C’est une douce ironie : au moment où la France célèbre ce 22 mai la 19e édition de la Fête de la Nature, la biodiversité française, elle, continue de s’éteindre à petit feu. Chaque année depuis 2007, cet événement populaire, initié par le Comité français de l’UICN et le magazine Terre Sauvage, mobilise des milliers d’acteurs — associations, écoles, collectivités — autour d’une noble cause : faire aimer le vivant pour mieux le préserver. Et pourtant, derrière les balades nature et les ateliers de sensibilisation, plane un constat de plus en plus accablant : la nature est en péril, et les politiques publiques se détournent de leur devoir de protection.
En 2024, la Fête de la Nature a battu tous les records de participation, réunissant plus de 10 000 animations sur l’ensemble du territoire français, contre environ 5 000 lors des éditions précédentes.
Ce chiffre marque une progression spectaculaire, portée par un engouement citoyen sans précédent pour les enjeux de biodiversité, ainsi que par une mobilisation accrue des collectivités, des associations locales, des établissements scolaires et même d’entreprises engagées. Organisée autour de la Journée internationale de la biodiversité (le 22 mai), l’édition 2024 s’est étendue sur cinq jours et a rassemblé plusieurs centaines de milliers de participants, toutes générations confondues.
Cette montée en puissance a poussé le gouvernement à inscrire l’événement dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB 2030), le positionnant désormais comme un levier reconnu de sensibilisation et de mobilisation collective. Une reconnaissance symbolique, certes, mais en décalage flagrant avec la dynamique politique nationale qui, dans le même temps, fragilise les fondements mêmes de la protection du vivant.
Car sur le terrain des décisions concrètes, l’heure est aux reculs, aux arbitrages défavorables, aux renoncements. La biodiversité devient un dommage collatéral, sacrifiée sur l’autel des crises agricoles, des tensions géopolitiques et de la rigueur budgétaire. Le budget 2025, par exemple, taille à vif dans le Fonds vert, pourtant crucial pour accompagner les collectivités dans leur transition écologique. Une décision qui en dit long sur les priorités actuelles de l’exécutif.
Lois agricoles : la nature en contre-champ
Promulguée en mars 2025 après des mois de débats tendus, la loi d’orientation pour la souveraineté agricole s’est imposée comme un tournant politique — mais pas celui que ses auteurs prétendaient. Présentée à grand renfort de communication comme une réponse structurante à la crise du monde agricole, cette réforme visait officiellement à « assurer la relève générationnelle », « restaurer la compétitivité » et « garantir la souveraineté alimentaire de la France ». En réalité, elle a consacré le retour en force d’un modèle productiviste intensif, sous influence directe des syndicats agricoles les plus conservateurs, en particulier la FNSEA.
Sous couvert d’alléger les charges pesant sur les agriculteurs, la loi a introduit une série de dispositions qui remettent frontalement en cause les acquis environnementaux de ces deux dernières décennies. D’abord, en assouplissant les normes sur l’usage des produits phytosanitaires, elle a ouvert la porte à un retour en grâce de substances controversées, pourtant largement responsables de l’effondrement de la biodiversité — à commencer par les insectes pollinisateurs.
Mais le texte est allé encore plus loin. Il a dépénalisé la destruction d’espèces protégées, rendant plus difficile la poursuite judiciaire des infractions commises « sans intentionnalité ». En d’autres termes, l’arrachage de haies, la destruction de zones humides ou la perturbation de la faune sauvage ne constituent plus, dans bien des cas, des délits, mais de simples contraventions. Une évolution majeure, passée relativement inaperçue dans le débat public, mais qui affaiblit considérablement les leviers de protection de la nature en milieu agricole.
Les haies bocagères, notamment, sont les grandes perdantes de cette réforme. Elles jouent pourtant un rôle crucial : abris pour les oiseaux, insectes et petits mammifères, elles limitent l’érosion des sols, favorisent la régulation de l’eau et du climat local, et servent de corridors écologiques indispensables dans des paysages de plus en plus fragmentés. Depuis les années 1950, la France a déjà perdu plus de 70 % de ses haies — et ce texte risque d’accélérer leur disparition.
