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Jardins d’exil

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Jardins d’exil, de Yanis Al-Taïr – Editions du Lointain, mai 2024 – 342 pages

Véritable succès critique sur la plateforme littéraire Babelio, ce premier roman initiatique de Yanis Al-Taïr, prometteur auteur marocain vivant en France, traite sous un angle nouveau de thèmes forts : maladie, religion, exil et identités, entre sphère publique et individuelle. En toile de fond d’un récit contemporain ancré dans le passé et le présent, la ville de Montreuil est dépeinte comme rarement auparavant.

Une quête d’identité contemporaine

Jardins d’exil est né de la volonté de créer un récit autour de l’identité, thème cher à son auteur, Yanis Al-Taïr. L’identité au sens large, celle qui crée un pont entre nos différentes identités : l’identité physique (notre corps), l’identité sociale (notre religion, nationalité, famille, etc.), et l’identité existentielle (nos croyances, valeurs, idées).

Selon l’auteur, ces identités sont inséparables, car elles dialoguent en permanence. Écouter son corps, c’est mieux s’écouter, notre nationalité et notre langue influençant nos croyances. À travers son roman, Yanis Al-Taïr avait l’ambition de dépasser la définition trop réductrice de notre identité superficielle – comme celle que nous affichons sur les réseaux sociaux – pour progressivement parvenir à une identité riche et profonde, plus intime, définissant mieux qui nous sommes réellement.

Pour traiter avec force cette question de l’identité, l’auteur a fait le récit d’un frère tentant de sauver sa jeune sœur atteinte d’une forme grave de leucémie (lien du sang). Pour marquer davantage la dimension sociale et faire entrer en résonance, au fil des pages, l’intime avec le collectif, l’auteur a imbriqué une deuxième intrigue dans la première, qui prend la forme d’une énigme archéologique durant le printemps arabe en Égypte (2011) – la découverte du journal intime d’une jeune Alexandrine du VIe siècle. Ce cadre contemporain donne une véritable dynamique au roman, entrainant le lecteur dans un tourbillon autant historique que psychologique.

Un récit engagé et éclairant

À travers Jardins d’exil, Yanis Al-Taïr tente de combattre les préjugés sur les communautés religieuses ou ethniques. Il parvient notamment à démontrer, grâce à une analyse fine des civilisations du passé, le lien qui nous unit avec les mondes anciens.
L’auteur dénonce aussi les dérives de nos sociétés contemporaines où nos modes de vie occidentaux (mal-être au travail, surconsommation, pollution) entraînent une augmentation du nombre de cancers chez les jeunes. L’occasion pour lui de dépeindre avec justesse la crise de l’hôpital public, les difficultés liées au traitement pour les jeunes femmes, le drame de l’annonce, la vie d’après…

Ce roman plaira donc aux lecteurs qui aiment apprendre en lisant. Rigoureusement documenté, l’ouvrage propose de belles réflexions sur l’archéologie, la physique quantique ou encore le mythe du jardin d’Éden, en opposant la vision binaire de la Bible (punition-rédemption) que l’auteur compare à une sorte de science classique, voire darwinienne (lutte fratricide entre espèces – progrès scientifiques et technologiques), à une vision plus moderne de la science, en perpétuel mouvement, sans début ni fin, telle une onde qui change de forme, se transforme en particules, mais ne disparaît jamais.

Montreuil, au-delà des clichés

Si Jardins d’exil livre aux lecteurs de belles descriptions des villes méditerranéennes, comme Valence en Espagne, ou Jérusalem, une grande partie du récit se déroule à Montreuil, dans le « 9-3 ». Yanis Al-Taïr signe ainsi un bel hommage à cette ville cosmopolite, artistique et dynamique ; hommage rare dans les œuvres littéraires, et donc à saluer.
Située aux portes de Paris, cette ville est parfois mal perçue, voire dénigrée, mais elle possède une richesse patrimoniale, sociale et historique qui est
explorée dans le récit. Bien plus qu’une simple banlieue parisienne, Montreuil apparaît sous son véritable jour : une ville dynamique, cosmopolite,
engagée dans la préservation de l’environnement, pour les droits sociaux, la solidarité, et où la culture, à travers une scène artistique vibrante, exprime ses racines et sa créativité.
« Montreuil est une des rares villes qui a réussi à démocratiser l’art ; elle a laissé fleurir partout de grandes fresques murales d’artistes anonymes,
colorées et baroques, sensuelles et folklo-riques ou militantes et sociales. Elle a su transformer son passé industriel en laboratoire de street art. Les
filles et les garçons dissimulent leurs corps tatoués et leurs piercings derrière d’amples tenues aérées qui se dévoilent au hasard des mouvements,
fresque vivante et insaisissable. Montreuil, c’est le mariage réussi entre la grâce de la créativité et le caractère ombrageux de la révolte.« 

