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Covid-19 : Le problème aurait-il été pris à l’envers ?

Covid-19 : Le problème aurait-il été pris à l’envers ?

Les patients meurent d’un problème de coagulation du sang et pas seulement d’affection respiratoire aiguë

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Quand l’épidémie de coronavirus a commencé — c’était il y a seulement quelques semaines qui paraissent aujourd’hui des siècles — les médecins se sentaient relativement confiants, croyant savoir à qui ils avaient affaire. D’après les premiers rapports médicaux, le coronavirus semblait être un virus respiratoire de type standard, bien que très contagieux et mortel, sans vaccin ni traitement. Mais depuis, ils sont de plus en plus convaincus que le Covid-19 attaque non seulement les poumons, mais aussi les reins, le cœur, les intestins, le foie et le cerveau. Ils découvrent aujourd’hui que le virus produit une mystérieuse coagulation du sang, qui tue les patients atteints. Ce virus s’avère décidément beaucoup plus effrayant qu’on ne le pensait.

Un reportage publié dans le Washington Post nous apprend que de nombreux médecins signalent des cas bizarres et troublants qui ne semblent pas avoir été répertoriés dans la littérature médicale sur les coronavirus et les affections respiratoires. Ils décrivent des patients qui présentent un taux d’oxygène étonnamment bas — si bas qu’ils seraient normalement inconscients ou proches de la mort — mais qui continuent à discuter normalement ou passer des appels sur leur téléphone, comme d’habitude. Des femmes enceintes asymptomatiques se retrouvent en arrêt cardiaque soudain. Des patients qui, selon tous les diagnostics conventionnels, semblent présenter une forme très légère de la maladie, mais dont l’état se détériore en quelques minutes et qui meurent à la maison.

Les médecins ne voient dans les patients concernés par ces troubles bizarres aucune corrélation liée à l’âge ou à la présence de maladies chroniques. Ils sont dans le brouillard le plus complet et certains scientifiques émettent maintenant l’hypothèse qu’au moins certaines de ces anomalies peuvent s’expliquer par de graves changements dans le sang des patients.

L’inquiétude est telle que certains groupes de médecins ont évoqué la possibilité controversée de donner des anticoagulants préventifs à toutes les personnes atteintes du covid-19 – même à celles qui sont suffisamment bien pour supporter leur maladie à domicile.

Les médecins sont perplexes et ont peur

Les médecins sont perplexes devant ces changements d’état du sang de certains patients. Ils constatent la formation de caillots de sang, présentant l’aspect d’un gel, ce qui en soit est intriguant. En effet, dans des affections comme Ébola, la dengue, ou d’autres fièvres hémorragiques, la coagulation du sang ne se fait pas correctement, provoquant des saignements incontrôlés. Or des autopsies effectuées sur des personnes atteintes du Covid-19 ont révélé des quantités importantes de micro-caillots dans le sang. Ces petits caillots errent dans l’organisme, se rassemblent et forment des caillots plus gros pouvant se déplacer vers le cerveau ou le cœur, provoquant un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque brutale.

Ces minuscules caillots de sang pourraient également être responsables de l’un des symptômes uniques de Covid-19 : une perte soudaine de l’odorat, suggère le Dr Jeanne Marrazzo, professeur de maladies infectieuses à l’Université d’Alabama à Birmingham. Cela pourrait également expliquer pourquoi des patients qui semblent aller bien s’effondrent soudainement.

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« Nous ne savons pas. Et donc, nous avons peur. »Le Dr Lewis Kaplan, médecin de l’Université de Pennsylvanie et directeur de la Société américaine de médecine des soins intensifs, a déclaré au Washington Post que, chaque année, les médecins traitent une grande variété de personnes souffrant de complications liées à la coagulation, depuis les cancéreux jusqu’aux victimes de traumatismes graves, « et ils ne coagulent pas comme ça« . Il poursuit : « Le problème que nous avons est que si nous comprenons qu’il y a un caillot, nous ne comprenons pas encore pourquoi il y a un caillot. Nous ne savons pas. Et donc, nous avons peur.« 

Une mystérieuse complication liée à la coagulation du sang

Les premiers signes qu’ont détectés les médecins —essentiellement américains — sont des anomalies aux jambes des patients. Celles-ci devenaient bleues et gonflaient. Même les patients qui étaient sous anticoagulants pour d’autres pathologies développaient des caillots dans leur sang. Les unités de soins intensifs américaines ont constaté de nombreux cas similaires en même temps. Le phénomène est si violent que les appareils de dialyse utilisés dans ces unités de soins pour filtrer les impuretés du sang quand les reins sont défaillants, se retrouvaient bouchés plusieurs fois par jour par ces caillots.

