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La route est-elle un investissement durable ?

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La route est le seul moyen de transport pour des millions de Français au quotidien. Au-delà de sa fonction première, la route est aussi une source de dynamisme territorial et d’emplois. Pour Simon Vernier, à la direction de l’aménagement du territoire du département du Puy-de-Dôme, il faudrait intégrer plus fortement les infrastructures routières dans le plan de relance. Cela pourrait avoir des effets très positifs, à commencer par les investissements locaux profitables sur les plans économique, social et même environnemental. Point de vue.

Comme l’explique La Tribune, le Conseil d’orientation des infrastructures renaît de ses cendres ce 11 mars 2021, quatre ans après sa création en 2017, pour nourrir la loi d’orientation des mobilités. Sa mission : « éclairer le gouvernement sur les politiques d’investissement dans la mobilité et les transports ». L’État programme 13,4 milliards d’euros d’investissements dans les infrastructures de transport d’ici à fin 2022 et 14,3 milliards pour la période 2023-2027. Le point de vue de Simon Vernier est donc, à ce titre pertinent puisqu’il permet de comprendre l’urgence ici aussi de l’entretien et de la modernisation de nos voies d’accès à l’ensemble du territoire.

Sur les 100 milliards d’euros du Plan de relance français, 13,5 milliards seront consacrés aux transports, mais seulement un peu plus de 500 millions d’euros aux infrastructures routières. 250 millions seront mobilisés pour accélérer les projets d’infrastructures inscrits aux contrats de plan Etat-régions (déviations, mise à 2×2 voies, etc.), dont l’exécution est très en retard. 100 millions seront mis sur la table pour installer des voies réservées sur les axes routiers nationaux (bus, covoiturage) et entretenir les ouvrages d’art de l’Etat et des collectivités locales… Et 100 millions pour mettre en place 100 000 bornes de recharge rapide pour les véhicules électriques.

Selon Jean-Baptiste Djebbari, le ministre chargé des transports, les mesures retenues visent à « renforcer l’intermodalité, poursuivre le désenclavement de nos territoires et engager une véritable transformation technologique ». Objectif : « permettre aux Français de continuer à mieux se déplacer tout en contribuant à la diminution de l’empreinte carbone et environnementale des transports… Grâce à « un investissement massif créateur de dizaines de milliers d’emplois ».

Dans cette optique, on peut néanmoins se demander s’il ne serait pas opportun de renforcer les investissements en faveur des infrastructures routières, dont les impacts locaux sont considérables en termes d’emplois, d’économie, de désenclavement des territoires, et donc aussi sur le plan social. D’autant que la route reste un vecteur incontournable pour le développement de la mobilité décarbonée.

Si ce plan fait en effet la part belle aux questions de mobilité (« plan vélo », transports en commun, transports fluvial, maritime et ferroviaire, véhicules électriques), le secteur routier et autoroutier fait un peu figure de parent pauvre de la relance, alors qu’il représente plus de 75 % des déplacements et environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Comme le rappellent les Directions interdépartementales des routes (DIR), « la route est en première ligne des problématiques liées au développement durable » avec une dimension « socio-économique, en raison de la place essentielle de la mobilité dans les facteurs de croissance, et environnementale ».

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Favoriser l’emploi local

Nécessaire pour préserver notre patrimoine routier dont l’état se dégrade de manière inquiétante depuis plusieurs années, la relance de l’entretien et de la modernisation des infrastructures routières aurait également le mérite de favoriser l’emploi local. Contrairement à d’autres, ce secteur d’activité fait appel à des filières, à des entreprises et à des emplois locaux, non délocalisables. Il fait travailler bon nombre d’entreprises et de salariés dans les territoires, et constitue un élément important de leur dynamique économique et sociale. A l’heure où ceux-ci doivent faire face à une grave crise économique, le soutien aux sous-traitants locaux du BTP constituerait une vraie bouffée d’oxygène. Un choix qui serait à l’évidence soutenu par les élus locaux et dont les usagers percevraient immédiatement le bénéfice.

Les sociétés concessionnaires d’autoroutes, par exemple, nouent des partenariats avec les collectivités territoriales afin de favoriser l’emploi, la mobilité et l’économie locale. Vinci Autoroutes contribue ainsi au PIB de la région Occitanie à hauteur de 2,4 milliards d’euros par an, soutenant plus de 33 000 emplois, soit 1,6 % des emplois régionaux. Sur la décennie 2015-2025, le groupe aura même investi un total de 1,7 milliard d’euros dans la région Occitanie. Un engagement qui se traduit par une contribution incontestable à l’essor économique et social de la région, présidée par la socialiste Carole Delga.

Dans le cadre des travaux d’élargissement de l’A9 et dans une démarche volontariste en faveur de l’emploi local, Vinci Autoroutes et Eiffage Génie civil ont même signé avec les collectivités et les organismes d’insertion des Pyrénées-Orientales une convention fixant un objectif de 24 000 heures de travail pour des publics éloignés de l’emploi, soit 8 % du nombre total d’heures estimées sur l’intégralité de la phase trois des travaux. Un objectif largement dépassé puisqu’au final, ce sont 186 722 heures de travail qui ont été réalisées dans le cadre de cette clause d’insertion sociale. Les deux entreprises s’étaient également engagées à confier un volume d’affaires de 4 millions d’euros à des entreprises du département… Et, là encore, l’objectif a été largement dépassé, avec un montant global investi de plus de 21 millions d’euros.

