Les scientifiques commencent à envisager sérieusement un plan radical de géoingénierie de l’environnement afin de lutter contre le changement climatique et d’atténuer certains des effets néfastes qu’il a déjà sur nous et sur l’environnement. Plusieurs groupes de scientifiques étudient l’idée de projeter un nuage d’aérosols sulfatés dans la haute atmosphère. Cela disperserait une partie des rayons du soleil dans l’espace, réduisant ainsi la vitesse à laquelle la Terre se réchauffe.
Une telle mesure pourrait contribuer à mettre un terme aux effets néfastes du changement climatique, tels que le blanchiment des coraux et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des ouragans. James Crabbe, de l’Université du Bedfordshire au Royaume-Uni, mène une recherche pour déterminer le type d’effets que ce type de géoingénierie peut avoir sur la région des Caraïbes où l’étude est menée. Crabbe affirme au New Scientist : « Nous montrons de façon très convaincante qu’en injectant du dioxyde de soufre dans l’atmosphère, les températures à la surface de la mer diminueraient de façon significative vers 2069 ».
Il est vrai que lorsque la mer est trop chaude, les coraux expulsent les algues minuscules qui vivent dans leurs tissus et qui nourrissent leurs hôtes par la photosynthèse. Les coraux deviennent blancs ou « blanchis ». Après un blanchiment sévère, la plupart des coraux meurent de faim. Le fait de maintenir les températures à un niveau bas a empêché, selon le modèle, que le phénomène ne se produise.
Mais le blanchiment des coraux n’est pas la seule menace. Selon James Crabbe, la gestion du rayonnement solaire réduirait également la fréquence des cyclones, typhons et autres ouragans. Ces tempêtes intenses « détruisent les récifs coralliens, non seulement en les écrasant, mais aussi en limitant leur reproduction et leur recrutement » : les larves dérivantes ne peuvent pas s’attacher à un nouveau récif en eaux agitées. Crabbe prétend que des ouragans se produiraient encore, mais pas aussi fréquemment, ce qui laisserait aux récifs le temps de se rétablir.
Naturellement, ce type d’altération de l’environnement soulève bien des questions. « L’une des principales préoccupations concernant la gestion du rayonnement solaire n’est pas nécessairement son efficacité, mais ses effets secondaires », déclare Rob Bellamy de l’Institute for Science, Innovation, and Society de l’Université d’Oxford. Il met en garde contre les problèmes potentiels qui peuvent survenir lorsque des écosystèmes fragiles sont ainsi perturbés : « cela pourrait perturber les régimes météorologiques régionaux et les moussons », ce qui serait un réel problème parce que beaucoup de gens dépendent de cycles saisonniers prévisibles pour des tâches comme l’agriculture.
Ces changements pourraient influencer les gens à l’échelle régionale et locale, ce qui signifie que si certaines parties du monde observeront les avantages escomptés, d’autres seront forcées de faire face à ses effets négatifs. Circonstance aggravante, les scientifiques ne sont pas en mesure de garantir que, si les changements mis en œuvre s’avéraient nuisibles, ils pourraient être annulés.
Si de tels changements pouvaient être mis en œuvre, ils ne sauraient à eux seuls assurer la sécurité mondiale contre les changements climatiques sur le long terme. Bellamy se demande ce qui se passerait si le système de géoingénierie était arrêté, par exemple dans le cas d’un attentat terroriste. Il propose la réponse suivante : « Les températures mondiales reviendraient à ce qu’elles auraient été sans la géoingénierie », ce qui entraînerait une augmentation rapide et sans précédent de la température mondiale. Ce serait encore plus dangereux qu’une augmentation graduelle.
Crabbe admet que « nous ne savons pas… ce qui arriverait au milieu marin » dans ce scénario. Nous voilà rassurés ! Mais il ajoute aussitôt, dans un souffle désespéré : « La situation est actuellement si extrême qu’il faut prendre des dispositions ».
Un autre scientifique, Russell Seitz, de l’Université Harvard, a proposé une solution de rechange, moins agressive, pour refroidir la mer : augmenter la réflectivité des océans grâce à de minuscules bulles d’air qui pourraient être apportées à peu de frais par les navires ou les plates-formes pétrolières. Les durées de vie des microbulles sont mesurées en minutes, par opposition aux mois nécessaires pour allumer et éteindre les aérosols stratosphériques, de sorte que l’éclaircissement de l’eau peut permettre un meilleur contrôle local de la réduction de l’intensité du rayonnement solaire..
D’autres chercheurs ont proposé d’éclaircir les nuages au-dessus des récifs coralliens, ce qui ne refroidirait que cette zone, et de réduire l’acidification des océans – une autre menace pour les coraux causée par les émissions de gaz à effet de serre – en ajoutant des minéraux à l’océan pour neutraliser l’acide.
En tout état de cause, le rythme actuel des changements climatiques est un véritable désastre pour la Terre et ses habitants, et il faut faire quelque chose de radical pour lutter contre le réchauffement de la planète. Il reste encore beaucoup de recherches à faire pour s’assurer que toute solution de génie climatique profite à la planète entière. De plus, de telles solutions spectaculaires de géoingénierie ne devraient pas se substituer à la réduction volontaire des émissions nocives. Ce sera peut-être plus lent, mais beaucoup moins dangereux que ces délires dignes du Dr Folamour. Laissons donc la géoingénierie pour les studios de Hollywood, qui adorent produire des films cataclysmiques comme Geostorm, le dernier en date. Les technosciences ne pourront pas nous sauver dans la guerre contre le climat, contrairement à ce que pensent certains apprentis sorciers.
Sources : New Scientist, Popular Science, Futurism
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