À l’ère où l’effondrement des écosystèmes marins n’est plus une menace lointaine mais une réalité palpable, il devient impératif de repenser notre rapport aux océans — et à ce que nous construisons autour, au-dessus, et parfois même au détriment d’eux. Face à cette urgence, le Blue Ocean Dome, imaginé pour l’Expo 2025 d’Osaka par l’architecte japonais Shigeru Ban en collaboration avec ZERI Japan, ne se contente pas de faire œuvre d’architecture : il lance un cri d’alerte et de mobilisation.
Car non, les océans ne sont pas une simple toile de fond pour de jolies constructions spectaculaires. Ils sont le cœur battant de notre planète, régulateurs du climat, réservoirs de biodiversité, sources de nourriture, de médicaments, de savoirs. Et ils suffoquent. Acides, plastifiés, surexploités, ils appellent à l’aide. Le Blue Ocean Dome est une réponse — audacieuse, radicale, engagée.
Une architecture qui a du sens
Trois dômes se dressent, chacun comme un manifeste : trois visions, trois innovations, une seule urgence commune.
Le Dôme A, tout en bambou laminé, rend justice à un matériau trop souvent relégué, valorise les forêts oubliées, et propose une alternative structurelle à la bétonisation aveugle de nos environnements.
Le Dôme B marque une première mondiale : une structure architecturale en plastique renforcé de fibres de carbone (PRFC), d’une légèreté inédite, sans recours aux fondations traditionnelles. Dans un monde en mouvement, ce bâtiment est nomade, déplaçable, prêt à s’adapter au dérèglement du sol comme du climat.
Enfin, le Dôme C, avec ses tubes de papier inspirés des formes atomiques, est une ode à l’ingéniosité, à la souplesse et à la durabilité. Ce centre de réseautage ne connecte pas que les idées : il relie les engagements.
Réhabiliter l’ambition des Expositions universelles
Shigeru Ban ne mâche pas ses mots : les Expositions universelles ont perdu leur flamme. Là où elles furent autrefois des laboratoires d’utopies concrètes, elles sombrent désormais trop souvent dans l’esbroufe numérique et les formes creuses, plus soucieuses d’esthétique que d’éthique : « Si l’on considère l’histoire des Expositions universelles, l’architecture des pavillons a longtemps été un terrain d’expérimentation pour de nouvelles idées, structures et matériaux destinés à l’architecture de demain. Malheureusement, cette tradition s’est perdue au fil des années, laissant place à des pavillons souvent réduits à de simples « jeux de formes » générés par ordinateur. Avec ce projet, nous proposons des matériaux et des structures inédits à l’échelle mondiale. Le dôme principal est réalisé en PRFC (plastique renforcé de fibres de carbone), un matériau utilisé jusqu’ici dans les carrosseries d’avion ou d’automobile, mais encore jamais comme structure porteuse en architecture. En particulier le poids de la structure à moins que celui de la terre excavée pour les fondations, nous avons pu éliminer tout besoin de pieux sur ce terrain remblayé instable, tout en facilitant le déplacement du bâtiment grâce à sa légèreté, quant à lui, repose sur une structure composée de tubes de papier recyclé et de bambou laminé, développé ici pour la première fois dans le monde.«
Avec le Blue Ocean Dome, Ban renoue avec l’esprit pionnier. Son ambition ? Prouver que l’innovation technologique et l’exigence écologique ne sont pas antinomiques, mais solidaires. Prouver que l’architecture peut — et doit — se mettre au service de la planète, et non l’inverse.
Une œuvre engagée, un architecte engagé
Shigeru Ban n’est pas un nom parmi d’autres. Lauréat du Prix Pritzker d’architecture et du Praemium Imperiale 2024, il a bâti sa carrière sur une conviction : l’architecture doit être humaine, responsable, résiliente. Papier, bois, bambou… Il travaille avec l’essentiel, et redonne de la dignité aux matériaux dits « pauvres », tout en offrant aux populations en détresse des refuges, des espaces, des espoirs. Des prix internationaux qui récompensent le travail d’un architecte qui contribue de manière significative et constante à l’humanité et à l’environnement bâti, en alliant talent, vision et engagement. Fondé sur une approche solide de rationalité structurelle, de conscience environnementale et de pureté spatiale, son travail cherche à intégrer de nouvelles façons de donner vie à des visions emblématiques à travers le monde.
Le Blue Ocean Dome est l’héritier de cette vision, un pavillon-manifeste, un bâtiment qui n’a pas peur de prendre position. Il interpelle autant qu’il inspire. Il nous dit que face au défi colossal de la préservation des océans, nous n’avons plus le luxe de l’indifférence.
L’heure n’est plus aux discours, mais à l’action
L’océan n’attendra pas. L’architecture, comme toute autre discipline humaine, a un rôle décisif à jouer dans la transition écologique. Le Blue Ocean Dome n’est pas une fin, mais un début : l’esquisse d’un futur possible, désirable, nécessaire.
À nous, maintenant, de faire en sorte que ce dôme ne reste pas une exception, mais devienne la norme. Que chaque projet de construction, de développement, de design, se pose cette question essentielle : que laissons-nous à l’océan ? Et que lui devons-nous ?
Image d’en-tête et intérieures : ©Hiroyuki Hirai
« Action ! » . Choeur des petits d’Homme d’aujourd’hui pour les enfants à- venir, école du cerisier, youtube, « Terre- Mère »