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Covid, attentats, crise économique… Comment maîtriser notre stress ?

Covid, attentats, crise économique… Comment maîtriser notre stress ?

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Cette année 2020 sera marquée dans les annales comme époque extraordinairement difficile à vivre. Les crises s’empilent les unes sur les autres —sanitaire, économique, sécuritaire— sur fond d’écoanxiété liée à notre survie sur une Terre surchauffée et malmenée par l’activité des hommes. Autant de raisons qui expliquent les bouffées de stress que chacun ressent au fond de lui-même. Au point que les spécialistes des maladies mentales alertent sur un accroissement inédit des troubles affectant de larges parts de la population. Comment maîtriser ce stress ? Un neurobiologiste de l’université de Stanford nous apporte des réponses simples en nous invitant à contrôler notre vision et notre respiration. Petit manuel de survie dans un monde en proie au stress.

Andrew Huberman est neurobiologiste et ophtalmologiste à l’université de Stanford. Son domaine d’étude est centré sur les mécanismes de la vision et de la respiration.  Le stress, explique-t-il, ne concerne pas seulement le contenu de ce que nous lisons ou les images que nous voyons. Il s’agit de la façon dont nos yeux et notre respiration changent en réaction au monde et aux cascades d’événements qui en découlent. Et ces deux processus corporels nous permettent également de nous libérer du stress de manière simple et accessible.

Le professeur Huberman a passé les vingt dernières années à démêler les rouages du système visuel. En 2018, par exemple, son laboratoire a rapporté sa découverte des voies cérébrales liées à la peur et à la paralysie qui répondent spécifiquement aux menaces visuelles. Et un nombre restreint mais croissant de recherches démontre qu’une modification de notre respiration peut altérer notre cerveau. En 2017, Mark Krasnow de l’université de Stanford, Jack Feldman de l’université de Californie, Los Angeles, et leurs collègues ont identifié un lien étroit entre les neurones responsables du contrôle de la respiration et la région du cerveau responsable de l’excitation et de la panique.

Cette compréhension croissante de la manière dont vision et respiration affectent directement le cerveau — plutôt que les catégories plus nébuleuses de l’esprit et des sentiments — peut s’avérer utile alors que nous continuons à faire face à des défis croissants dans le monde entier et dans nos propres vies.

Andrew Huberman nous explique d’abord ce qu’est le stress. C’est « une position dans le continuum de ce que nous appelons l’éveil autonome ». A une extrémité de ce continuum se trouve l’état de coma, alors qu’à l’autre extrémité se trouve la crise de panique — celle où le cœur s’emballe, les pupilles se dilatent et où une hyperventilation se produit. Entre ces deux extrêmes, on retrouve les niveaux de stress moins élevés et les états d’alerte, de concentration, d’endormissement ou de somnolence. « Le stress est généralement un niveau élevé d’éveil autonome. Il a été conçu comme une réponse générique pour mobiliser le corps. »

Cet état correspond généralement à certaines exigences de la vie : courir pour ne pas rater un train par exemple. Mais si la réponse au stress est excessive, elle devient vite pathologique.

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Le stress et la vision

Le professeur Huberman établit une relation étroite entre le stress et la vision. « Lorsque vous voyez quelque chose d’excitant ou de stressant — un gros titre, un débit de carte de crédit frauduleux —, la fréquence cardiaque tout comme la respiration augmentent. » explique-t-il. Mais il observe que l’un des changements les plus puissants se produit au niveau de la vision : « Les pupilles se dilatent et la position du cristallin dans l’œil change. Votre système visuel passe comme en mode portrait sur un smartphone. Votre champ de vision se rétrécit. Vous voyez une chose avec un relief plus net, et tout le reste devient flou. Vos globes oculaires tournent légèrement vers votre nez, ce qui règle votre profondeur de champ et la mise au point sur un seul endroit. Il s’agit d’un mécanisme primitif et ancien par lequel le stress contrôle le champ visuel. » Cette vision focale active le système nerveux sympathique. Tous les neurones, du cou jusqu’au sommet du bassin, sont activés en même temps et déploient un ensemble de transmetteurs et de substances chimiques qui nous font sentir agité et nous donnent envie de bouger.

Les yeux sont en fait deux morceaux de cerveau.Cette relation entre le champ visuel et l’état du cerveau s’explique selon le neurobiologiste par une caractéristique que nous avons tendance à oublier : « les yeux sont en fait deux morceaux de cerveau. Ils ne sont pas connectés au cerveau, ils sont le cerveau. ». Au stade embryonnaire, les yeux font partie du cerveau antérieur ; au cours du développement, ils sont expulsés du crâne pendant le premier trimestre, puis ils se reconnectent au reste du cerveau. Ils font donc partie du système nerveux central. Le fait que les yeux soient à l’extérieur du crâne oriente l’organisme en fonction des situations. Mais cela signifie aussi nos « deux morceaux de cerveau » enregistrent les événements de l’environnement à distance afin d’ajuster l’état général de vigilance dans le reste du cerveau et du corps. « Ce serait terrible si nous devions attendre que les choses soient en contact avec nous avant de pouvoir nous préparer à y réagir » dit-il.

