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Retisser le lien entre l’Homme et la terre : une urgence vitale

Lancement de Terres Innovantes : Rencontres en ville entre jeunes agriculteurs et habitants curieux

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Dans notre monde actuel, l’urbanisation galopante nous éloigne chaque jour un peu plus de la nature. Il devient impératif de retrouver notre connexion à la terre. L’agriculture, en tant que pilier fondamental de notre alimentation et de notre bien-être, ne peut plus être perçue comme une simple industrie déconnectée de nos vies quotidiennes. C’est dans cette dynamique que s’inscrit l’initiative Terres Innovantes, qui franchit une nouvelle étape en se déployant à l’échelle nationale, à l’occasion du Salon International de l’Agriculture (SIA).

Nous faisons nos courses au supermarché, sans réellement intégrer les produits que nous achetons comme venant avant tout du « vivant ». Que ce soient les étals de légumes, de poissons, de viande, et même les conserves, tout cela vient de la terre, du travail de la terre, du travail de paysans et d’éleveurs qui nous nourrissent. Derrière chaque fruit, chaque morceau de pain, chaque bouteille de lait, il y a une histoire, celle d’un sol cultivé, d’une main qui sème, d’un regard attentif qui veille sur la croissance. Derrière chaque viande, il y a des vies. Et il est grand temps de se reconnecter, par exemple, à la mesure de l’expérience de l’animal tué. L’éleveuse  Noémie Calais l’explique parfaitement bien :  « J’aimerais que chaque consommateur de viande fasse l’expérience de la mort de l’animal qu’il souhaite manger. Pas pour le culpabiliser ou le mettre au défi, mais pour qu’il prenne la mesure de ce que c’est que de prendre la vie, pour qu’il ressente les soubresauts nerveux de l’être vivant qui meurt, qu’il voit les paupières se fermer, qu’il palpe le pouls qui s’en va et sente le sang chaud sous ses doigts. Sinon, il mange de l’ignorance, trois fois par jour. » Elle ajoute : « Tuer, c’est se transformer soi-même. J’ai tué une part d’innocence en moi, elle est devenue respect et conscience de l’équilibre du vivant et de cette place de l’animal dans notre écosystème. Plus jamais alors, après avoir donné la mort, je n’ai consommé de viande à la légère, plus jamais je n’ai regardé de la même façon cette tranche de jambon industriel dans mon sandwich. »(1)

Nous avons oublié que l’acte de se nourrir est avant tout un échange avec la nature, une reconnaissance du labeur de ceux qui façonnent nos paysages et remplissent nos assiettes.
En prenant l’exemple tout simple du pain, l’auteur Jean-Philippe de Tonnac (2) explique que « La modernité, qui se méfie de la profondeur, n’aime pas l’idée d’un arrière-pays, pense en avoir terminé une bonne fois pour toutes avec l’invisible, nous voudrait pantins mobiles, toujours disponibles, sans racines, a réduit le pain à peu de chose sans que ce peu de chose parvienne néanmoins à masquer tout le « hors-champ » du pain. C’est drôle de parler de « hors-champ » s’agissant du pain, n’est-ce pas ?, lui qui naît d’un champ de blé où, quelques mois plus tôt, quelqu’un, d’un geste auguste élargi « jusqu’aux étoiles », a semé « la moisson future au sillon » (3). Je vous parle d’un temps que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître. Le temps des paysans semeurs marchant, une poignée de graines dans la main, seigle, épeautre, froment, engrain, amidonnier, peu importe, comme dans la tableau de Jean-François Millet » (4).

Le projet novateur Terres innovantes vise à recréer du lien entre agriculteurs et citadins, en leur offrant un espace de dialogue et de partage autour de la convivialité et des produits locaux. Dans un contexte où les stéréotypes persistent et où les réalités du monde agricole sont souvent méconnues, il devient essentiel de réhabiliter l’image d’une agriculture humaine, au service des humains.
De jeunes agriculteurs créent ainsi des événements originaux et sans prétention, où tout le monde parle avec tout le monde, autour de bons produits.

A l’image des convictions et de l’engagement de certains agriculteurs-éleveurs, comme l’éleveuse Noémie Calais et l’éleveur Clément Osé qui « voulaient remettre sur la table le vécu et les vérités de terrain pour lutter contre la déconnexion générale vis-à-vis de l’alimentation, dire les absurdités et les injustices imposées aux paysans, relayer leur lutte et leur appel et surtout témoigner du monde nouveau, joyeux et subversif qui naît par nécessité ». (1)

Une agriculture de proximité, un enjeu citoyen

Loin d’être un simple secteur économique, l’agriculture est avant tout une affaire de société. Elle conditionne la qualité de notre alimentation, l’équilibre de nos territoires et le maintien d’un tissu social entre urbains et ruraux. Pourtant, le fossé entre ces deux mondes ne cesse de s’élargir.

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Terres Innovantes s’engage à rapprocher les jeunes agriculteurs et les consommateurs, à travers des rencontres conviviales et festives. Ces événements gratuits, organisés sur inscription, permettent à chacun de mieux comprendre les réalités du métier, mais aussi de redécouvrir le plaisir d’une alimentation de qualité, issue d’un circuit court et respectueux des hommes et de la nature. 

Photo ©Sabrina Hadj-Hacene

Il faut croire à la nécessité de rassembler des profils variés, pour initier des discussions franches et directes, sans intermédiaire, afin de casser les idées reçues sur le monde agricole – entre autres – et de recréer du lien social autour des agriculteurs.

