechnique, n’hésitant pas à affirmer que « contrairement à ce que peuvent laisser penser les interventions ministérielles, l’excellence, la qualité de la formation et la promotion sociale se trouvent, avant tout, dans notre Université ».
(Source : Essonne info)

Créer de l’intelligence collective au service d’intérêts communs

La volonté d’indépendance de l’Ecole Polytechnique peut-elle menacer la cohésion de la Comue ? Est-on aujourd’hui au bord de l’implosion de Paris Saclay ? « Chacun avance encore trop dans son coin, estime Emmanuel Macron, mais il est important de mutualiser encore davantage et de générer une gouvernance équilibrée, laissant de côté le système de l’unanimité qui est une source de blocage quasi-systématique. « 
Gilles Bloch évoque la possibilité de « deux cercles concentriques, le premier avec des établissements plus intégrés, le second un peu moins ». Une sorte de solution intermédiaire qui conviendrait à tout le monde ? « On est au début du commencement de quelque chose. Au-delà de coller des bâtiments les uns aux autres, nous devons définir comment nous voulons créer de l’intelligence collective avec l’université Paris-Saclay » indique Yves Levi, professeur à l’UFR de pharmacie de Paris-Sud et élu Snesup au CA de la Comue. Ce dernier pense que « tout le monde a des intérêts communs » au sein de cette université hybride mais regrette « tous les jeux de pouvoir » qui s’y jouent. 
 
 
Chacun en convient, le projet de Paris Saclay n’a pas encore d’identité, ne se nourrit pas d’une vision de l’avenir. Pas de politique d’innovation colorée qui pointerait des défis prioritaires. Jacques Biot insiste sur les atouts de Polytechnique en terme de Big data, d’objets connectés.  Il précise que l’économie doit se faire plus concrète, et l’on pense en effet à la chaire que Gaël Giraud et Jean-Pierre Poissard mettent en place sur Economie et prospérité. Mais on attend autre chose que la formule d’ « innovation de rupture »  d’Emmanuel Macron pour « envisager  le futur ». 
Et si l’on proposait à un panel d’ingénieurs et étudiants issus du plateau de plancher sur cette vision Saclay 2020 ? 
 

Solde et Pantoufle à Polytechnique
Officiers sous contrat, les élèves polytechniciens perçoivent une solde spéciale (473,10 euros net) et une indemnité représentative de frais à partir du 9ème mois (411,44 euros). Les élèves bénéficient d’une couverture sociale et leur temps de scolarité crée des droits qu’ils pourront ensuite faire valoir dans le calcul de leur retraite. Ce statut, privilégié pour des élèves d’une école d’enseignement supérieur, a été réaffirmé par la loi du 15 juillet 1970 « sous réserve du remboursement des frais d’entretien et d’études, dans les cas et les conditions fixées par décret en Conseil d’État », la célèbre Pantoufle.

 
 

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