Cette caractéristique de la vision décrite par le professeur Huberman a des incidences directes sur la maîtrise du stress. La vision panoramique et le flux optique modifient le niveau de stress : « Quand vous regardez un horizon ou une large vue, vous ne regardez pas un détail très longtemps. Si vous gardez la tête immobile, vous pouvez dilater votre regard pour voir loin dans la périphérie — au-dessus, en dessous et sur les côtés. Ce mode de vision libère un mécanisme dans le tronc cérébral impliqué dans la vigilance et l’excitation. » On peut ainsi désactiver la réaction au stress en changeant la façon dont on voit notre environnement, indépendamment de ce qui se trouve dans cet environnement.

Respiration et stress

Mais la vision n’est pas la seule dimension permettant de réguler le stress. La façon dont nous respirons joue un rôle considérable.  « Les données montrent que pendant le sommeil et les états claustrophobes, les personnes et les animaux génèrent ce que l’on appelle des « soupirs physiologiques », c’est-à-dire des doubles inspirations suivies d’expirations. Les enfants le font également lorsqu’ils sanglotent. Un soupir physiologique, répété deux ou trois fois, est le moyen le plus rapide que nous connaissons pour ramener le niveau d’éveil autonome au niveau de base ».

Comment ce schéma respiratoire permet-il de réduire le stress ? Le professeur Huberman répond : « Nos poumons sont constitués de millions de minuscules petits sacs d’air. Lorsque nous sommes stressés, ces petits sacs s’effondrent. Ils se dégonflent comme un ballon. Les soupirs physiologiques provoquent le regonflement des sacs. » Il ajoute une précision importante : le dioxyde de carbone est le déclencheur de la respiration : « nous ne respirons pas parce que nous avons besoin d’oxygène. Nous respirons parce que le niveau de dioxyde de carbone est trop élevé. Les soupirs physiologiques déchargent la quantité maximale de dioxyde de carbone. »

Andrew Huberman mène actuellement, avec David Spiegel, président associé de la psychiatrie à Stanford, une étude sur la respiration dans laquelle 125 participants portent des moniteurs au poignet qui mesurent la respiration, la durée du sommeil, la variabilité du rythme cardiaque et la fréquence cardiaque. Les participants sont répartis en quatre groupes de modalités respiratoires différentes : méditation pendant cinq minutes par jour ; soupirs physiologiques répétés ; respiration monitorée (durées égales d’inspiration, d’attente, d’expiration, de maintien, répétées pendant cinq minutes) ; et hyperventilation délibérée répétée plusieurs fois. Les scientifiques veulent savoir quels modèles de respiration réduisent le plus rapidement la réponse au stress.

Pour ces chercheurs, respiration et cerveau sont intimement liés : « La relation est ancrée à travers le diaphragme, le seul organe du corps qui est un muscle squelettique conçu pour le mouvement volontaire. Vous pouvez immédiatement prendre le contrôle du diaphragme. La respiration représente donc un pont entre le contrôle conscient et inconscient du corps. » Lorsque vous inspirez, le diaphragme descend et le cœur devient un peu plus gros parce qu’il a plus d’espace. Dans ces conditions, le sang circule un peu plus lentement dans le cœur. Le cœur envoie alors un signal au cerveau, qui dit : « Oh, il faut accélérer le cœur ». Donc si vous voulez augmenter votre rythme cardiaque, vous inspirez plus que vous n’expirez. L’inverse est également vrai. Chaque fois que vous expirez, vous ralentissez le rythme cardiaque.

Ainsi, avec la vision et la respiration, nous sommes face à des processus physiologiques qui sont automatiques mais que nous pouvons aussi contrôler. « Vous ne pouvez pas contrôler directement votre rythme cardiaque. Vous ne pouvez pas contrôler vos surrénales avec votre esprit. Mais vous pouvez contrôler votre diaphragme, ce qui signifie que vous contrôlez votre respiration, ce qui signifie que vous contrôlez votre rythme cardiaque, ce qui signifie que vous contrôlez votre vigilance. Vous pouvez contrôler votre vision, ce qui contrôle votre niveau de vigilance, votre niveau de stress et votre niveau de calme. »

Pour le professeur Huberman, cela ne fait aucun doute : la vision et la respiration sont essentielles en tant que leviers ou points d’entrée à l’éveil autonome car elles sont disponibles pour un contrôle conscient à tout moment. C’est ainsi qu’elles nous aident à contrôler notre stress.  Alors, si la prochaine mauvaise nouvelle venue du monde vous stresse, élargissez votre champ de vision, régulez votre diaphragme, et tout ira mieux…

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Podcast d’Andrew Huberman diffusé par l’université de Stanford 

L’interview du Professeur Huberman est publiée dans la revue Scientific American

Image d’en-tête : iStock/ Maria Ponomariova

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