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Pour exploiter l’énergie des océans, il faudra encore ramer…

Pour exploiter l’énergie des océans, il faudra encore ramer…

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Les mers et les océans représentent plus de 70 % de la surface du globe. C’est une manne d’énergie gigantesque qui n’est pas encore réellement exploitée. Une énergie verte, parfaitement renouvelable, qui pourrait produire une part importante de la consommation électrique mondiale. Un enjeu colossal qui pousse les innovateurs à multiplier d’imagination. De nombreux chantiers, projets et certaines réalisations existent. Mais on est encore loin du compte. Les difficultés s’accumulent face a des océans qui ne se laissent pas si facilement dompter.

Une énergie renouvelable, propre, qui ne produit pas de déchets et dont la production est quantifiable et prévisible : l’usine marémotrice de la Rance, entre Saint-Malo et Dinard, cumule depuis 50 ans ces atouts. Mais ce modèle pionnier, destiné à produire de l’électricité grâce à la force des marées, n’a jamais été reproduit en France et assez peu dans le monde. Seuls quelques rares ouvrages similaires ont depuis vu le jour, dont le plus important dans la baie sud-coréenne de Siwha.

La force des marées en question

Inaugurée en 1966, l’usine de 240 mégawatts (MW) produit assez d’électricité (500 GWh) pour alimenter 250.000 foyers. Tout semble parfait sur le papier mais il y a un hic. Son barrage de 750 mètres de long et 33 de large bloque l’embouchure de la Rance. « Les échanges entre l’estuaire et le milieu marin ont été complètement bloqués, ce qui a eu un impact énorme au niveau environnemental », explique à l’AFP Antoine Carlier, écologue marin à l’Ifremer.

Certes, depuis cinquante ans, « des études ont montré que la biodiversité était revenue, il n’empêche que les milieux estuariens sont fragiles, et aujourd’hui on aurait beaucoup de difficulté à y entreprendre des travaux », souligne Yann-Hervé De Roeck, directeur général de France Énergies Marines (FEM).

Reste que l’idée de produire de l’électricité grâce aux marées, une technologie désormais mature, n’a pas été abandonnée et de nouveaux projets émergent, consistant notamment à créer des lagons marémoteurs hors zones estuariennes. « Là, le risque écologique est moindre », souligne Antoine Carlier.

Dans un rapport intitulé « Nouveau marémoteur » et diffusé début 2019 par la Société hydrotechnique de France (SHF), l’énergie marémotrice est considérée comme « un atout majeur pour la transition énergétique ». L’organisation savante dédiée à la recherche en hydraulique évalue le potentiel technique exploitable dans le monde à 1.250 TWh/an, alors que la production effective actuelle n’est que de 1TWh/an, soit 0,2% de la consommation électrique française annuelle.

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Hydroliennes : peut mieux faire

Parmi les autres énergies marines, les hydroliennes, ces turbines sous-marines actionnées par les courants marins, peinent, elles aussi, à décoller malgré leurs atouts : impact environnemental faible, absence de nuisance visuelle et gisement conséquent, de 10 GW en Europe dont entre deux et trois en France.

Mais la technologie n’est pas encore mature. « Il y a des problèmes d’étanchéité, de corrosion et de maintenance sur ces machines sous-marines, ce qui renchérit les coûts des projets », explique Marc Le Boulluec, spécialiste à l’Ifremer du comportement des structures en mer.

Naval Énergies a ainsi annoncé en 2018 l’arrêt de ses investissements dans le secteur, faute —pour cette filiale de Naval Group (ex-DCNS) et Bpifrance— de soutien public, l’État estimant la technologie encore trop chère. En 2017 Engie et General Electric avaient déjà jeté l’éponge.

« On a voulu viser tout de suite les zones de plus fort courant et très profondes, et pour cela il a fallu mettre en place des machines gigantesques… on a peut-être sauté des étapes », avance un expert du secteur sous couvert d’anonymat. Les acteurs plus petits comme le breton Sabella ou l’isérois HydroQuest semblent tirer leur épingle du jeu en misant sur des marchés de niche comme les zones non reliées au réseau électrique comme certaines îles ou le fluvial.