En ouvrant les poumons de patients décédés les médecins ont trouvé de minuscules caillots partout.Ensuite, il y a eu les autopsies. En ouvrant les poumons de patients décédés, les médecins s’attendaient à trouver des traces de pneumonie et constater des dommages aux minuscules sacs d’air qui échangent de l’oxygène et du dioxyde de carbone entre les poumons et le sang. Au lieu de cela, ils ont trouvé de minuscules caillots partout.

Un phénomène que les médecins retrouvent dans de nombreuses unités de soins aux États-Unis. Ils échangent abondamment entre eux mais ne sont pas parvenus à établir un consensus sur la biologie et les raisons de cette situation et surtout sur ce qui pourrait être fait pour y remédier. Beaucoup en sont venus à penser que les caillots pourraient être responsables d’une part importante des décès dus au coronavirus aux États-Unis – ce qui pourrait expliquer pourquoi tant de gens meurent chez eux.

Mais cette situation est également apparue dans d’autres pays. On l’apprend progressivement maintenant. En observant les études et les rapports réalisés par les médecins chinois ou italiens, on s’aperçoit qu’ils ont bien relevé ce phénomène, mais qu’il fait l’objet de simples notes de bas de page dans leurs comptes-rendus.  Leurs échanges et appels d’information étaient focalisées sur ce qui leur semblait essentiel : les effets de la maladie sur les poumons. 

Helen W. Boucher, spécialiste des maladies infectieuses au Tufts Medical Center, estime qu’il n’y a aucune raison de penser que le virus est différent aux États-Unis. Il est plus probable, dit-elle, que le problème soit plus évident pour les médecins américains en raison de la démographie unique des patients américains, dont un grand pourcentage souffre de maladies cardiaques et d’obésité qui les rendent plus vulnérables aux ravages des caillots sanguins. Elle note également des différences de méthodes dans le suivi et le traitement des patients dans les unités de soins intensifs, ce qui rendrait dans certains cas les caillots plus faciles à détecter.

Une des principales causes de décès

Le système circulatoire ou cardiovasculaire du corps est souvent décrit comme un réseau de rues à sens unique qui relie le cœur à d’autres organes. Le sang est le système de transport, responsable de l’acheminement des nutriments vers les cellules et de l’évacuation des déchets. Un simple rhume ou une coupure au doigt peuvent entraîner des changements qui aident à réparer les dommages, mais lorsque le corps subit un traumatisme plus important, le sang peut réagir de manière excessive, entraînant un déséquilibre qui peut provoquer des caillots ou des saignements excessifs – et parfois les deux.

Les scientifiques appellent cela un « dérèglement hémostatique ».

Harlan Krumholz, cardiologue au centre hospitalier de Yale-New Haven, affirme que personne ne sait si les complications sanguines sont le résultat d’une attaque directe des vaisseaux sanguins, ou d’une réponse inflammatoire hyperactive au virus par le système immunitaire du patient. « Une des théories est qu’une fois que l’organisme est ainsi engagé dans une lutte contre un envahisseur, le corps commence à consommer les facteurs de coagulation, ce qui peut entraîner soit des caillots sanguins, soit des saignements. Dans le cas d’Ébola, l’équilibre était plutôt en faveur des saignements. Dans le Covid-19, c’est plus des caillots de sang« , explique-t-il.

Une étude néerlandaise publiée le 10 avril dans la revue Thrombosis Research a fourni davantage de preuves sur la fréquence d’apparition de ce problème, en constatant que, parmi 184 patients atteints de Covid-19 dans une unité de soins intensifs, 38 % avaient du sang qui coagulait anormalement. Les chercheurs ont qualifié cette estimation de « prudente » car de nombreux patients étaient encore hospitalisés et risquaient de nouvelles complications.

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Les premières données en provenance de Chine sur un échantillon de 183 patients ont montré que plus de 70 % des patients décédés des suites du Covid-19 avaient de petits caillots qui se développaient dans tout leur système sanguin.

Bien que le syndrome de détresse respiratoire aiguë semble toujours être la principale cause de décès chez les patients atteints de Covid-19, les complications sanguines ne sont pas loin derrière pensent les médecins. Ce serait même l’une des trois principales causes de décès et de détérioration chez les patients malades du coronavirus.

Changer la gestion de la maladie

Cette découverte incite de nombreux hôpitaux à changer leur façon de penser et de gérer la maladie. Lorsque le nouveau coronavirus a fait son apparition, les Centers for Disease Control and Prevention et d’autres organismes similaires ont placé les asthmatiques en tête de leur liste des personnes les plus vulnérables. Mais récemment, des chercheurs européens ont noté dans la revue Lancet qu’il était « frappant » de constater à quel point les patients asthmatiques étaient sous-représentés. Au début de ce mois, lorsque l’État de New York a publié des données sur les principaux problèmes de santé chroniques des personnes décédées des suites du Covid-19, l’asthme ne figurait pas parmi eux. Il s’agissait plutôt de presque toutes les maladies cardiovasculaires.

