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Restaurer la liberté académique et réaffirmer la laïcité dans nos universités

Tribune libre

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Il y a quelques jours, une scène choquante s’est déroulée au sein même d’un lieu qui devrait incarner la liberté de pensée et le respect du débat intellectuel : l’université. Un enseignant-chercheur en géographie politique, a vu son cours brutalement interrompu par des militants pro-palestiniens, masqués et déterminés à faire taire une voix qu’ils jugeaient dissidente. Au-delà de l’agression subie, cet événement soulève une question essentielle : que reste-t-il de la liberté académique quand l’intimidation devient une arme de censure ? Ce fait divers, symptomatique d’une dérive plus large, met en lumière les tensions idéologiques croissantes qui gangrènent les universités françaises, menaçant leur mission fondamentale de transmission du savoir et de dialogue ouvert.

Cette inquiétude n’est pas isolée à la France. Aux États-Unis également, les campus sont devenus le théâtre de profondes fractures idéologiques. En avril 2024, des mobilisations étudiantes contre la guerre menée par Israël à Gaza ont émergé dans de nombreuses universités prestigieuses, à commencer par Harvard. La contestation s’est rapidement étendue, touchant un nombre croissant de campus à travers le pays. Le 18 avril 2024, plus d’une centaine d’étudiants de l’université de Columbia ont été arrêtés pour avoir installé un campement en signe de protestation. Ce mouvement, bien que pacifique dans sa forme initiale, a souvent donné lieu à des tensions vives, révélant à quel point l’espace universitaire peut devenir le lieu d’un affrontement idéologique où la liberté d’expression se heurte aux logiques militantes.

À travers cet article, il s’agit d’interroger les causes et les conséquences de ces atteintes répétées aux principes républicains et de rappeler l’urgence de défendre, avec fermeté, les fondements de notre vie intellectuelle et démocratique.

___________________________________________________________

Le 1ᵉʳ avril dernier, Fabrice Balanche, maître de conférences et directeur de recherche en géographie politique à l’Université Lyon-II, spécialiste du Moyen-Orient et de la Syrie, a été violemment empêché de dispenser son cours par un groupe de militants pro-palestiniens masqués. Ces derniers, dans une démonstration d’intimidation brutale, ont envahi son amphithéâtre, scandant des slogans accusateurs comme « sioniste » et « islamophobe ». Face à cette agression, l’enseignant a choisi de quitter la salle pour éviter tout affrontement.
Cet événement, aussi choquant qu’inacceptable, illustre une dérive préoccupante qui gangrène nos universités : l’emprise croissante de certains groupes idéologiques et religieux sur des espaces censés être dédiés au savoir et au débat intellectuel.

Un espace académique menacé

Les universités françaises ont toujours été des lieux privilégiés pour la réflexion critique, le dialogue ouvert et la transmission des connaissances. Pourtant, ces dernières années, elles sont devenues le théâtre d’affrontements idéologiques qui mettent en péril leur mission fondamentale. L’incident impliquant Fabrice Balanche n’est malheureusement pas isolé. Il s’inscrit dans une tendance plus large où des groupes militants cherchent à imposer leurs vues par la force, au mépris des principes républicains qui garantissent la neutralité des institutions publiques.

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Ce climat délétère est exacerbé par une politisation croissante des débats universitaires. Certains mouvements, souvent qualifiés d’ « islamo-gauchistes », s’emploient à légitimer des revendications radicales sous couvert de lutte contre l’oppression. Ces groupes exploitent les campus pour diffuser leurs idéologies et intimider ceux qui ne partagent pas leurs convictions. Dans le cas de Fabrice Balanche, son engagement académique sur les questions géopolitiques du Moyen-Orient a suffi à faire de lui une cible. Accusé d’être « pro-Assad » et « sioniste », il a été pris à partie par des militants qui ne tolèrent aucune nuance ou contradiction.

Une atteinte à la liberté académique

La liberté académique est un pilier essentiel de toute société démocratique. Elle garantit aux enseignants et aux chercheurs le droit d’explorer des idées, même controversées, sans craindre les représailles ou les pressions extérieures. Lorsque cette liberté est bafouée par des actes d’intimidation ou de violence, c’est toute la mission universitaire qui est mise en péril. En quittant son amphithéâtre sous les huées, Fabrice Balanche a fait preuve d’un courage remarquable en refusant de céder à la provocation. Mais son départ forcé est un symbole inquiétant de ce que nos universités risquent de devenir si ces dérives ne sont pas combattues avec fermeté.