Un recul politique maquillé en réforme agricole
Le gouvernement, acculé par les manifestations paysannes du début 2024 et soucieux de calmer les tensions, a fait le choix d’un texte conciliant envers les filières industrielles et leurs relais syndicaux. Cette orientation a laissé sur le bord de la route les petits agriculteurs, ceux qui s’efforcent au quotidien de concilier production et respect du vivant, souvent en agriculture biologique ou paysanne.
Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), les associations environnementales et même certains services de l’État, comme l’OFB (Office français de la biodiversité), ont dénoncé un texte vidé de ses ambitions écologiques, quand il ne contredit pas frontalement les engagements climatiques et de protection du vivant que la France prétend défendre à l’échelle internationale.
Enfin, cette loi crée un précédent inquiétant : l’idée que la nature est un obstacle à la souveraineté, et non un pilier de celle-ci. En opposant faussement écologie et agriculture, en criminalisant les défenseurs de l’environnement tout en assouplissant les règles pour les pollueurs, le gouvernement alimente une fracture délétère — tant pour les sols que pour le débat démocratique.
Proposition de loi Duplomb : la biodiversité dans la ligne de mire
En discussion à l’Assemblée nationale depuis le printemps 2025, la proposition de loi portée par le député Jean-Pierre Duplomb (Les Républicains, Haute-Loire) se présente officiellement comme un texte destiné à « lever les freins à l’exercice du métier d’agriculteur ». Mais derrière ce slogan consensuel se cache un projet de dérégulation profonde qui menace les fondements mêmes de la protection de l’environnement rural en France.
Conçue comme une réponse directe aux mobilisations agricoles de 2024 — qui ont vu se multiplier les manifestations contre les normes environnementales perçues comme trop contraignantes — cette proposition de loi s’inscrit dans une logique de déconstruction des outils de régulation environnementale jugés « technocratiques » ou « punitifs » par ses défenseurs. Les mesures qu’elle contient vont bien au-delà de simples ajustements techniques : elles réduisent considérablement les capacités de contrôle, de régulation et de sanction en matière écologique, dans un contexte déjà critique.
Démantèlement de l’OFB : l’État recule, les pressions locales avancent
L’un des points les plus préoccupants est l’affaiblissement de l’Office français de la biodiversité (OFB), l’établissement public chargé d’assurer la surveillance, l’application des règles environnementales et le suivi de la biodiversité sur le territoire. La loi propose de réduire ses prérogatives et de transférer certaines de ses compétences aux préfectures, sous pression constante des élus locaux et des lobbies agricoles. Résultat : les contrôles en zones rurales, déjà trop rares, deviendraient encore plus symboliques.
L’OFB, pourtant créé en 2020 pour renforcer le maillage territorial et mieux faire appliquer les lois environnementales, se retrouve ainsi amputé de son efficacité, au moment même où les atteintes au vivant explosent. Entre 2019 et 2023, les atteintes à la nature ont augmenté de 15 % selon les chiffres du ministère, avec une recrudescence d’infractions liées à la destruction d’habitats naturels, aux épandages illégaux de pesticides et à l’arrachage de haies. Réduire les moyens de contrôle, c’est envoyer un signal clair : l’impunité est de retour.
Retour des néonicotinoïdes : les abeilles peuvent attendre
Autre mesure phare (et polémique) du texte : la réautorisation conditionnelle des néonicotinoïdes, ces insecticides systémiques classés comme « tueurs d’abeilles » en raison de leur toxicité aiguë pour les pollinisateurs. Interdits depuis 2018 en France et par l’Union européenne après des années de mobilisation scientifique et associative, ils pourraient être de nouveau utilisés sur certaines cultures, notamment les betteraves, au nom de la compétitivité des filières.
