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Convention citoyenne pour le climat : le début de la désillusion

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150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat, avaient remis au Président de la République le 29 juin dernier 149 propositions pour lutter contre le réchauffement climatique dans un esprit de justice sociale, avec pour objectif de diminuer de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Ce 30 septembre, trois mois plus tard, les « trois jokers » prévus par Emmanuel Macron font des petits. Un « détricotage » selon les élus écologistes qui dénoncent « un reniement, tant sur le fond que sur la méthode » et regrettent l’absence de toute mesure alternative.

C’est la désillusion. « Le gouvernement se lance, en cette rentrée, dans l’effilochage des propositions : après les discours enthousiastes vient le temps du détricotage » déclarent le maire EELV de Grenoble, Eric Piolle et le député du Maine et Loire EDS Matthieu Orphelin, dans une tribune dans Le Monde ce 30 septembre.
146 propositions avaient été retenues sur les 149 proposées par les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat, laissant de côté la limitation de vitesse à 110 km/h, la taxe sur les dividendes et la modification du préambule de la Constitution.

Aujourd’hui, la liste des « jokers » s’allonge alors que le Premier ministre recevait ce mercredi 30 septembre une délégation de citoyens pour, selon les mots de l’un d’entre eux, « un point d’étape (…) après de nombreuses attaques récentes. »
« Semaine après semaine, une par une, les mesures fortes de la convention sont abandonnées. C’est un reniement, tant sur le fond que sur la méthode », déplorent ces élus, en énumérant les sujets de recul.

Le moratoire sur la 5G

La proposition. Soucieuse de l’empreinte carbone grandissante de notre consommation numérique, la Convention citoyenne proposait « d’instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat »« Nous voulons que, d’ici 2025, le numérique soit un moyen pour participer à la transition et pas un outil qui contribue toujours davantage à la hausse des émissions », justifiaient-ils.

La déclaration. C’est Emmanuel Macron qui s’est chargé lui-même d’enterrer cette proposition, le 14 septembre, devant un parterre d’entrepreneurs du numérique. « Oui, la France va prendre le tournant de la 5G parce que c’est le tournant de l’innovation, a-t-il lancé. J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle amish [une communauté religieuse américaine hostile à la technologie] permette de régler les défis de l’écologie contemporaine. »

La fin des liaisons aériennes intérieures pour les trajets faisables en train en moins de quatre heures

La proposition. Pour limiter les effets néfastes du transport aérien, les citoyens voulaient interdire les liaisons intérieures « sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un trajet de moins de quatre heures) ».

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La déclaration. Cette mesure faisait partie des jokers non assumés comme tel par Emmanuel Macron lors de son discours du 29 juin devant la Convention. « Lorsqu’il y a un trajet en TGV qui est possible en deux heures et demie ou moins, nous ne poursuivons pas les lignes intérieures avec l’avion. Par contre, j’ai vu que parfois, dans les débats, c’était quatre heures, je crois qu’il faut savoir raison garder »avait-il déclaré.

L’interdiction de la construction de nouveaux aéroports et des extensions

La proposition. Pour limiter la croissance du trafic aérien, les citoyens voulaient « interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants »« Une décision récente démontre qu’il est possible d’agir en ce sens. En effet, en février 2020, la Cour d’appel d’Angleterre a jugé illégal le projet de construction d’une troisième piste pour l’aéroport d’Heathrow (Londres), faute de prise en compte des engagements climatiques du Royaume-Uni », justifiaient-ils.

La déclaration. Secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari a annoncé qu’« il y aura des extensions sobres quand c’est nécessaire » le 1er juillet 2020 sur BFMTV.

La baisse de la TVA sur les billets de train

La proposition. Pour encourager les déplacements en train, un moyen de transport peu polluant, les citoyens souhaitaient « réduire la TVA sur les billets de train de 10% à 5,5% »« Nous voulons que, d’ici 2030, la part du train dans les déplacements augmente, au-delà des lignes à grande vitesse », expliquaient-ils, jugeant nécessaire de « le rendre plus attractif » en jouant notamment sur la tarification.

La déclaration. Peu enthousiasmé par les mesures de la Convention citoyenne, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, s’est opposé publiquement à cette mesure. « Je ne suis pas favorable à ce qu’on touche les taux de TVA », a-t-il déclaré sur BFMTV le 30 juin, arguant du coût pour l’Etat d’une telle mesure.

La création d’un crime d’écocide

La proposition. Pour mieux protéger les écosystèmes, la Convention citoyenne veut créer un crime d’écocide, adossé au concept des limites planétaires. Dans le viseur des 150 citoyens, « les multinationales qui détruisent la planète dans un but mercantile sans s’occuper ni des populations, ni des écosystèmes », expliquait l’un d’entre eux en juin, à France TV info. Cette proposition avait été accueillie de manière contrastée par les associations et les spécialistes du droit.

La déclaration. L’ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, avait balayé en juin cette mesure. « Pour que notre vie commune puisse fonctionner, il faut concilier droits et libertés. Si vous dites qu’au-dessus de cette conciliation, il y a un principe supérieur, qui est la protection de l’environnement, cette conciliation devient viciée », avait-elle déclaré sur France Inter.

La régulation de la publicité sur les produits très polluants

La proposition. Pour faire évoluer la consommation vers des produits moins polluants, la Convention citoyenne proposait « d’éviter toutes les incitations à la consommation de produits non-vertueux pour l’environnement » en supprimant « l’exposition publicitaire des produits les plus polluants ». La Convention donnait l’exemple des voitures émettant plus de 95 grammes de CO2/km et proposait de créer, pour classer ces produits, un CO2 score comparable au Nutriscore pour les aliments.