On se retrouve à table !

Le repas – qu’il s’agisse d’un brunch, d’un déjeuner, d’un apéritif ou d’un dîner – est au cœur de la rencontre. Espace de découvertes autour de produits issus de l’agriculture locale, temps d’échange et de partage apaisé, le repas est offert dans toute sa dimension sociale.
Nombre de participants : une vingtaine.
Coût de l’inscription : gratuit dans la limite des places disponibles.

Chaque rencontre est unique : les animations sont imaginées en fonction de la ville, du lieu d’accueil et de la saison. Les participants sont invités à prendre part à des jeux « brise glace » où ils seront amenés à se mettre dans la peau d’un agriculteur ou d’un citadin, répondre à des quizz, confectionner des plats, etc. Le but étant de créer une atmosphère conviviale qui mette à l’aise chacun et libère la parole. Durée de la rencontre : 2 heures environ.

Un engagement collectif pour un avenir durable

Dès 2025, le projet se déploie sur l’ensemble du territoire, en encourageant les habitants à proposer des rencontres dans leur ville. Grâce à un formulaire en ligne, chaque initiative locale sera étudiée pour être adaptée aux spécificités de chaque région. Soutenu par le fonds de dotation des Jeunes Agriculteurs, ce programme ambitionne de briser les préjugés, de favoriser les échanges et de replacer l’agriculture au cœur des préoccupations citoyennes.

Pour proposer une date, rendez-vous sur le site internet : https://www.terresinnovantes.org L’équipe s’occupe ensuite de l’organisation de la rencontre dans la ville choisie.

Il faut croire en une société qui dialogue davantage, dans laquelle les individus qui vivent et pensent différemment font preuve de tolérance les uns pour les autres, où la nuance trouve toute sa place ; le projet veut agir en producteur de vivre ensemble. En réapprenant à tisser des liens avec ceux qui cultivent notre nourriture, nous contribuons non seulement à une meilleure compréhension du métier d’agriculteur, mais aussi à une transition vers une agriculture plus humaine, durable et ancrée dans le quotidien de chacun. Il est temps de réapprendre à aimer la Terre, à travers ceux qui la font vivre.

Terres innovantes peut ainsi répondre à l’engagement que la philosophe Corine Pelluchon dépeint : « Notre responsabilité à l’égard des autres hommes et des autres vivants est engagée chaque fois que nous mangeons, que nous en soyons pleinement conscients ou non. L’alimentation nous relie aux autres êtres, humains et non humains, aux circuits de production et d’échange, aux moyens de transport. Manger c’est contester toute séparation entre les disciplines et se positionner dans l’existence, être d’emblée dans l’éthique et la politique. » La nourriture ne peut s’interpréter comme ustensile ou comme carburant que dans un monde d’exploitation, écrit Levinas après avoir fait remarquer que l’ustensile et l’utilité masquent l’usage des choses et leur aboutissement qui est la satisfaction ou le plaisir (5). Et le plaisir n’est-il pas le mode originel de notre rapport au monde ? 

« La manière dont nous produisons la nourriture, en particulier la viande, qui provient la plupart du temps d’animaux qui ont enduré les pires tourments et la transformation des aliments par l’industrie agroalimentaire prouvent le peu de respect que nous avons pour nous-mêmes et pour celles et ceux qui nous nourrissent » alerte encore la philosophe (6).

Le professeur Marc-André Selosse (7), dans son livre « Les goûts et les couleurs du monde » (8), écrit que « Demain, une génération d’enfants mieux formés pourrait comprendre et questionner le réel avec le goût et l’odorat, en plus de la vue et de l’ouïe, comme outils pour s’étonner et comprendre… Demain, on pourrait aussi tirer plus de plaisirs de la vie quotidienne : ressentir est aussi un art de vivre  qui ne saurait se réduire à la biologie […]. » 

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La connaissance, la convivialité, seraient-elles l’horizon d’une organisation sociale plus juste et, en soulignant la centralité du goût, pourraient-elles installer plus d’éthique, pour empêcher la destruction de notre monde commun ? Car « la libéralisation des marchés qui transforme le vivant en produit manufacturé et en marchandise semble emporter l’humanité dans un courant irréversible. » Les moments de partage que propose Terres innovantes pourraient être l’enclenchement d’un processus de (re)considération à l’égard de nos agriculteurs et de leur travail pour une meilleure jouissance de notre alimentation. 

www.terresinnovantes.org

(1) Noémie Calais et Clément Osé « Plutôt nourrir » – Editions Tana, septembre 2022
(2) « Le pain et le sacré » de Jean-Philippe de Tonnac – Edition Guy Trédaniel, août 2024
(3) Victor Hugo, « Saison des semailles – Le soir », Les chansons des rues et des lois – Livre 2, 1866
(4) Jean-François Millet, Le semeur, 1850.
(5) Emmanuel Levinas – « Totalité et infini, op. cit p 142
(6) Les nourritures, de Corine Pelluchaon – Editions du Seuil, 2016
(7) Marc-André Selosse est professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, où il dirige l’équipe « Interactions et évolution végétale et fongique » au sein de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité.
(8) « Les goûts et les couleurs du monde » – Editions Actes sud, août 2024

Photo d’en-tête : Terres Innovantes à Avignon ©Sabrina Hadj-Hacene

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