Certains centres médicaux ont récemment commencé à donner à tous les patients hospitalisés atteints de Covid-19 de petites doses d’anticoagulants à titre préventif, et beaucoup ajustent les doses à la hausse pour les plus gravement malades. Le défi est que plus on en donne, plus le danger de bouleverser l’équilibre dans l’autre sens et de faire saigner le patient est grand.

Les femmes enceintes concernées par ce risque

Un autre grand mystère que les médecins espèrent voir éclaircir grâce à la question du sang est de savoir pourquoi certaines patientes en maternité voient leur état de santé s’effondrer pendant ou après l’accouchement.

Un article publié dans l’American Journal of Obstetrics & Gynecology fin mars a détaillé comment deux femmes ne présentant aucun symptôme antérieur de covid-19 se sont retrouvées en soins intensifs. La première était une patiente de 38 ans du centre médical Irving de l’université de New York, qui a fait une fièvre de 38,5° pendant un accouchement par césarienne et a commencé à saigner abondamment. La deuxième femme, 33 ans, a également subi une césarienne. Mais le lendemain, elle a développé une toux qui a évolué vers une détresse respiratoire. Son cœur a commencé à battre irrégulièrement et sa tension artérielle a grimpé jusqu’à 200/90.

Plusieurs médecins-chercheurs ont déclaré que la relation entre le Covid-19, la coagulation et les femmes enceintes est « un domaine d’intérêt ». Les femmes qui accouchent ont toujours connu des complications de coagulation et de saignement en raison de l’implication du placenta riche en sang, mais il est possible que le Covid-19 déclenche des cas supplémentaires en faisant « perdre l’équilibre » au corps de certaines femmes. « Il y a beaucoup de spéculations« , déclare le Dr Krumholz. « C’est l’une des choses les plus frustrantes de ce virus. Nous sommes encore dans l’obscurité.« 

Le problème aurait-il été pris à l’envers ?

Si cette découverte de la présence de caillots de sang liés au Covid-19 était comprise parfaitement, elle entraînerait un changement de paradigme dans le traitement de la maladie. En effet, le coronavirus ne provoquerait pas directement de syndrome respiratoire aigu mais plutôt un trouble hypoxémique vasculaire, c’est-à-dire un manque d’oxygène dans le sang provoquant des thrombo-embolies diffuses, autrement dit des caillots dans les vaisseaux. En clair, le Covid-19 serait avant tout un problème cardiovasculaire et non pulmonaire.

Le Covid-19 serait avant tout un problème cardiovasculaire et non pulmonaireLa mort serait causée par une thrombo-embolie veineuse généralisée, principalement située dans les poumons. Si ce cas est avéré, cela voudrait dire que les efforts faits pour ventiler les poumons des malades par des respirateurs artificiels sont vains — une grande majorité de personnes ne survit d’ailleurs pas à ce protocole—puisque le sang ne parvient pas à arriver jusqu’aux poumons. Avant d’intuber les patients, certains médecins se demandent s’il ne faudrait pas d’abord dissoudre ou prévenir ces thrombo-embolies.

Cela semble logique mais pourrait entraîner des effets indésirables non maîtrisables. En effet, une étude récente publiée dans la revue Physiological Reviews a noté que les personnes ayant déjà des niveaux élevés de plasmine, une enzyme clé qui décompose les caillots sanguins, ont tendance à avoir une infection Covid-19 plus grave.

La plasmine semble aider le coronavirus à se lier plus facilement aux cellules humaines, explique le Dr Hong-Long Ji, professeur de biologie cellulaire et moléculaire au Centre des sciences de la santé de l’Université du Texas. Si cela est vrai, l’utilisation de médicaments anti-coagulants pour traiter le Covid-19 pourrait se retourner contre les patients en renforçant leur infection, alerte-t-il. « Si vous donnez au patient de la plasmine ou d’autres types de protéines pour éliminer les caillots, le problème est que ce patient a toujours un virus dans son corps et qu’il a également un problème de saignement dans tous les organes importants« . Nous passerions alors de Charybde en Scylla.

Selon une dépêche de l’agence Reuters du 22 avril,  la Société américaine d’hématologie, qui a également constaté la formation de caillots, déclare dans ses conseils aux médecins que les avantages du traitement anticoagulant pour les patients Covid-19 ne montrant pas déjà de signes de coagulation sont « actuellement inconnus« .

Sources : Washington Post, MedicineNet, Reuters

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pascalcourant@hotmail.fr
3 années

ça fait froid dans le dos

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