Or, le consensus scientifique est clair : ces substances perturbent les systèmes nerveux des insectes, désorientent les pollinisateurs, contaminent les sols et les nappes phréatiques, et participent activement à l’effondrement global de la biodiversité. Leur retour, même sous couvert de « dérogations exceptionnelles », représenterait un recul historique et un reniement des engagements européens pris par la France.
Mégabassines et zones humides : le droit à capter l’eau au mépris du vivant
La proposition Duplomb facilite également l’implantation de mégabassines, ces réserves d’eau artificielles creusées pour stocker l’eau en surface au profit de quelques exploitations agricoles intensives. Déjà au cœur de controverses et de conflits violents à Sainte-Soline et ailleurs, ces projets soulèvent des critiques majeures : accaparement d’un bien commun, inefficacité hydrologique, évaporation massive en été, et surtout impact désastreux sur les nappes phréatiques et les écosystèmes aquatiques.
En parallèle, la loi vise à réviser la définition juridique des zones humides en durcissant les critères techniques permettant de les classer comme telles. Ce changement rendra plus difficile leur reconnaissance et leur protection, alors même que ces milieux — marais, tourbières, prairies inondables — sont essentiels pour la filtration de l’eau, la prévention des inondations et la résilience climatique. Selon les données de l’Observatoire national de la biodiversité, plus de 50 % des zones humides ont disparu en France en un siècle, et la tendance se poursuit.
Une loi de circonstance, à contre-courant de l’Histoire
À rebours des dynamiques internationales et européennes, notamment du Règlement sur la restauration de la nature récemment adopté par l’Union européenne, la proposition Duplomb traduit un repli souverainiste et court-termiste, qui oppose systématiquement agriculture et écologie. Ce texte consacre une logique de « permis de polluer », sous couvert de défense des agriculteurs, sans s’attaquer aux vraies causes de leur détresse : prix de vente insuffisants, endettement, dépendance aux intrants, perte de sens du métier.
En d’autres termes, cette proposition de loi n’allège pas les difficultés structurelles de l’agriculture française. Elle les dissimule derrière une politique de dérégulation destructrice, au prix de sacrifices irréparables pour le vivant.
Ces décisions ne sont pas neutres. Elles actent un choix de société : celui de l’agriculture intensive contre la nature, celui d’un avenir à courte vue contre la résilience écologique.
L’effondrement silencieux du vivant
Il ne s’agit plus d’une hypothèse ou d’un signal faible. Le vivant est en train de s’effondrer sous nos yeux, à une vitesse vertigineuse et à une échelle planétaire, y compris en Europe, l’un des continents les plus artificialisés de la planète. Et ce déclin n’est pas lointain, ni abstrait : il est quantifié, documenté, implacable.
Depuis 1990, la biomasse des insectes volants a chuté de près de 80 % en Europe, selon une étude de référence publiée dans la revue PLOS ONE (2017) et corroborée depuis par de multiples travaux scientifiques. Les causes sont connues : usage intensif de pesticides (en particulier les néonicotinoïdes), destruction des habitats (zones humides, haies, prairies), pollution lumineuse et changement climatique. Ces insectes ne sont pas anodins : ils pollinisent 80 % des plantes à fleurs, nourrissent les oiseaux et assurent des fonctions écologiques clés comme la décomposition de la matière organique.
Du côté des oiseaux, l’Europe a perdu 800 millions d’individus en 40 ans, selon un rapport majeur du European Bird Census Council (2021). Les plus touchés ? Les espèces des milieux agricoles, comme l’alouette des champs, le bruant ortolan ou le vanneau huppé, qui paient le prix fort de la mécanisation à outrance, de l’uniformisation des cultures et de l’effondrement de la chaîne alimentaire.