Le mot de l’éditeur

Mystérieux et profond, Jardins d’exil est sujet à de multiples interprétations, intenses. D’une belle complexité, d’une complexité qui se livre à nous,qui nous élève.
C’est un livre essentiel pour mieux cerner les enjeux de notre monde ; il ne se contente pas de mimer nos vices et nos vertus dans un récit où la seule
nouveauté serait l’introduction des nouvelles technologies, de projeter dans le futur les tares de notre monde moderne, ou de dénoncer des faits de société, crimes et autres dysfonctionnements à la manière d’un procès-verbal. Il nous plonge dans le plus lointain passé, le fait résonner avec notre présent pour montrer tout autant la continuité des drames humains que l’infinie variété de leur mise en scène.

Les corps s’intriquent, dialoguent dans leur sang, à travers les restes qu’ils nous laissent à explorer, connaissent aussi bien notre passé que notre futur,
atteignent nos rêves, notre inconscient, changent le monde enfin, en silence, au milieu du vacarme incessant des guerres, des révolutions et des crises.
Il existe un ailleurs, un jardin d’exil, mais cet ailleurs n’est pas celui que l’on croit ; ce n’est pas un jardin d’Éden impersonnel. Cet ailleurs est à chercher dans le lien qui nous unit à chaque chose, présente ou passée, à chaque être, vivant ou mort. Ce lien manquant est précisément à chercher là où il semble ne rien se passer, ou pas grand-chose, dans la chambre du dormeur, dans la tombe du trépassé, au chevet du malade ou de manière générale chaque fois que quelque chose de beau nous surprend : un paysage, un morceau de musique, une étreinte, un bel ouvrage.

Yanis Al-Taïr nous livre ainsi un roman érudit et foisonnant, ample et généreux, aux frontières du soi, du corps et de notre identité. Il explore avec
justesse et sensibilité l’intrication de l’intime et des civilisations, pour qu’émerge enfin, au bout du chemin, un nouveau récit, un nouvel exil.

L’auteur

Auteur né à l’aube des années 80, à Rabat, Yanis a passé ses jeunes années au Maroc, en France et aux États-Unis. Cette ouverture vers le monde a éveillé son attrait pour les langues, à l’art et aux cultures du monde entier. Dès l’adolescence, il a pris goût à la littérature grâce à l’impressionnante bibliothèque familiale, s’abreuvant d’écrivains internationaux : Proust, Kundera, Garcia Marquez, Borges, Saramago, Pessoa, Mishima, Yourcenar, Dostoïevski, Mahfouz, Maalouf, al-Aswany, etc. Au lycée, il écrivait des nouvelles, poèmes, essais et articles dans la presse spécialisée (écologie et climat). Curieux de tout, il a longtemps hésité entre des études littéraires et scientifiques. Il opta finalement pour ces dernières, en obtenant un diplôme d’ingénieur centralien, sans jamais oublier sa passion de jeunesse.
Aujourd’hui, père de deux enfants, son écriture allie précision et générosité, amplitude et ellipse, créant ainsi une mélodie rythmée et envoûtante. Ses récits associent finesse psychologique, intrigue, digressions philosophiques et force poétique. Jardins d’exil est son premier roman, publié aux éditions du Lointain.
Pour suivre l’auteur : https://www.instagram.com/yanis_al_tair/

Dédicaces :

  • Yanis Al-Taïr présentera son ouvrage à Montreuil le 10 juillet 2024 à partir de 19h au bar « Les pianos » 26 Rue Robespierre – 93100
  • le 11 juillet à 19h à La Parole Errante Demain, 9 Rue François Debergue – 93100

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