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Covid-19 : c’est fini ou pas ?

Covid-19 : c’est fini ou pas ?

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Réanimations, décès, contaminations… Près de 15 jours après le déconfinement, ces indicateurs sont plutôt positifs. Pourtant, les autorités jugent qu’il est trop tôt pour en tirer des conclusions. Et ce, malgré l’avis de scientifiques qui n’hésitent plus à dire que l’épidémie de Covid-19 est derrière nous. D’autant que de nouvelles études évoquent l’éventualité qu’une partie beaucoup plus importante que prévu de la population est d’ores et déjà immunisée. Une fin de déconfinement laborieuse, qui promet une éclosion de controverses et révélations sur la nature de la relation entre certains scientifiques et politiques.

Tous les indicateurs à la baisse

Premier indicateur crucial, les admissions en réanimation. Leur « nombre journalier (…) est toujours en diminution depuis le 8 avril« , souligne l’agence Santé publique France dans son dernier bulletin, publié le 21 mai.

Actuellement, environ 1 700 malades sont hospitalisés en réanimation pour une forme sévère de Covid-19, selon les derniers chiffres du ministère de la Santé. Ils étaient 2 200 une semaine auparavant, et 7 148 le 8 avril pour le plus haut total jamais atteint (on était alors en plein confinement, appliqué du 17 mars au 11 mai).

De même, les décès sont en baisse régulière. Entre jeudi et vendredi dernier, 74 malades du Covid-19 sont morts dans les hôpitaux (sans compter les décès dans les Ehpad et établissements pour handicapés). On est très loin des bilans quotidiens de début avril : entre le 5 et le 6 avril, on relevait plus de 600 décès rien qu’à l’hôpital.

Au total, plus de 28 000 personnes sont mortes en lien avec le Covid-19. Partout en France, cette épidémie s’est accompagnée d’un excès de mortalité, souligne Santé publique France. Cela a été « particulièrement marqué dans les régions Grand Est et Ile-de-France » et durant la période du 16 mars au 26 avril, avec un pic pendant la semaine du 30 mars au 5 avril. Cet excès de mortalité « tend à revenir à des niveaux habituels« , selon l’agence sanitaire.

Elle observe également une diminution des passages aux urgences pour Covid-19, ce qui « traduit une diminution des nouvelles contaminations« .

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Prudence ou excès de prudence ?

Ces indicateurs devenus verts devraient nous réjouir ; pourtant, selon les autorités sanitaires et politiques, il est prématuré de crier victoire. « Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’aujourd’hui, on n’a pas de signal d’alerte mais qu’il est trop tôt pour tirer de ce constat que tout va aller bien« , déclare à l’AFP Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l’unité des infections respiratoires de Santé publique France. « Il y a un décalage entre ce qu’on mesure aujourd’hui et ce à quoi ça correspond : ce qu’on mesure aujourd’hui, c’est encore les bénéfices du confinement« , poursuit-il.

Mécaniquement, la levée du confinement depuis le 11 mai doit forcément aboutir à une augmentation du nombre d’infections puisque les contacts entre les gens se multiplient, préviennent les autorités. « Toute la question, c’est de maintenir cette augmentation dans les limites de ce qui est acceptable« , souligne le Dr Lévy-Bruhl.

La hantise du gouvernement est un retour au scénario d’avant le confinement, avec une explosion du nombre de cas qui saturerait le système de santé. Pour l’éviter, il s’appuie sur un dispositif combinant les tests, le repérage des personnes en contact avec un cas positif (ou « contact tracing ») et l’isolement des malades.

Pour l’heure, Santé publique France a recensé 46 foyers d’infection (ou « clusters ») à travers le territoire. Pour la plupart, les premiers cas datent d’avant la levée du confinement.

« La vision optimiste, c’est que l’identification d’un cluster est une bonne nouvelle car cela confirme la capacité du dispositif à les identifier et à casser les chaînes de transmission« , commente le Dr Lévy-Bruhl, en insistant sur l’importance « de la distanciation physique et des mesures barrière« .

« Le risque d’une deuxième vague existe, il nous appartient à tous collectivement de faire que ça ne survienne pas« , ajoute-t-il.