Dans les rivières et les lacs, 75 % des populations de poissons migrateurs d’eau douce ont disparu en un demi-siècle, d’après le WWF Living Planet Report (2020). Barrages, pollution agricole, surextraction de l’eau et réchauffement des eaux rendent les milieux aquatiques de plus en plus hostiles à la vie. Anguilles, saumons, aloses, lamproies : toutes ces espèces, pourtant autrefois abondantes, sont aujourd’hui menacées ou en danger critique.
Des services écologiques vitaux… jusqu’à quand ?
La biodiversité ne se résume ni à une simple valeur esthétique ni à un capital symbolique destiné à orner les discours. Elle constitue, bien plus fondamentalement, l’ossature vivante de nos sociétés modernes. Sans elle, aucune agriculture viable, aucune industrie stable, aucun système économique durable ne peut espérer tenir debout.
En France, on estime que 1,5 million d’emplois dépendent directement ou indirectement des services rendus par la nature. Qu’il s’agisse de la production alimentaire, de la pêche, de la sylviculture, du tourisme rural ou encore des filières cosmétique et pharmaceutique, toutes reposent, d’une manière ou d’une autre, sur l’équilibre des écosystèmes.
Parmi ces services, la pollinisation est l’un des plus emblématiques. Assurée par une diversité d’insectes — abeilles, bourdons, papillons — elle est indispensable à environ 75 % des cultures alimentaires dans le monde. Sans elle, les vergers se raréfient, les potagers s’appauvrissent, les rendements agricoles s’effondrent. Autre pilier invisible mais vital : la filtration naturelle de l’eau. Zones humides, forêts et tourbières agissent comme d’immenses éponges biologiques, purifiant l’eau que nous buvons et réduisant la dépendance aux stations d’épuration artificielles.
La nature joue aussi un rôle décisif dans la régulation du climat. Les forêts, les prairies permanentes ou les océans stockent d’immenses quantités de carbone et atténuent les dérèglements climatiques. Quant à la fertilité des sols, elle repose entièrement sur la vie qui les habite : vers de terre, champignons mycorhiziens, bactéries… un monde souterrain aujourd’hui gravement affecté par les intrants chimiques et la mécanisation.
Enfin, face aux chocs extrêmes — crues, sécheresses, canicules — ce sont encore les écosystèmes qui nous protègent. Les mangroves, les haies, les marais ou les forêts ripicoles absorbent l’eau excédentaire, rafraîchissent les températures locales et agissent comme boucliers naturels.
Ces services, pourtant essentiels et irremplaçables, nous sont offerts gratuitement. Mais leur disparition, elle, aura un prix. Et ce prix sera vertigineux. Selon l’OCDE, si nous continuons à dégrader les écosystèmes au rythme actuel, cela pourrait représenter jusqu’à 10 % du PIB mondial d’ici à 2050. Autrement dit, le coût de l’inaction écologique dépasse déjà largement celui de l’effort nécessaire.
Ignorer cela, c’est nier l’évidence scientifique. C’est trahir non seulement les générations futures, mais aussi les citoyens d’aujourd’hui, dont la santé, l’économie et la sécurité dépendent d’un environnement sain.
L’Europe, dernier rempart ?
Alors que la France semble piétiner ses engagements écologiques, un mouvement de fond, plus discret mais potentiellement décisif, émerge à l’échelle de l’Union européenne. Entré en vigueur le 18 août 2024, le Règlement européen sur la restauration de la nature (Nature Restoration Law) représente une avancée majeure dans le droit environnemental européen — sans doute la plus ambitieuse depuis la directive Habitats de 1992.
Ce texte, arraché de haute lutte face aux résistances de certains États membres et aux lobbys agro-industriels, impose aux 27 pays de l’UE une obligation juridique claire : restaurer au moins 20 % de leurs espaces terrestres et marins d’ici 2030, et tous les écosystèmes dégradés d’ici 2050, en priorité ceux qui sont les plus stratégiques pour la biodiversité, le climat et la sécurité alimentaire.