Un gain pour l’attractivité et le développement économique des territoires

En équipant les territoires d’infrastructures routières, ces investissements contribuent également à les rendre plus attractifs pour les populations et les investisseurs, favorisant ainsi la relocalisation des productions. Depuis longtemps, les travaux universitaires montrent que la présence d’infrastructures de transports constitue un élément essentiel du développement économique des territoires. Tout ce qui rend le transport moins cher, plus rapide ou plus efficace abaisse les obstacles aux échanges et donc les coûts de production. Ces échanges intensifient la concurrence, stimulent l’innovation et engendrent de la croissance.
Les infrastructures de transport ont également un impact sur le marché du travail. La productivité d’un territoire  augmente avec la taille du bassin d’emploi. Plus le marché de l’emploi est grand, plus grande est la probabilité que chaque travailleur trouve un emploi correspondant à ses qualifications, et plus est grande la probabilité que chaque entreprise trouve les travailleurs dont elle a besoin. Logiquement, des chercheurs ont ainsi pu mettre en évidence une corrélation entre l’accessibilité des territoires et les niveaux de richesse.

Les infrastructures routières constituent aussi une vitrine de choix pour promouvoir les atouts d’une région. Ainsi, Carole Delga, présidente de la région Occitanie, et Vinci Autoroutes, ont signé en juillet 2018 un partenariat visant à développer la notoriété de la destination Occitanie – Sud de France via la mise en place de panneaux d’information sur 24 aires de repos et l’implantation d’espaces commerciaux sur le réseau autoroutier de la région – emprunté par 62 000 véhicules chaque jour. Un partenariat qui permet, selon Carole Delga, « de renforcer la visibilité des produits de la marque Sud de France et de développer la notoriété de la destination Occitanie, en s’appuyant sur le réseau autoroutier pour en faire des références tant pour les habitants de notre région que pour les clientèles françaises et internationales ».

Une condition du désenclavement

L’entretien et la modernisation des réseaux routiers constituent également une priorité pour le désenclavement de certains territoires. L’une des fonctions fondamentales des routes et des autoroutes est en effet de raccorder les villes petites et moyennes aux métropoles. Or aujourd’hui, du fait des discontinuités des réseaux routier et ferroviaire, certains territoires sont de fait exclus des possibilités d’échanges ou d’accès aux grands réseaux structurants (TGV, autoroutes), mais également aux centres urbains voisins, aux métropoles régionales et européennes, et surtout à un ensemble de services publics, sanitaires, universitaires, culturels…. Une vraie difficulté pour la vie des habitants, qui contribue à entretenir le sentiment d’abandon de la « France périphérique » et les révoltes sociales comme celle des Gilets Jaunes.

« Le sous-investissement de l’Etat a été manifeste et, au rythme de l’effort actuel, deux décennies seraient nécessaires pour remettre en état l’ensemble du patrimoine. Qui pourrait s’en satisfaire ? », reconnaissait ainsi en mai 2018, Élisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des transports.  » La première des priorités à laquelle je suis fondamentalement attachée est la desserte routière de nos territoires », affirmait alors la ministre. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas de grands travaux, mais d’aménagements simples. J’ai l’absolue conviction que ce désenclavement routier mérite que l’on dégage les moyens suffisants et pérennes pour y parvenir ».
En septembre 2018, Élisabeth Borne annonçait un investissement d’un milliard d’euros sur dix ans « pour aménager les routes nationales des territoires qui sont aujourd’hui mal desservis et qui attendent souvent depuis des années, des améliorations de leurs routes ». Une somme qui paraît toutefois largement insuffisante.

Récemment, devant le Sénat, le Premier ministre lui-même affirmait sa « volonté de renforcer l’équilibre des territoires ». Par le développement économique, grâce au déploiement des infrastructures numériques, par la conservation des lignes ferroviaires… Mais aussi en investissant dans l’amélioration du réseau routier. « C’est aussi, je le dis devant le Sénat, peut-être réinvestir dans les routes. Parce qu’à certains endroits, ce sont les seules voies pour désenclaver les territoires », a ainsi souligné Jean Castex.

Avec plus d’un million de kilomètres de voiries, la France détient le plus grand réseau routier d’Europe et ce maillage territorial fait la richesse de notre pays. Encore faut-il que ce « patrimoine de mobilité » des Français soit bien entretenu et amélioré. D’autant qu’il constitue également un vecteur incontournable pour accélérer le développement de la mobilité décarbonée. Ces infrastructures sont en effet capables d’accueillir toutes sortes de modes et d’usages, et constituent donc un terrain propice au développement de toutes les formes d’éco-mobilités : véhicules électriques ou à hydrogène, transports collectifs, covoiturage… C’est tout le sens, par exemple, du programme « Autoroutes bas carbone », qui se concrétise déjà en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Sans une véritable dynamique d’investissements dans ce domaine, la France pourrait ne pas atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé de réduire de 29 % les émissions de CO2 dans les transports d’ici 2028.

Simon Vernier, ex-directeur adjoint à la direction de l’aménagement du territoire du département du Puy-de-Dôme

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