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Le nouveau permis de destruction massive de la biodiversité

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Un texte passé inaperçu pourrait changer radicalement la protection des espèces en France. L’article 13 de la Loi d’Orientation Agricole (LOA) offre un blanc-seing à la destruction de la faune et de la flore. Une simple déclaration de “bonne foi” suffira bientôt à éviter toute sanction pénale, même en cas de disparition d’espèces protégées. Aussi, 38 associations de protection des animaux et de la nature dénoncent la quasi-disparition des sanctions en cas de destruction d’espèces protégées, prévue dans cet article. Une régression environnementale de 35 ans, qui est actuellement discutée au Sénat depuis le 4 février 2025.

L’article 13 de la loi d’orientation agricole (LOA) porte une atteinte immense à la protection des êtres vivants appartenant à des espèces protégées, faune et flore. Il constitue un séisme juridique.
A l’article 13 de la LOA, l’amendement 4452 2éme rectificatif, il est décidé que désormais seules les atteintes “intentionnelles” « ou consécutives à une « négligence grave » seront passibles de poursuites pénales pour destruction d’espèces protégées. « Négligence grave » revient à exiger une « quasi intention ». Pour être constitutionnel, le gouvernement n’a pas pu limiter son amendement aux seules activités agricoles. Il est valable pour toute activité humaine. De plus, le fait d’exécuter une obligation légale ou réglementaire, ou encore de se conformer à une prescription administrative, comme un plan de gestion forestier par exemple, n’est pas considéré comme une atteinte intentionnelle ou une négligence grave.

En droit, l’intentionnalité est quasi-impossible à démontrer et la négligence grave est rare et ce sont bien les négligences simples, imprudences, manquements à une obligation de prudence qui entraînent aujourd’hui les poursuites et les condamnations concernant les espèces protégées. Qui plus est, le critère de l’intentionnalité ou de négligence grave conditionnera l’engagement de
poursuites. Un procureur ne va pas poursuivre s’il sait que la condamnation a peu de chances d’aboutir.

Les agriculteurs ne subiront pas de sanction pénale s’ils détruisent des espèces protégées en cas de taille de haie, d’utilisation de pesticides, d’épandage de lisier, de débordement d’une cuve de méthanisation, d’écobuage,etc. (Aujourd’hui, selon le gouvernement, ces agriculteurs vivent très mal le fait d’être passibles de 150 000 euros d’amende et de 3 ans de prison du fait d’être soupçonnés de destruction d’espèces protégées dans le cadre de leur activité agricole ou pour satisfaire à une obligation administrative, comme l’obligation légale de débroussaillement.)
Un forestier pourra procéder à une coupe rase abritant des espèces protégées ou détruire des arbres, comme des arbres à cavité, contenant de précieuses espèces protégées, s’il le fait selon le plan de gestion forestier.
Mieux encore, un chasseur qui détruit une espèce protégée sans le faire volontairement, un promoteur immobilier qui rase un terrain comportant des espèces protégées, par négligence, une commune qui entretient des routes et coupe des arbres en période de nidification, ou dont la station d’épuration fuit par accident et pollue un cours d’eau, un particulier qui épand un produit
phytosanitaire dangereux sans faire attention, détruisant par là même toute la petite faune autour de chez lui… dans tous ces cas, la “bonne foi” ou « la simple négligence » sera avancée et il faudra au contraire prouver la volonté de détruire les espèces protégées ou une négligence grave.
Cette destruction se produit généralement par imprudence ou négligence simple. Elle est la conséquence ou l’effet induit d’une activité.