Une leçon tirée des combats pour la laïcité

Il y a une décennie, un épisode marquant a illustré les dangers auxquels peuvent être confrontés ceux qui défendent fermement les principes républicains dans le cadre
universitaire. Dans un IUT de Seine-Saint-Denis, j’avais dû faire face à des menaces de mort répétées, des agressions physiques et une campagne de diffamation orchestrée par des individus cherchant à instrumentaliser les locaux universitaires pour des pratiques religieuses contraires à la neutralité requise par les institutions publiques. Ces attaques étaient motivées par mon refus catégorique de céder sur le principe fondamental de laïcité.
Ce combat, qui s’est déroulé sous une intense pression médiatique et institutionnelle, a mis en lumière les risques encourus par ceux qui s’opposent aux dérives idéologiques. Diffamé et injustement suspendu par sa hiérarchie sous prétexte d’« islamophobie », j’avais finalement été innocenté après plusieurs mois de lutte acharnée devant les instances disciplinaires et judiciaires.

Ce cas emblématique rappelle que défendre la laïcité exige une détermination sans faille face aux intimidations et aux pressions. Il constitue une leçon précieuse pour tous
ceux qui, aujourd’hui, sont confrontés à des situations similaires dans le milieu académique.

Un besoin urgent de réforme

L’agression subie par Fabrice Balanche met en lumière l’urgence d’une réforme profonde pour protéger nos universités contre ces dérives idéologiques et religieuses. Les
établissements d’enseignement supérieur doivent redevenir des sanctuaires du savoir où les débats peuvent se dérouler librement et sereinement. Cela nécessite d’abord un
renforcement significatif des dispositifs permettant de garantir la sécurité physique et morale des enseignants. Aucun professeur ne devrait craindre pour sa sécurité en raison du contenu de ses cours ou de ses recherches.

Ensuite, il est impératif que les principes républicains soient appliqués avec rigueur au sein des campus. La neutralité religieuse doit être strictement respectée dans les espaces publics afin d’éviter toute forme d’instrumentalisation idéologique ou confessionnelle. Les activités militantes doivent également être encadrées pour s’assurer qu’elles ne perturbent pas le fonctionnement normal des institutions ni ne portent atteinte à leur mission éducative.

Enfin, il est essentiel que les autorités universitaires prennent leurs responsabilités en sanctionnant fermement tout acte d’intimidation ou de violence contre les enseignants ou les étudiants. La complaisance face à ces comportements ne fait qu’aggraver le problème en encourageant ceux qui cherchent à imposer leurs vues par la force.

Défendre nos valeurs républicaines

L’agression dont a été victime Fabrice Balanche est un signal d’alarme que nous ne pouvons ignorer. Si nous voulons préserver nos universités comme lieux d’épanouissement intellectuel et culturel, nous devons agir maintenant pour mettre fin à ces dérives idéologiques. Soutenir sans réserve cet enseignant est un devoir moral pour tous ceux qui croient en la liberté académique et en les principes républicains.
En tant que société attachée à ses valeurs fondamentales, nous devons réaffirmer avec force notre engagement envers la laïcité et la neutralité des institutions publiques. Ce combat dépasse le cadre universitaire : il concerne l’avenir même de notre République et sa capacité à garantir l’égalité et le respect mutuel entre tous ses citoyens. Il est temps que nous nous levions ensemble pour défendre ce qui fait notre force : une République libre, éclairée et fidèle à ses principes fondateurs.

Samuel Mayol, chroniqueur invité
Maître de conférences HDR – Ancien directeur de l’IUT de Saint Denis – Directeur du LaRA – ICD – Prix national de la laïcité 2015
Auteur de : « Laïcité, la République jusqu’au bout », éditions L’Harmattan et de « Antisémitisme : la République en danger »

Photo d’en-tête : Tags sur les murs de la cafétéria de Lyon-2, campus Porte des Alpes

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