Pour certains, c’est bientôt la fin

À rebours du discours dominant, quelques scientifiques, minoritaires mais de plus en plus nombreux, jugent que l’épidémie touche à sa fin. Pour preuve : la chute constante du nombre de décès. Le professeur Toussaint, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (Irmes) estime que pour observer une évolution sanitaire, la mortalité est la valeur la moins incertaine dans tous les pays, quelles que soient leurs difficultés de recueil. Que la pathologie soit infectieuse ou non transmissible, les systèmes de santé et les agences de surveillance comptent moins mal les décès que les nouvelles affections, le constat étant souvent plus consensuel. Le spécialiste affirme à UP’ Magazine : « Le nombre de décès dus au Covid-19 dans le monde ne cesse de décroître en moyenne depuis le 16 avril » Il poursuit : « La réduction du nombre de décès quotidiens dans le monde est de 50% par rapport au 16 avril. Elle est de 85% en Europe (95% en Belgique et en Suisse, 85% en Allemagne et en France, 70% au Royaume-Uni) et de 60% aux Etats-Unis. ».

Un point de vue défendu par d’autres spécialistes, selon lesquels l’épidémie a touché tous ceux qu’elle pouvait toucher. Leur argument central : il est faux de considérer que l’intégralité de la population est une cible. « Une partie non négligeable de la population pourrait ne pas être sensible au coronavirus, parce que des anticorps non-spécifiques de ce virus peuvent l’arrêter« , dit à l’AFP l’épidémiologiste chercheur à l’Inserm Laurent Toubiana. En se basant sur des données de SOS Médecins, il juge que le Covid-19 a en fait frappé beaucoup plus de Français que ce qu’on croit, près de 18 millions (dont 5,5 sans symptômes).

Une épidémie qui s’achève ? Un avis partagé par le professeur Yonathan Freund, urgentiste à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Il est frappé par la baisse spectaculaire du nombre de contaminations chez ses collègues par rapport au début de l’épidémie. « Aux urgences et à l’hôpital, on est particulièrement exposés. Si le virus circulait autant qu’avant et qu’on était tous susceptibles d’être touchés, on se serait contaminés entre nous ou on l’aurait été par les malades« , explique-t-il à l’AFP. « Or une grande majorité des médecins n’ont pas été touchés du tout. C’est de la pure spéculation mais ça pourrait vouloir dire que des gens ont une immunité naturelle ou acquise« , avance-t-il.

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Immunité croisée : le coronavirus n’aurait plus beaucoup de monde à infecter

Cette hypothèse, qui reste à vérifier, a été soulevée par des chercheurs américains dans la revue spécialisée Cell : selon eux, 40 à 60 % de la population pourraient être immunisés contre le Covid-19 sans même y avoir été exposés. Ces individus pourraient avoir acquis cette protection en étant exposés par le passé à d’autres coronavirus qui causent de banals rhumes (c’est ce qu’on appelle une « immunité croisée »). Dans cette hypothèse, le nouveau coronavirus n’aurait désormais plus beaucoup de monde à infecter.

Une des conséquences de cette immunité croisée est une hétérogénéité dans la propagation du virus : certaines personnes seraient plus vulnérables que d’autres, et d’autres seraient plus contagieuses sans raison apparente. Mais plus on avance dans la connaissance du virus, plus les épidémiologistes s’aperçoivent que les modèles globaux pris dans l’urgence, sans tenir compte de ces hétérogénéités doivent être affinées. C’est le cas d’une mathématicienne britannique, Gabriela Gomes, qui estime dans un article scientifique que le taux d’immunité collective ne serait que de 10 à 20 % et non 60 à 70 % comme on le pensait.

Cette différence change tout. En effet, cela signifierait que le virus a contaminé tous ceux qu’il pouvait atteindre en France et que l’épidémie touche à sa fin. Cela signifie aussi qu’il ne peut y avoir de deuxième vague, tant crainte par les autorités de santé publique française. « Ce virus n’est pas un marathonien, c’est un sprinter : il s’épuise très vite« , résume auprès de l’AFP le Pr Jean-François Toussaint, qui ne croit pas non plus à une deuxième vague.

Controverses scientifiques

Ces controverses scientifiques sont encore rares à faire entendre leurs voix dans le discours dominant. Elles réfutent des hypothèses sur lesquelles ont été fondées certaines des mesures de lutte contre l’épidémie prises par les gouvernements sur les conseils d’experts scientifiques.

À bas bruit, des révélations apparaissent progressivement. On apprend ainsi que les modèles du professeur Ferguson de l’Imperial College de Londres, modèles qui ont joué un rôle décisif dans les politiques publiques face au coronavirus, sont tout simplement faux, voire truqués. Rappelons qu’à la mi-mars, la prestigieuse institution scientifique britannique publiait les résultats d’une modélisation informatique prédisant des millions de morts en Europe et aux États-Unis. Ce sont ces projections qui ont installé un climat de peur dans les opinions et au sein des gouvernements ; on évoquait la Peste noire, la grippe espagnole, bref, la fin des temps. Les mesures drastiques qu’il fallait prendre devenaient évidentes et nécessaires. Elles furent prises, partout, dans l’urgence avec, pour celles concernant le confinement généralisé, les conséquences économiques et sociales que l’on connaît en ce moment.

