XTU Architects et le consortium SymBIO² ont dévoilé à l’exposition « Paris de l’Avenir » (1), les avancées récentes et immenses potentiels d’une algoculture urbaine pour une ville bio-inspirée et durable. L’innovation repose sur l’intégration la plus durable et passive possible de cultures de microalgues en façade de bâtiment. Ces « biofaçades », sorte de « serres verticales » consistent en l’intégration de « capteurs solaires biologiques » (les photobioréacteurs plans intensifiés) dans des façades à hautes performances environnementales.
Photo : « Ville dépolluante et productive » Concept, 2009 © XTU architects
Comment voir les apports de la recherche et l’engagement de tous dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour la reconquête de la biodibersité ? L’exemple de
XTU Architects est probant : il a créé « AlgoNOMAD », un pavillon de sensibilisation à l’algoculture urbaine et aux nouvelles « biofaçades » développées par le consortium SymBIO². Il a vocation à immerger le grand public dans un futur urbain bio-inspirée, où les microalgues seraient cultivées sur nos façades et nos routes faites d’algobitumes, où le phytoplancton nettoierait nos eaux usées tout en produisant des molécules de substitution à la filière pétrochimique, et où les avions voleraient aux algocarburants. Exposition et laboratoire en même temps, cette architecture à la croisée de la biologie et de la physique apprivoise la matière vivante, «l’algue», et l’utilise comme un matériau novateur et producteur pour la ville.
Le monde marin était connu de beaucoup comme étant « le monde du silence ». De nombreux ouvrages (2) et références montrent aujourd’hui qu’il est également et surtout, le monde de l’infiniment vivant par ses gisements extraordinaires de diversité.
Les microalgues peuplent les océans, lacs et cours d’eau depuis plus de 3,5 milliards d’années et sont à la source de la chaine alimentaire et à l’origine de notre atmosphère respirable grâce à la photosynthèse. Elles sont l’un des principaux puits de carbone de la planète, absorbant 30% du CO² émis par les activités humaines, et concourent ainsi à limiter le dérèglement climatique.
Les microalgues, à l’origine de l’atmosphère respirable de notre planète, fournissent des services environnementaux méconnus, comme la captation de CO2 ou le nettoyage des eaux usées, et sont en phase de compléter avantageusement la pétrochimie pour produire les molécules essentielles dont nous avons besoin pour la santé, la cosmétique, l’alimentation, voire les biomatériaux ou la production d’énergie renouvelable !
Leur intégration intelligente en ville représente un fabuleux potentiel encore inexploité, pour rendre nos villes plus durables.
Rendu 3D, photo-bioréacteurs plans intégrés architecturalement et techniquement en mur-rideau © XTU architectes
Le pari de l’agence XTU et de ses partenaires du consortium SymBIO² est de développer aujourd’hui des technologies très innovantes afin de capter cet énorme potentiel pour rendre nos villes plus durables : champs d’algues verticaux pour des « biofaçades » intégrant des cultures de microalgues et améliorant l’empreinte environnementale du bâtiment. Bes bâtimùents de 3ème génération producteurs de biomasse, valorisation des déchets urbains en chimie verte, routes en bitume algal, capteurs solaires biologiques,…Créé en 2011 à l’initiative d’XTU Architects afin de développer les technologies, procédés et marchés pour l’algoculture urbaine, le consortium SymBIO² rassemble toutes les expertises nécessaires à la conception, réalisation, exploitation et maintenance de «biofaçades» et autres systèmes d’algoculture urbaine. Il regroupe à ce jour : XTU Architects, Viry (Groupe Fayat), Séché Environnement, R.F.R, OASIIS, Kalitec Génie Climatique, AlgoSource Technologies et le laboratoire GEPEA (UMR 6144 CNRS / Université de Nantes / Oniris / Ecole des Mines de Nantes).
L’agernce XTU a été créee en 2000 par Nicolas Desmazières et Anouk Legendre.
Doux rêve d’architecte ? Loin s’en faut : après sept années de R&D, et des prototypes validés sur un banc d’essai en 2013, une biofaçade pilote de 200 m² est en construction sur le site du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) à Champs-sur-Marne, pour une mise en service au printemps 2016… et un bâtiment de logements arborant une biofaçade de presque 1.000 m², proposé par BPD Marignan et XTU Architects, avec Groupe SNI et MU Architecture, a été retenu en finale du concours Réinventer Paris.