La bioinspiration à la rescousse

Malgré les difficultés techniques, les hydroliennes font encore rêver. Certains innovateurs s’inspirent de la nature pour inventer de nouvelles hydroliennes, plus économiques, plus simples et donc plus efficaces. C’est le cas de EEL Energy qui développe ainsi une hydrolienne d’un nouveau genre, sans hélice, bioinspirée de la nage de certains poissons : grâce à une membrane ondulante, elle peut produire de l’électricité à partir des courants marins ou fluviaux.

Cela ressemble à une grande nageoire qui imite les ondulations des poissons comme l’anguille ou la raie. Ce prototype d’hydrolienne est réalisé en fibre de verre, renforcé par des fibres de carbone époxy recouvertes d’un caoutchouc qui résiste aux déchirures et aux abrasions et sur lequel les organismes marins ne se fixent pas. Sous l’effet du courant, l’ondulation de la membrane est transformée directement en électricité par des convertisseurs électromagnétiques linéaires. L’hydrolienne s’oriente ainsi automatiquement au gré du courant et démarre à faible vitesse de fluide. Selon ses concepteurs, elle peut être installée à faible profondeur, à proximité des côtes, mais aussi dans les fleuves.

D’autres technologies visent à exploiter l’énergie des océans, depuis les vagues et la houle (houlomoteur) aux différences de températures entre eaux profondes et de surface (énergie thermique des mers), en passant par la réaction obtenue quand eau douce et eau salée se rencontrent (osmotique). Elles en sont cependant à des stades encore moins avancés que l’hydrolien. « On reste confiant car la ressource énergétique est vraiment très grande », assure Yann-Hervé De Roeck, rappelant que les investissements au niveau mondial dans ces énergies « ne sont pas énormes » pour le moment par rapport à ceux dont ont bénéficié le solaire ou l’éolien…

Du vent dans les pales

L’éolien justement, et plus particulièrement l’éolien marin pourrait être une solution. L’idée d’installer des éoliennes géantes en pleine mer ressemblait à une sorte d’évidence : les vents y sont forts et réguliers, et les nuisances, notamment esthétiques, quasi nulles. C’est pourquoi la France avait prévu, lors de la mise en œuvre de sa transition énergétique, d’installer 500 à 600 machines de grande puissance d’ici 2030. En 2015, la loi « de transition énergétique » avait confirmé ces objectifs et précisé qu’en 2030, 40 % de notre électricité devraient être issus des énergies renouvelables. Aujourd’hui, le bilan est décevant.

Éoliennes offshore
Éoliennes offshore

Bien que la France possède le deuxième gisement d’éolien en mer d’Europe et que le premier appel d’offres concernant la réalisation de parcs offshore remonte à 2011, notre pays ne compte toujours aucune éolienne offshore en activité, alors qu’il en existe désormais plus de 4 000 installées dans dix pays européens. De manière incompréhensible, aucun parc éolien marin ne devrait être opérationnel en France avant la fin du quinquennat, en 2022.

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Le retard persistant dans l’approbation de nouveaux projets alimente les spéculations selon lesquelles le gouvernement français aurait une motivation peu avouable pour freiner l’expansion de l’éolien : celle de privilégier l’industrie nucléaire.

En effet, la Programmation pluriannuelle de l’énergie concoctée par le gouvernement prévoit une hausse de la demande d’électricité à moyen terme. Un scénario discutable : le gestionnaire de réseau prévoit au mieux une stagnation de la demande. Cette hausse hypothétique correspond en revanche bien au projet du gouvernement de développer le nucléaire : seule une augmentation de la demande en électricité peut légitimer la construction de nouvelles centrales. Dans sa stratégie globale pour la transition énergétique, le président Emmanuel Macron défend « en même temps », le développement des énergies renouvelables et la conservation, dans le mix énergétique, d’une part de 50 % de nucléaire à l’horizon 2035.

En entravant, par des méthodes de guérilla administrative, le développement des énergies renouvelables en général et des énergies marines en particulier, n’est-on pas en train de créer une forme de fait accompli qui conduirait à nous résoudre à concevoir le nucléaire comme seule solution viable au risque climatique ? Une stratégie de pourrissement pour faire accepter ce qui est encore pour beaucoup inacceptable.

Avec AFP

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