Or on apprend aujourd’hui que les programmes de modélisation du professeur Ferguson étaient truffés de bugs, écrits, en Fortran, un langage informatique que l’on n’utilise plus depuis des décennies. Poussé par ses pairs scientifiques à communiquer les données et la méthodologie de ses prédictions, le professeur Ferguson avoue avoir utilisé un modèle non documenté conçu pour modéliser les épidémies de grippe il y a treize ans.

Plus récemment, l’étude de l’École des Hautes Études de la Santé Publique (EHESP) qui a permis au gouvernement français de justifier a posteriori sa politique de confinement généralisé est remise en question par plusieurs experts des modélisations épidémiologiques.  D’autres révélations suivront sans doute et ne manqueront pas de poser la question de la nature des relations entre les scientifiques et le pouvoir politique pendant cette période de crise majeure.

Épée de Damoclès et frilosité

Face à ces débuts de controverses sur le bien-fondé des mesures prises par les autorités publiques sur la foi de conseils scientifiques plus ou moins avisés, le message officiel est celui de la prudence, voire de la frilosité. Le gouvernement temporise, répétant qu’il faudra attendre au moins deux semaines pour commencer à y voir plus clair sur la propagation du virus.

« Peut-être que la semaine prochaine on aura des éléments« , indique le Dr Lévy-Bruhl. « L’épée de Damoclès » d’une « reprise de la dynamique épidémique » est toujours présente, ce qui pourrait même aboutir, « dans un scénario du pire« , à « une nécessité de reconfiner« , prévient-il.

Ce médecin, responsable de l’unité des infections respiratoires de Santé publique France juge « prématuré de fonder un espoir sur une immunité croisée« , hypothèse « loin de faire l’unanimité et loin d’être confortée« . Selon lui, « il ne faudrait surtout pas faire passer à la population le message que tout va bien parce qu’on s’est aperçu que tout le monde était protégé« .

« Je comprends qu’on soit très frileux à l’idée de faire une nouvelle prophétie, car tout le monde s’est tellement planté au départ et moi le premier« , argumente pour sa part le Pr Freund. Après avoir détaillé sur Twitter son hypothèse d’une fin d’épidémie, il balaye les procès en irresponsabilité : « Il ne s’agit pas d’asséner des vérités mais je dis mon impression en tant que scientifique, chercheur, professeur et je ne vois pas pourquoi je ne la dirais pas« . « Il faut arrêter d’infantiliser tout le monde« , estime-t-il.

Avec AFP

Image d’en-tête : Vue aérienne de Dolores Park où des cercles ont été dessinés pour faire respecter la distanciation sociale à San Francisco, en Californie, le 22 mai 2020 – AFP / Josh Edelson

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dfelb@orange.fr
3 années

L’article est partisan. Il est possible que le modèle de Ferguson soit inadapté ou mal documenté, mais raconter que le fait d’être écrit en Fortran est un défaut majeur est ridicule. Le Fortran est encore très largement utilisé en calcul scientifique.

Membre
jimenezclement66@yahoo.fr
3 années

La question fondamentale est de savoir si oui ou non le modèle Fergusson est valable et manifestement, comme le dirait Raoult, le modèle est foireux et responsable d’une panique générale infondée. L’âge Moyen des décès en France dû à la COVID est autour de 80 ans On est au niveau de l’espérance de vie des hommes en france. En Suède, 90% des décès concernent des patients de plus de 70 ans. Certaines épidémies de grippe font régulièrement plus de morts dans le monde que ce coronavirus. Va-t-on confiner le monde entier à chaque épidémie annuelle? la crise économique et sociale… Lire la suite »

Membre
glacoste.me@gmail.com
3 années

Il vaut mieux être très prudent, sans sombrer dans la paranoïa, le covid 19 est très dangereux pour les personnes qui sont des futurs retraités, ou plus âgés. Le taux de personnes qui sont mortes est très préoccupant . En 2000 il fallait sortir couvert, en 2020 il faut sortir masqué. Tirer les conclusions.

Membre
esaumard@gmail.com
3 années

Le covid-19 a fait 28000 morts en France dont la moyenne d’âge est de 80 ans. Chaque jour, il y a 25 000 personnes qui meurent de faim dans le monde dont 10000 enfants de moins de 5 ans et visiblement tous le monde s’en fout…

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