Pourquoi cultiver les microalgues ?
Parce qu’elles produisent toutes sortes de molécules utiles à la société : huiles, protéines, métabolites et vitamines, elles permettront de faire demain des biocarburants, bioplastiques, fertilisants, aliments, médicaments, cosmétiques…. et même de l’eau propre ! Certains y voient un véritable « eldorado » de l’énergie. De plus elles dépolluent et consomment du gaz carbonique.
Comment les cultivait-on avant ?
On les a d’abord cultivées dans des bassins à l’air libre : des cultures difficiles à contrôler car exposées aux contaminations, et aux variations climatiques.
Les scientifiques ont alors inventé les « photobioréacteurs », sortes d’aquariums de culture transparents, de forme tubulaires, puis plans, pour cultiver à haut rendement. Etant donné que maintenir les cultures à température constante consommait beaucoup d’énergie, les industriels ont installé ces cultures sous serre.
Pourquoi les cultiver dans les façades ?
Parce que les microalgues sont des petits êtres sensibles qui aiment vivre dans la même ambiance thermique que les humains : ni trop chaud en été, ni trop froid en hiver, elles donneront le meilleur d’elles même.
En élevant les microalgues dans une double façade, on associe la culture et le bâtiment. On mutualise les moyens au bénéfice des deux :
– 50% de consommation d’énergie thermique en moins pour le bâtiment,
– 80% de consommation d’énergie thermique en moins pour les microalgues par rapport à des cultures classiques en bassin.
C’est donc un bilan énergétique très passif !
Cela permet de mutualiser aussi l’investissement et l’espace au sol. On réalise une association symbiotique et les façades des villes se rendent utiles !
Qu’est-ce qu’une biofaçade ?
Les microalgues sont élevées dans des doubles vitrages remplis d’eau. L’épaisseur d’eau est faible. Pour optimiser l’accès à la lumière, et donc la photosynthèse, les algues sont toujours maintenues en mouvement par un « bullage d’air » appelé « air lift ».
Le dispositif est desservi par un réseau hydraulique discrètement intégré aux montants. Il assure l’arrivée et l’évacuation d’eau et d’air. Le tout s’intègre dans une double façade qui réalise un « espace tampon » autour du bâtiment et permet l’entretien des installations. En hiver elle captera l’énergie du soleil, en été les flux d’eau et la ventilation réaliseront une façade rafraîchissante. L’ensemble constitue une « biofaçade », un champ vertical de culture de microalgues intégré au bâtiment.
Comment récolte-t-on ?
Les microalgues se multiplient dans la journée et sont récoltées automatiquement le soir en vidant, et en diluant le milieu de culture. La biomasse récoltée et concentrée est transportée en laboratoire pour être raffinée. Le cycle de récolte dure de un à quelques jours suivant les espèces et les saisons. Il n’y a que des algues jeunes dans le dispositif.
Comment entretient-on la biofaçade ?
L’installation est contrôlée à tout moment par des sondes, qui alertent sur l’état de santé des cultures, le pH, la température,… et le bon fonctionnement du dispositif. L’information est centralisée et transmise par internet à un poste de contrôle qui peut être délocalisé. L’équipe de maintenance intervient si nécessaire.
Le bullage, les rythmes et les pratiques culturales sont spécialement étudiés par le laboratoire du GEPEA pour éviter l’adhérence des microalgues aux vitrages et permettre une culture en continu. La simplicité et l’ergonomie de la maintenance font partie des enjeux clefs du dispositif.
Où peut-on installer ces biofaçades ?
Les biofaçades s’intègrent à des logements, des hôtels, des bureaux, des centres commerciaux, des usines. Une exposition sud, sans ombrage, est la meilleure. Le programme « SymBIO² » explore, compare et optimise les bilans de ces différentes configurations… Elles sont parfaites en réhabilitation devant des façades existantes et ont aussi des qualités acoustiques.
Quelle est la surface minimum rentable et qu’est ce qu’un « quartier chimie verte » ?
