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France et climat

France et climat : messages brouillés et grand écart

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Dans la lutte contre les dérèglements climatiques, la France est dans le rouge. Elle ne tient pas ses engagements, elle est en retard sur ses objectifs et en plus, elle donne des leçons aux autres. En attendant, les français suffoquent sous la canicule dont on nous annonce que ce n’est que le début. Une inertie de l’État face à l’urgence et aux chocs annoncés qui laisse perplexe. Le gouvernement est-il à ce point soumis aux pressions des lobbies ? Est-il incompétent et inconscient des risques ? Ou bien pense-t-il que les jeux sont faits et qu’il n’y a plus rien à faire pour enrayer la machine infernale climatique ? Les historiens du futur, s’il en existe encore, sauront sans doute démêler les nœuds de cette énigme.
 
La France n’est pas sur la bonne trajectoire pour respecter ses objectifs climatiques et en plus, elle ne se donne pas les moyens d’y parvenir. Ce jugement ne provient pas d’une ONG ou d’une bande d’écolos hyper-radicaux. Il est signé par le Haut Conseil pour le climat (HCC), cette instance formée d’experts indépendants que le gouvernement lui-même a mis en place il y a quelques mois.
 
« Les actions engagées restent insuffisantes, alors que l’ensemble des politiques climatiques devrait dès maintenant être renforcé », note cette instance indépendante dans son premier rapport, publié ce mardi 25 juin en plein cœur d’une canicule qui devrait se répéter avec le dérèglement en cours.
Ce diagnostic d’une cinquantaine de pages, intitulé « Agir en cohérence avec les ambitions », a été remis au Premier ministre Edouard Philippe. Le gouvernement a six mois pour y répondre devant le Parlement.
 

Engagements non tenus

Le HCC, composé de onze experts reconnus, y salue la décision du pays d’inscrire dans la loi un objectif de neutralité carbone en 2050 (impliquant que la France n’émette pas plus de gaz à effet de serre que ses « puits » – sols, forêts… – ne peuvent en absorber). Mais « au rythme actuel, les engagements de la France ont peu de chance d’être tenus », explique à l’AFP sa présidente, la climatologue Corinne Le Quéré.
 
« Tant que l’action en réponse au changement climatique restera à la périphérie des politiques publiques, la France n’aura aucune chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela il faut que les mesures pour réduire les émissions deviennent une priorité nationale, au cœur des décisions des acteurs publics et privés », souligne la scientifique, co-auteur de trois rapports du Giec.
 
Sur ces quatre dernières années, la France n’a ainsi pas tenu ses objectifs de réduction d’émissions, et si 2018 a été meilleure, les conditions météo y ont largement contribué, note le rapport.
En cause notamment, les transports (31% des émissions) : la demande croît, l’électrification est en retard… Mais aussi les bâtiments (19% du total), un sujet actuellement au cœur de vives discussions au Parlement sur le traitement à réserver aux « passoires énergétiques ».
 

Le climat n’est pas au cœur de l’action publique

Pour le Haut conseil, il faut des réformes structurelles pour mettre le climat « au cœur de l’action publique ». Ainsi, inscrire dans la loi les objectifs à court terme de réductions d’émissions, pour les graver et envoyer un signal à tous les acteurs.
 
Que chaque grand projet soit compatible avec l’objectif neutralité carbone, que l’impact des lois soit évalué : « Qui peut nous dire l’impact sur les émissions de la loi sur les mobilités (LOM), ou de la loi Egalim ? », souligne Mme Le Quéré.
 
Le rapport revient sur la nécessité de reprendre et faire évoluer la taxe carbone, étincelle de la colère des Gilets jaunes, vers plus de transparence, d’équité. Et « comme en attendant son gel crée un vide, le gouvernement devrait renforcer d’autres instruments », note la climatologue, notamment les normes ou supprimer les subventions aux énergies fossiles, qui ont doublé en dix ans. « C’est bien d’avoir l’objectif de neutralité carbone, ce qui manque fondamentalement c’est comment on y va », résume Laurence Tubiana, autre membre du HCC.
 

Grand écart

Ces critiques cinglantes du Haut Conseil pour le climat s’adressent au gouvernement français et singulièrement à Emmanuel Macron. Le président de la République s’est en effet, dès les premières semaines de son élection, posé en défenseur de la planète. En décembre 2017, il réunissait le One Planet Summit ; devant des dizaines de dirigeants mondiaux réunis, Emmanuel Macron lançait à la communauté internationale : « On est en train de perdre la bataille contre le réchauffement et le changement climatique. On ne va pas assez vite et c’est ça le drame. On doit tous bouger car on aura tous à rendre compte. »
 
Belles paroles que la France répète inlassablement sur la scène internationale. Mais pour ce qui est de la mise en exécution, les décisions traînent, les engagements ne sont pas pris à la hauteur des enjeux. Observant la position de la France dans le concert européen, Anne Bringault, responsable transition énergétique du Réseau Action Climat n’hésite pas à dire que la France est championne du grand écart : « On a un double discours permanent de la part de la France. D’un côté elle pousse pour des objectifs plus ambitieux à Bruxelles sur le long terme. Mais à plus court terme, il y a un problème de mise en œuvre : la France a l’habitude de se fixer des objectifs et de ne pas les tenir ». Aussi, quand la France annonce la neutralité carbone pour 2050 ou la réduction de 40 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030, plus personne ne la croit.  Les messages sont brouillés car le gouvernement ne prend pas de mesures concrètes pour y parvenir. C’est exactement ce qu’a voulu souligner le HCC dans son dernier rapport.
 

