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Confinement, Covid-19 : une concertation démocratique s’impose désormais

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Il serait inconséquent d’engager maintenant une critique à l’égard des instances publiques qui, ne serait-ce que par précaution, auraient pu intégrer l’éventualité d’une crise sanitaire d’ampleur à leurs prospectives. Apparemment rien ne nous préparait au Covid-19 parce que personne n’y croyait. Nous apprenons beaucoup de ces moments de souffrance, d’inquiétude mais aussi d’engagements et de don de soi. S’il y avait dans un premier temps urgence à agir, l’importance est désormais d’associer les citoyens aux délibérations de l’après, de développer une pédagogie de la responsabilité partagée. L’acceptabilité des mesures de sortie encadrées et progressives de la phase aigüe de la crise, ne pourra pas s’envisager sans créer les conditions d’un débat public, sous une forme à définir au plus vite.

Associer les citoyens aux délibérations

Ce qui aura manqué ces dernières semaines c’est une véritable considération à l’égard d’une expertise de terrain, de ces réalités « du front » qui aspiraient davantage à être prises au sérieux dans ce dont elles témoignaient, qu’à bénéficier d’hommages obligés. Il est évident que s’agissant des choix politiques qui détermineront notre vie sociale au moins ces prochains mois, l’exigence de démocratisation des arbitrages conditionnera leur recevabilité. Nous ne pourrons pas admettre des mesures imposées sur un temps indéterminé, relevant d’expertises qui ne tiendraient pas compte d’idées, d’expériences, d’attentes mais également de besoins, d’inquiétudes, d’obstacles et de réticences légitimes. D’évidence, ce qui aura manqué ces dernières semaines c’est une véritable considération à l’égard d’une expertise de terrain, de ces réalités « du front » qui aspiraient davantage à être prises au sérieux dans ce dont elles témoignaient, qu’à bénéficier d’hommages obligés.

Les logiques du triage doivent être discutées

Les « pratiques dégradées » ont imposé à tant de niveaux décisionnels les logiques du triage, sans même que les choix aient pu s’établir selon des règles explicites.Les menaces de contamination et les contraintes du confinement ne nous défaussent pas d’une analyse critique de ce qui a été décidé, trop souvent pas défaut, afin de parer l’impréparation. Tant d’espaces relégués de notre société ont vécu l’inacceptable : les établissements accueillant les personnes en situation de handicap, de précarité sociale, les hôpitaux psychiatriques ou les lieux de détention. Jamais les plus isolés et les personnes sans abri n’ont éprouvé semblable exil.

Les « pratiques dégradées » ont imposé à tant de niveaux décisionnels les logiques du triage, sans même que les choix aient pu s’établir selon des règles explicites.

Si le réanimateur est habitué à décider de la justification d’entreprendre ou non une réanimation selon des données scientifiques, il en est différemment lorsque le manque de lits disponibles ou d’équipements peut le contraindre à ne pas réanimer une personne qui aurait pu être sauvée en temps normal. En situation de pandémie, ne convient-il pas de discuter publiquement des critères acceptables dans la hiérarchisation de nos priorités sociales ? Qu’en est-il du respect de la personne dans sa dignité, son intégrité et sa sphère privée si l’on attente, pour des raisons estimées supérieures à ses droits fondamentaux ?

Discuter des conditions de sortie du confinement

Des doutes s’expriment déjà sur ce que seront le bien fondé et l’acceptabilité des dispositifs de sortie du confinement s’ils ne relevaient que de règles administratives.En début de crise, des procédures ont été édictées par les autorités administratives sans trouver le temps de les accompagner par un minimum de concertation, limitant l’information à quelques préconisations au même titre que l’accès aux moyens indispensables à leur mise en œuvre.

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À vouloir être prescriptif en tout, selon des normes contraignantes fixées dans l’urgence, ces instances ont pris la responsabilité d’assumer en tout et pour tous des arbitrages à la fois inédits, complexes et incertains. Elles ne pouvaient dès lors que s’exposer directement à certaines défiances, ne serait-ce que du fait de l’inadéquation entre certaines mesures édictées et les conditions pratiques de leur applicabilité.