La déclaration. Dès le 30 juin, sur BFMTV, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, s’est dit « réservé » sur le sujet, préférant mieux informer le consommateur sans aller jusqu’à l’interdiction de la publicité.

La création d’un critère de poids du véhicule dans le malus automobile

La proposition. Partant du constat que le malus écologique sur les ventes de voitures « ne prend pas en compte le poids, alors que les véhicules les plus lourds ont un impact bien plus important sur le climat », que ces véhicules provoquent plus d’accidents, produisent davantage de particules au freinage et prennent plus de place dans l’espace public, la Convention voulait « intégrer le poids dans le barème » de ce malus. Concrètement, il s’agissait notamment d’ajouter 10 euros par kilo supplémentaire au-delà de 1 400 kg.

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La déclaration. La mesure aurait pu figurer dans le projet de budget 2021 présenté par le gouvernement le 28 septembre. Mais le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, s’y est opposé. « Dans le contexte économique actuel, je ne veux aucune augmentation d’impôt et je veux protéger les emplois industriels, les usines et le pouvoir d’achat des Français », a déclaré ce dernier aux Echos.

L’augmentation de l' »éco-contribution » sur le transport aérien

La proposition. Pour inciter les Français à moins voyager en avion et compenser les exonérations fiscales sur le kérosène, les citoyens voulaient augmenter l’éco-contribution kilométrique créée en 2019 – 1,50 euro pour un vol intérieur ou européen, 18 euros hors UE – jugée « bien trop faible pour avoir un effet dissuasif ». L’objectif affiché est de « mieux refléter les dommages environnementaux générés par l’aviation ». Un barème en fonction de la distance et de la classe était même proposé : il fixait cette taxe à 60 euros pour un vol en classe éco d’une distance supérieure à 2 000 km.

La déclaration. Sur LCI le 21 septembre, le secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a balayé cette proposition, estimant qu’elle aurait « des conséquences délétères » pour le secteur. « Il ne faut pas moins voyager, mais faire en sorte que l’aviation soit moins émissive, moins polluante », a-t-il argué, dénonçant un « aviation-bashing ».

 

« En matière de démocratie participative, il n’y a rien de pire que de consulter les citoyens sans ensuite tenir compte de leur avis. Au lieu de renforcer la confiance dans les élus, cela ne fait qu’accroître leur défiance », alertent les deux élus dans un communiqué à l’AFP, en appelant le gouvernement à « se reprendre, s’il le peut« .
« A moins que, finalement, depuis le début, l’objet de la convention pour le climat n’ait été que de démontrer aux citoyennes et citoyens que les sujets étaient complexes et qu’il n’y avait pas de possibilité d’agir et de changer les choses ? Ce serait désolant, vu les enjeux, mais pas si étonnant… », ajoutent le maire Europe Ecologie-Les Verts et le député Ecologie Démocratie Solidarité.

« Alors, qui veut tuer la convention citoyenne pour le climat », interrogent-ils, en notant que « pas une seule fois, l’exécutif ne propose, à la place de celles de la convention, des mesures alternatives pour atteindre l’objectif qui leur était fixé […] ».

Pierre Rosanvallon formulait joliment la tension qui pouvait résulter de la désillusion, en matière politique, comme « le rêve du Bien et la réalité du flou » (1). Il entendait par là le rêve d’une communauté d’égaux affranchis de l’oppression collective par un commun effort d’intelligence et de dialogue, et le flou d’une histoire troublée, souvent violente, qui semble échapper de toutes parts aux catégorisations disciplinaires. 

La désillusion, entraînant défiance et ressentiment en augmentation dans notre société, ne devient-elle pas un mal minant le fonctionnement de la démocratie ? Ou, au contraire, serait-elle l’un de ses ressorts fondamentaux ? Frein ou levier pour l’action ?
Le 14 juillet dernier, lors de son intervention télévisée, Emmanuel Macron, interrogé sur l’échec de sa politique déclarait : « Il y a une crise de confiance, un doute permanent sur nous-mêmes en tant que pays. » Et de proposer de « bâtir plus fortement une confiance ». Le lendemain, le nouveau Premier ministre, Jean Castex, enfonçait le clou lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale : « Ce sera notre première ambition […]. Que l’on contribue à restaurer cette valeur cardinale qui soude les sociétés comme les valeurs humaines : la confiance. La confiance du peuple en ses élites. La confiance entre l’État et les corps intermédiaires qui structurent la société, la confiance en l’avenir. » 

(1) « Pour une histoire conceptuelle du politique », Leçon inaugurale au Collège de France, donnée le 28 mars 2002, Paris, Seuil, 2003 p. 15.
Voir aussi « La contre-démocratie, la politique à l’âge de la défiance » (Edition du Seuil, 2006 )

Sources : AFP, France-Info

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cjcitoyen@gmail.com
3 années

Ce n’est pas une découverte ! Il est temps que tout un chacun retourne aux urnes, au lieu de s’en remettre à un ersatz de « démocratie participative » basée sur un tirage au sort simulé ! IL y a en France, au total 550 000 élus … qui ne sont pas tous des tricheurs, ce qui est largement suffisant pour faire entendre sa voix avec un pour 100 adultes !!!!! Mais pourquoi sinon, voudriez-vous que les élus et en particulier le « Président » et le « gouvernement » scient la branche sur laquelle ils sont assis … même si ils n’ont obtenu que moins… Lire la suite »

opdlm@orange.fr
3 années

RENDRE VISIBLE LE REEL
Faire SECESSION et lire et faire lire LA CHARTE DE LA TERRE signé par bon nombre de Pays a RIO en 1987 (Wikipédia)

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