Valider l’inaction

Exemple emblématique de cette politique climat pusillanime, la question du nucléaire et celle, liée, des énergies renouvelables. La loi transition énergétique en cours de discussion fait marche arrière par rapport à la précédente adoptée sous Hollande, qui prévoyait de réduire la part du nucléaire à 50 % de la consommation d’énergie en 2025 : l’échéance est repoussée à 2035.
« Nous avons proposé un chemin crédible pour réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici 2035, avec le développement massif des renouvelables et notamment de l’éolien en mer », a expliqué le Premier ministre Édouard Philippe lors de sa déclaration de politique générale, mercredi 12 juin devant l’Assemblée nationale.
Un calendrier qui suppose d’allonger la durée de vie des centrales, qui sont déjà en bout de course : leur âge moyen atteindra près de 50 ans en 2035, alors qu’elles sont prévues pour durer 40 ans en moyenne.
Pour le réseau « Sortir du nucléaire », cette décision consiste à « valider l’inaction ». « Nous souhaitons attirer votre attention sur les conséquences de cette trajectoire, tant en termes de démocratie et de politique énergétique et de sûreté », alerte l’ONG dans une lettre adressée aux députés français.
 

Rébellion citoyenne

Le gouvernement français en particulier, mais à peu près tous les gouvernements du monde devraient se méfier de leur posture par rapport aux questions climatiques. Leur inaction ou leurs hésitations sont vues de tous. L’opacité politique est de plus en plus battue en brèche par l’hypervisibilité des nouveaux moyens d’information. Les citoyens voient tout et savent tout. Ou presque. Impossible de cacher, pour le gouvernement français par exemple, qu’il est singulièrement gêné sur la question du nucléaire. Difficile d’expliquer à l’opinion publique les pressions infernales des industriels de l’énergie, ou de justifier le sacrifice des énergies renouvelables pour quelques centrales de plus.
 
La France est loin d’être le seul État dans le monde à donner l’impression de désarmer ou de déserter face à la guerre climatique. Cette situation est le détonateur d’une vague de fond qui est en train de toucher plusieurs régions du monde, en Europe comme aux Etats-Unis. La vague du réveil citoyen, une force collective protéiforme qui n’a qu’un seul objectif : peser sur les États pour les contraindre à agir. 
Les marches pour le climat se multiplient, les collectifs fleurissent partout, les initiatives les plus hétéroclites sont annoncées. Quand, en France, la pétition « L’affaire du siècle » est lancée pour poursuivre l’État pour inaction climatique, les compteurs s’affolent. Plus de deux millions de signatures en quelques jours ; un record digne du Guinness.
Il faut dire que, face aux dérèglements climatiques, les recours en justice se multiplient dans le monde, contre des mesures insuffisantes pour garder le réchauffement ou la pollution sous contrôle.

LIRE DANS UP : Face à l’inertie climatique les citoyens attaquent les États

Face à l’urgence climatique, le « lobbying citoyen » se met en ordre de bataille. Des plateformes numériques dédiées sont créés, des kits de mobilisation mis à disposition, des événements, rencontres, marches, points de rendez-vous sont organisés avec comme but unique, celui de fédérer un maximum d’acteurs (associations/ONG, citoyens, artistes, entreprises, médias, représentants politiques) et de réfléchir ensemble à la manière de transformer notre société et de mener cette transition écologique.

LIRE DANS UP : Climat : les citoyens entrent en rébellion

Le gouvernement a peu de temps devant lui pour faire face à ces défis et répondre aux critiques. Dans un communiqué publié mardi soir, le Premier ministre Edouard Philippe, tout en répétant que la lutte contre le changement climatique est « une priorité du gouvernement », reconnaît que l’action doit « être amplifiée au regard de l’urgence ». Rappelant que Mme Le Quéré sera auditionnée début juillet lors du prochain Conseil de défense écologique, il assure que le gouvernement « présentera à cette occasion les premières réponses et les suites qu’il compte donner aux recommandations du Haut conseil, dont certaines seront prises en compte dès l’examen parlementaire du projet de loi relatif à l’énergie et au climat ». Ça chauffe…
 
Avec AFP, Euractiv

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