Des affirmations péremptoires, et pas seulement à propos du recours préventifs des masques, ont été contestées du fait de leurs justifications aléatoires, conjoncturelles et évolutives. La crédibilité publique en a été profondément affectée. Des doutes s’expriment déjà sur ce que seront le bien fondé et l’acceptabilité des dispositifs de sortie du confinement s’ils ne relevaient que de règles administratives décidées au nom d’une compétence ou d’une expertise qui ne se justifieraient pas et ne se discuteraient pas.

Autant la puissance publique est légitime à mettre en œuvre une politique cohérente et volontariste de lutte contre cette pandémie, autant confrontée à l’inconnu et à des menaces qui ne peuvent être contrées qu’en faisant société, il lui faut comprendre que c’est ensemble que doit se penser notre mobilisation.

Faire enfin confiance à l’expertise de terrain

Que l’on fasse confiance à l’expérience, à l’expertise et à l’agilité des professionnels, des membres d’associations, de nos corps intermédiaires, au même titre qu’à notre intelligence collective !Même en situation de crise, la concertation s’impose donc dans l’arbitrage des décisions. Que l’on ne justifie pas de mesures arbitraires par un manque de temps, alors que la responsabilité du déficit d’anticipation ne peut pas être imputée à ceux qui en subissent les plus lourdes conséquences. Que l’on fasse confiance à l’expérience, à l’expertise et à l’agilité des professionnels, des membres d’associations, de nos corps intermédiaires, au même titre qu’à notre intelligence collective !

J’avais proposé en 2006 des États généraux consacrés aux préparatifs du H1N1, afin de sensibiliser la société aux enjeux de santé publique et de l’associer à une réflexion portant sur la priorisation des choix en situation extrême. S’il est indispensable d’être assuré que les arbitrages se font selon des règles transparentes, de justice et dans la loyauté, encore doit-on déterminer dans le cadre d’une concertation publique les principes à mobiliser dans les décisions et les instances de contrôles qui en seront garantes. En 2020 je renouvelle cette demande.

Les responsables de l’État ont pris l’engagement de n’abandonner personne sur le bord du chemin dont on comprend qu’il est davantage périlleux pour ceux qui sont le plus en difficulté face aux conséquences humaines et sociales du Covid-19. Il leur faudra tenir leurs engagements. Nous devons penser ensemble, soutenir et accompagner les décisions politiques qui imposeront des contraintes que chacun devra partager.

Je suis fier de la force de notre démocratie dans sa confrontation aux aspects humains et sociaux de la pandémie. Notre nation se révèle dans ces circonstances qui d’une certaine manière la mettent à nue, en dévoilent ce qui lui est constitutif. Nous découvrons avec d’autant plus d’étonnement ce dont les récentes crises sociales pouvaient nous inciter à douter. Nous faisons société. Notre cohésion s’exprime et se renforce à travers nombre d’initiatives responsables, d’actes de solidarité, de manifestation de sollicitude à l’égard des plus vulnérables parmi nous.

Décider ensemble de l’après

C’est en démocrates qu’il nous faut vivre ce temps de pandémie, assumer nos responsabilités et réfléchir à ce que sera notre société après.

S’il y a des leçons à tirer, elles nous engageront collectivement. Il convient de tout faire pour que le Covid-19 ne contamine pas notre vie démocratique alors qu’il doit au contraire en aviver les significations.

C’est pourquoi l’autre urgence est d’envisager dès à présent une concertation nationale, portant notamment sur les modalités de sortie du confinement, sur le recours aux tests et les conditions de leur mise en œuvre, sur les mesures d’accompagnement des situations exposant aux précarités sociales et aux vulnérabilités économiques, sur l’anticipation des dispositifs indispensables à la prévention d’un prochain épisode épidémique ou de toute autre crise sanitaire.

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Surmonter le Covid-19 et refonder notre modèle social ne sera possible que si le principe de confiance est au cœur de l’action publique. Chacun doit être reconnu dans sa capacité de contribuer à l’arbitrage des choix collectifs dont il devra assumer la responsabilité dans ses engagements. La concertation saura d’autant plus intense et contributive que nombre d’entre nous ne demandent qu’à partager leurs réflexions, à aller plus avant encore dans leurs initiatives solidaires, et à contribuer en démocrates au bien commun.

Emmanuel Hirsch, Professeur d’éthique médicale, Faculté de médecine – Président du Conseil pour l’éthique de la recherche et l’intégrité scientifique de l’Université Paris-Saclay
Directeur de l’Espace éthique de la région Île-de-France

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