Contrairement aux directives, ce règlement est directement applicable dans tous les États membres. Cela signifie que la France ne peut pas en diluer la portée dans des lois nationales plus faibles ou différées : elle doit le mettre en œuvre de manière concrète et transparente. Parmi les obligations figurent la réintroduction de la nature dans les villes, la remise en état des rivières (notamment via la suppression d’obstacles à la continuité écologique), la reconstitution des zones humides, la restauration des prairies et des forêts naturelles, ainsi que le renforcement des populations de pollinisateurs sauvages.
Une concertation nationale cruciale, mais fragile
C’est dans ce contexte qu’est lancée, le 23 mai 2025, la concertation publique en France. Elle s’étalera sur trois mois — jusqu’à fin août — afin de recueillir les avis des citoyens, des ONG, des élus, des agriculteurs, des chercheurs, et de toute structure concernée par le projet de plan national de restauration de la nature que la France doit soumettre à la Commission européenne en septembre 2026.
Ce plan devra identifier les écosystèmes prioritaires, définir les objectifs de restauration chiffrés, et préciser les moyens mobilisés pour y parvenir. C’est donc un levier démocratique majeur, où la société civile peut — et doit — peser pour éviter que ce texte ne soit vidé de sa substance sous la pression des intérêts court-termistes. Or, cette concertation se déroule à bas bruit, en pleine période estivale, au risque de passer inaperçue du grand public.
Et pourtant, les enjeux sont immenses. Car c’est bien ici que se joue l’avenir des forêts primaires du Massif central, des zones humides de la Brenne, des tourbières du Jura, des prairies fleuries du Morvan, des rivières envasées du bassin Adour-Garonne ou encore des fonds marins abîmés du golfe du Lion. Sans une mobilisation citoyenne forte, la tentation sera grande, pour les autorités, de proposer un plan minimaliste, sans ambition réelle, construit sur des indicateurs flous ou non contraignants.
Une occasion historique de reprendre la main sur l’avenir
Ce règlement européen est aussi une réponse claire à l’inaction généralisée : selon l’Agence européenne pour l’environnement, 81 % des habitats naturels en Europe sont en état de conservation défavorable, un chiffre qui s’aggrave chaque année. Restaurer la nature, ce n’est donc pas un luxe, mais une nécessité existentielle, pour maintenir les conditions d’habitabilité de notre continent.
Pour les citoyens français, cette consultation est l’occasion de faire entendre une voix claire : celle d’un engagement pour le vivant, d’un refus du déclin organisé, d’une exigence de cohérence entre les discours climatiques et les actes politiques. Elle permet de contrer les logiques de contournement, de clientélisme local ou de désengagement étatique, en imposant des objectifs concrets, vérifiables, équitables.
Un texte fondateur, à ne pas laisser mourir sur le papier
Le règlement européen sur la restauration de la nature est sans doute l’un des derniers grands instruments juridiques à même de répondre à l’ampleur de la crise écologique actuelle. Il repose sur un principe fondamental : ce qui a été détruit peut — et doit — être réparé. Mais sa réussite dépendra d’un facteur clé : la volonté politique et la vigilance citoyenne.
Face aux forces qui s’opposent à sa mise en œuvre — certaines filières agricoles, des lobbys immobiliers, ou des élus climatosceptiques — il faudra opposer la mobilisation, la transparence et l’exigence. Restaurer la nature, c’est renouer avec une forme de justice intergénérationnelle, redonner de la résilience à nos territoires, et bâtir une Europe qui protège vraiment.
Résister par la voix, agir par l’engagement
La Fête de la Nature n’est pas un simple rendez-vous de contemplation champêtre ou une opération de communication verte. C’est un acte politique au sens noble du terme, un moment où les citoyens se réapproprient la question écologique, non pas par la peur ou la contrainte, mais par la curiosité, l’émerveillement et la transmission. Ce « cri du cœur collectif » ne se limite pas à quelques animations bucoliques : il peut devenir un point d’appui pour l’action, un levier pour faire société autrement, autour d’un bien commun trop longtemps négligé.