Un minimum de 1000 m² de façade sud est nécessaire pour rentabiliser l’installation d’une biofaçade et l’équipe de maintenance nécessaire. A savoir que cette même équipe saurait entretenir des surfaces beaucoup plus grandes. En augmentant la surface de culture on optimisera donc l’installation. Ainsi est né le concept de quartier « chimie verte » : un quartier coopératif où plusieurs immeubles mutualisent l’exploitation de leurs champs de microalgues.
Devra-t-on toujours avoir des façades vertes ?
Les façades ne seront pas forcément vertes. Il y a toutes sortes de micro algues, des jaunes, des vertes, des rouges, et mêmes des algues vertes qui deviennent rouges lorsqu’elles sont stressées…. Alors la façade pourra « rougir » comme pour exprimer ses émotions. Il est également possible de changer d’espèce, et de couleur suivant les saisons.
Y aura-t-il du bruit ou des odeurs ?
Le bullage est discret et le compresseur est situé dans un local isolé, le dispositif ne sera pas bruyant.
A quoi servent les microalgues ?
Demain, les microalgues seront très présentes dans la vie de tous les jours. Le vivant remplacera les ressources épuisées par notre civilisation. On les trouvera :
– sur les routes dans les algocarburants, l’algobitume,
– dans les airs avec l’algokérosène récemment expérimenté par Airbus,
– dans les villes avec les algoplastiques , les algoemballages biodégradables,
– dans la chimie qui disposera de molécules biosourcées,
– dans le traitement les eaux,
– dans l’agriculture, elles fertiliseront les plantes et amenderont les sols,
– dans les élevages elles apporteront protéines, vitamines, médicaments, et renforceront l’immunité,
– elles sont dans nos médicaments, nos vitamines, nos produits de beauté,
– elles seront dans nos assiettes, nos œufs, nos produits laitiers, nos boissons, parce qu’une protéine végétale requiert 9 fois moins d’énergie globale, et 9 fois moins d’eau qu’une protéine de bœuf et peut être que le goût même évoluera, et qu’on trouvera ça bon !!
Pourquoi est-ce vertueux ?
C’est vertueux parce ce que ça transforme le gaz carbonique en valeur positive, Ça fonctionne en cycle court, ça préserve les terres agricoles, c’est solaire.
Ça fait repenser la question de l’énergie globalement, en incluant, l’eau, la chimie, l’alimentation…. Ça amène une nouvelle façon de penser la ville, plus symbiotique, plus économe Ça met en valeur les différentes filières françaises et européennes qui sont excellentes …
Cela existera-t-il vraiment demain ?
Si les premiers projets pouvaient ressembler à un rêve futuriste, comme « X-seaty », cette ville « dé-pollueuse » qui fonctionnait à l’énergie des microalgues, aujourd’hui la réalité rattrape la fiction. Les chercheurs, les architectes et les ingénieurs se sont emparés du sujet et on peut dire maintenant que ça existe déjà.
Hambourg a inauguré à l’été 2014 son immeuble «BIQ », premier habitat équipé de façades mobiles à microalgues suivant une technologie conçue par ARUP, SSC et COLT !
Simultanément s’inauguraient à Nantes et à Saint Nazaire, un démonstrateur (AlgoNomad) et un banc d’essai de biofaçade (SymBIO²-BOX) suivant la technologie élaborée par XTU / SymBIO². Le consortium SymBio² va réaliser une première mondiale : une « biofaçade » sur une centrale de valorisation des déchets ménagers (Nantes Métropole, opérée
par le Groupe Séché Environnement), en valorisant les échanges énergétiques et chimiques avec celle-ci. Et cela pour fin 2015.
(1) Pendant les 15 jours de la COP21, une exposition grand public de grande ampleur a été organisée au pied de l’Hôtel de Ville de Paris pour illustrer les actions de la Ville de Paris et de ses partenaires dans la lutte contre le changement climatique.
AlgoNOMAD, un pavillon de sensibilisation à l’algoculture urbaine et aux «biofaçades» y était présenté, afin d’immerger le grand public dans un futur urbain bio-inspiré.
(2) Bactéries marines et biotechnologies de Jean Guézennec – Editions Quae, septembre 2014
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