Alors que le monde accélère sa transition vers des énergies propres et une économie numérique, le cuivre s’impose comme un matériau stratégique incontournable. Dans son rapport sur le commerce mondial publié ce 6 mai, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) alerte sur une pénurie imminente de cuivre, qui pourrait compromettre les objectifs globaux en matière de durabilité et de transformation numérique et appelle à repenser le commerce du cuivre face aux menaces qui pèsent sur la transition mondiale.
L’industrie mondiale du cuivre entre dans une phase charnière — une phase qui exige non seulement une augmentation de la production, mais aussi des stratégies de croissance plus judicieuses, plus inclusives et axées sur la technologie.
Une demande en forte croissance, une offre sous pression
La demande mondiale de cuivre devrait bondir de plus de 40 % d’ici à 2040. Ce métal est essentiel à de nombreux secteurs clés, notamment les véhicules électriques, les énergies renouvelables, les centres de données, les réseaux intelligents et les infrastructures d’intelligence artificielle. Pourtant, l’offre peine à suivre le rythme.
Plusieurs obstacles freinent l’augmentation de la production : la baisse de la teneur moyenne du minerai, des incertitudes géopolitiques et des délais de développement très longs – jusqu’à 25 ans pour lancer une nouvelle mine. Selon la CNUCED, satisfaire la demande d’ici à 2030 nécessiterait la création de 80 nouvelles mines et plus de 250 milliards de dollars d’investissements.
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Une répartition inégale des capacités de transformation
Actuellement, la Chine domine le traitement et le raffinage de nombreux minéraux critiques, y compris le cuivre. Cette concentration géographique limite les possibilités pour d’autres pays, en particulier ceux en développement, de capter une part plus importante de la chaîne de valeur.
La CNUCED met en garde : si les pays en développement continuent de se cantonner à l’exportation de matières premières brutes, ils risquent de passer à côté d’opportunités majeures en matière d’industrialisation, d’emploi et de croissance inclusive.
Appel à un commerce plus intelligent et plus durable
Face à ces défis, la CNUCED plaide pour une approche plus stratégique du commerce mondial du cuivre. Cela inclut des politiques commerciales plus intelligentes, qui favorisent la diversification économique et la transformation locale des ressources, des investissements ciblés dans l’exploration, l’extraction et le traitement, mais également une amélioration des capacités de recyclage, pour réduire la dépendance aux mines primaires et renforcer la durabilité.
Les pays riches en ressources exportent le cuivre brut et passent à côté de gains en valeur ajoutée
Plus de la moitié des réserves mondiales de cuivre se trouvent dans seulement cinq pays, dont l’Australie, le Chili, la Fédération de Russie, le Pérou et la République démocratique du Congo. Mais la majeure partie de la valeur ajoutée est créée ailleurs. La Chine importe aujourd’hui 60 % du minerai de cuivre mondial et produit plus de 45 % du cuivre raffiné.


La CNUCED constate que de nombreux pays riches en ressources naturelles sont coincés au bas de la chaîne de valeur, exportant des matières premières, mais incapables de s’industrialiser. L’escalade tarifaire — les droits de douane peu élevés sur le cuivre brut (moins de 2 %) augmentent fortement (jusqu’à 8 %) sur les produits transformés tels que les feuilles et les fils, ce qui peut décourager une progression sur la chaîne de valeur.
La plupart des grands exportateurs de cuivre se situent également en dessous de la moyenne mondiale en termes de complexité économique, ce qui souligne la nécessité d’investir dans les infrastructures, les compétences et des politiques commerciales ciblées.

La plus grande partie de la valeur ajoutée au cuivre se trouve dans la production de fils
Part de la première utilisation (semi-production) du cuivre, pourcentage, 2023
« Le cuivre n’est plus seulement une matière première, c’est un atout stratégique », a déclaré Luz María de la Mora, directrice de la Division du commerce international et des produits de base à ONU commerce et développement. « Son marché met en évidence les asymétries de pouvoir qui continuent de façonner le commerce mondial. C’est pourquoi nous devons investir dans la valeur ajoutée produite localement, intensifier le recyclage et supprimer les obstacles commerciaux qui en limitent les possibilités. C’est un moment où tous les pays peuvent être gagnants, à condition que le commerce soit mis au service du développement. »
Le recyclage fournit désormais 1 tonne de cuivre sur 5
En 2023, 4,5 millions de tonnes, soit près de 20 % du cuivre raffiné dans le monde, provenaient de sources secondaires. Les États-Unis, l’Allemagne et le Japon sont les principaux exportateurs de déchets, tandis que la Chine, le Canada et la République de Corée en sont les principaux importateurs.
Pour les pays en développement, le recyclage du cuivre est une opportunité stratégique. Le renforcement des capacités locales peut réduire la dépendance à l’égard des importations, diminuer les émissions et soutenir des pratiques d’économie circulaire pour protéger l’environnement et utiliser les ressources de manière plus efficace.
Le cuivre, un test pour les futures stratégies commerciales
Le rapport affirme que le cuivre est un test pour la gestion des matières critiques dans un contexte de tensions commerciales mondiales, de fragmentation des chaînes d’approvisionnement et d’évolution des politiques industrielles. Ces risques reflètent le ralentissement général et l’incertitude signalés précédemment par la CNUCED.
Celle-ci préconise des stratégies commerciales et industrielles plus judicieuses (simplification des autorisations, réduction des droits de douane, chaînes de valeur régionales) afin d’aider les pays en développement à progresser dans la chaîne de valeur et à participer plus équitablement aux transformations énergétiques et technologiques.
Bien plus qu’un simple métal, le cuivre est présent dans nos téléphones, nos maisons, nos voitures – infiltrant discrètement notre quotidien. Alors que la demande pour des technologies renouvelables, comme les panneaux solaires et les voitures électriques, continue d’augmenter, le cuivre devient un atout majeur et, ainsi, un véritable indicateur de la capacité des systèmes commerciaux mondiaux à s’adapter aux nouvelles exigences de l’économie verte et numérique. La manière dont les gouvernements et les entreprises relèveront ce défi pourrait déterminer la réussite – ou l’échec – de la transition globale.
Source : CNUCED, 6 mai 2025
Photo d’en-tête : © Shutterstock/ Anna Kucherova | Skouriotissa, à Chypre, où l’extraction du cuivre remonte à près de 4 000 ans