Le nouveau texte propose de remplacer des sanctions pénales par des sanctions administratives, généralement prononcées par le préfet. On connaît les décisions, sous l’influence des lobbys, des préfets peu favorables à la protection des animaux et toutes jugées illégales ensuite par les tribunaux. Par exemple, ces dernières années, les arrêtés autorisant la destruction indiscriminée des
bouquetins, la chasse à l’alouette des champs et au vanneau huppé, à la barge à queue noire, au courlis cendré, au grand tétras, les méthodes de chasse traditionnelle, la chasse des oies au moment de leur migration, les arrêtés portant sur la destruction des cormorans en eaux libres, etc. Le texte propose de favoriser les “restaurations écologiques”. Mais ce qui est détruit est détruit.

Ces « petites » infractions ne seront plus sanctionnables que d’un maximum de 450 €, une peine prononcée par l’autorité administrative, souvent les préfets, dont l’autorité n’est pas indépendante.
Cet article remet en cause un texte vieux de 35 ans (Code rural art 215-1, version du 4/11/1989) qui consacre la première condamnation pour destruction d’espèces protégées.

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38 associations ont lancé une pétition dénonçant l’impunité future qui sera accordée en cas de destruction des êtres vivants appartenant à des espèces protégées qui compte déjà plus de 55 000 signatures.

Azuré des Mouillères sur digitale bleue – © OPIE

L’impact de cette législation s’annonce désastreux à l’heure où le nombre d’espèces menacées d’extinction atteint des niveaux alarmants. Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), plus de 1 800 espèces animales sont en danger critique en France, un chiffre en constante augmentation en raison des activités humaines. Selon le bilan 1989-2019 publié par la LPO, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’OFB, près de 30 % des oiseaux appartenant aux espèces les plus communes ont disparu des campagnes françaises. Qui plus est, entre 1970 et 2018, 69 % des populations d’animaux sauvages suivies ont disparu selon le WWF. 
La destruction des habitats naturels, l’intensification de l’agriculture, l’usage massif de pesticides, l’urbanisation galopante et le changement climatique sont autant de facteurs qui accélèrent cette extinction. Connaissez-vous le grand hamster d’Alsace, l’azuré des Mouillères ou encore le vison d’Europe ? Ces espèces se retrouvent aujourd’hui au bord de la disparition. Avec l’affaiblissement des sanctions prévu par l’article 13 de la LOA, cette tendance ne pourra que s’aggraver, ouvrant la voie à une catastrophe écologique sans précédent.

Orchis des marais

La flore n’est pas épargnée par cette destruction massive. En France, près de 700 espèces végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, selon le Comité français de l’UICN et le Muséum national d’Histoire naturelle. La disparition progressive des prairies, des zones humides et des forêts anciennes sous l’effet de l’agriculture intensive, de l’urbanisation et de la pollution entraîne un effondrement de la biodiversité végétale. Des espèces emblématiques comme la gagée de Bohème, la spiranthe d’été ou encore l’orchis des marais se raréfient à un rythme inquiétant. L’usage intensif de pesticides, le drainage des sols et la fragmentation des écosystèmes condamnent ces plantes, essentielles à l’équilibre des écosystèmes et à la survie de nombreuses espèces animales.
En rendant la destruction de la flore quasi impunie, l’article 13 de la LOA risque d’accélérer cette érosion irréversible du patrimoine naturel.  

Voir la pétition 

Associations signataires

Animal Cross, AJAS, Alsace nature, APRAD, ASPAS, Aves, Bretagne vivante, Crow life, Education Ethique Animale, Etats sauvages, Ferus, FNE, Groupe mammologique breton, Humanité et Biodiversité, Libre forêt, Mille Traces, Noé, One voice, Pays de l’Ours-Adet, Perche nature, SNDA, Wild Bretagne, SFEPM, ASPA Vosges, Sur les traces du loup, CEA, Sea Sheperd France, SFEPM, FIEP, Collectif animalier 06, Oiseaux Nature, C’est assez, Kermit, FNE65, Association Nationale pour la Biodiversité , Association Stéphane Lamart, Défense des milieux aquatiques, FRANE, GNSA, PAZ, Pole grands prédateurs,…

Photo d’en-tête : Grand hamster d’Alsace © Dominique Gutekunst/max PPP

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