Dans un contexte de recul démocratique sur les enjeux écologiques, chaque événement local, chaque balade naturaliste, chaque atelier de reconnaissance des chants d’oiseaux ou de semis de haies devient une forme de résistance joyeuse. Célébrer le vivant, c’est en refuser la disparition. C’est remettre la nature au centre de nos vies, de nos récits, de nos politiques. Et c’est, surtout, refuser la résignation.
Concrètement, comment agir ?
Face au sentiment d’impuissance que génère l’ampleur de la crise écologique, l’action collective et locale offre des prises immédiates et efficaces. Voici quelques voies d’engagement concrètes, accessibles à tous, souvent à l’échelle de son quartier ou de sa commune :
- Participer à des inventaires de biodiversité
De nombreuses associations (comme la LPO, l’Office pour les insectes et leur environnement – Opie, ou Tela Botanica) organisent des programmes de science participative. Observer, photographier et transmettre ses données permet d’enrichir la connaissance du vivant local et de mieux orienter les politiques de protection. - Rejoindre ou initier des groupes de défense du territoire
Qu’il s’agisse de haies menacées par un projet routier, d’une zone humide ciblée pour un entrepôt logistique, ou d’une forêt publique en danger, des collectifs se mobilisent partout en France (comme ceux contre les mégabassines ou les projets de Center Parcs). S’y engager, c’est faire poids, médiatiser des luttes, et parfois gagner. - Créer ou soutenir des micro-réserves naturelles
Des communes, des collectifs de citoyens, des lycées agricoles ou même des particuliers créent des zones de reconquête écologique : corridors de haies, mares, forêts jardinées, friches gérées sans pesticides. Il existe des labels comme « Refuges LPO » ou des démarches comme « Oasis Nature » de l’association Humanité et Biodiversité qui facilitent ces démarches. - Agir politiquement, au niveau local
De plus en plus de décisions se jouent dans les plans locaux d’urbanisme, les schémas d’aménagement ou les chartes agricoles départementales. Participer à ces consultations, interpeller ses élus, demander des comptes aux maires ou aux préfets sur leurs engagements en faveur de la biodiversité : voilà une démocratie vivante. - Appuyer les alternatives agricoles et alimentaires
Consommer des produits issus de l’agroécologie, soutenir une AMAP, un marché paysan ou une coopérative bio, c’est contribuer à une économie du vivant qui ne détruit pas la base de notre subsistance. Chaque euro dépensé dans ce sens est un vote pour une agriculture compatible avec le monde vivant. - Participer aux mobilisations nationales ou européennes
Des marches pour le climat aux actions de désobéissance civile (comme celles d’Extinction Rebellion ou des Soulèvements de la Terre), les moyens d’expression ne manquent pas. Ils permettent de remettre les enjeux écologiques sur le devant de la scène, souvent face à des gouvernements sourds.
Une résistance fertile et non violente
Ce que rappelle la Fête de la Nature, c’est que la défense du vivant ne passe pas seulement par l’alarme, mais aussi par la célébration, la transmission, le lien affectif. La joie d’enseigner à un enfant le chant du merle ou la floraison des orchidées n’est pas un luxe dans un monde en crise : c’est un acte fondateur. Il ne s’agit pas de fuir la gravité des faits, mais de ne pas s’y laisser engloutir.
Cette joie — partagée, incarnée, enracinée — est ce qui transforme la culpabilité en action. Elle donne une forme de puissance face à l’inertie politique. Résister devient alors un geste du quotidien, à la fois culturel, éducatif, agricole, artistique ou juridique. C’est à cette condition que la nature célébrée ne deviendra pas une relique, mais une promesse.
« Crache la lave, », école du cerisier, YouTube. Poème écrit par des enfants de Petite Section, pour célébrer la Pulsion de Vie des 4 éléments, dans les pas de G. Bachelard,, pour le Printemps des Poètes à l’Université, de Nice, « Poésie Volcanique »
https://youtu.be/kvTxozKL6to