Dans un courrier juridique de 38 pages envoyé à la Commission européenne (1), l’association Canopée pointe les entorses du volet forestier du plan de relance vis-à-vis des objectifs européens de préservation de la biodiversité et de lutte contre les changements climatiques.
Pour Bruno Doucet, chargé de campagnes de l’association Canopée : « Derrière la symbolique de la plantation d’arbres, le gouvernement s’est en réalité lancé dans une vaste opération de soutien aux coupes rases et à l’enrésinement de nos forêts ».
La promesse du Président de la République, Emmanuel Macron, de planter « deux arbres par français », soit 140 millions d’arbres, pourrait conduire à la destruction de 46 000 hectares de forêts en bonne santé si ces plantations sont réalisées dans les mêmes conditions que le plan de relance. En effet, 42% des projets financés par le plan de relance portent sur des projets dans des forêts en bonne santé et 87% des opérations sont des coupes rases. La plantation de 50 millions d’arbres représente 45 000 hectares, celle de 140 millions d’arbres, 126 000 hectares. Si l’on applique le même ratio, ce sont donc 46 040 hectares de forêts en bonne santé qui pourraient être rasées (126 000 * 42% * 87%).
Financé à hauteur de 40% par l’Union Européenne, le plan de relance français, adopté en 2020, est censé garantir qu’aucune mesure ne cause de préjudice important aux objectifs environnementaux.
Or, comme le démontre le rapport « Planté ! Le bilan caché du plan de relance forestier », les financements accordés au secteur forestier pour planter une première tranche de 50 millions d’arbres ont déjà eu de nombreux impacts néfastes :
- 87% des projets financés fin 2021 par le plan de relance impliquent des coupes rases (2). Il s’agit d’opérations lourdes, qui fragilisent les écosystèmes et entraînent un déstockage immédiat de carbone ;
- Aucune étude d’impact environnemental n’a été réalisée, notamment en zone Natura 2000 qui concentre 25% des projets ;
- Les plantations réalisées sont essentiellement constituées de monoculture ou sont très faiblement diversifiées. Avec un peu plus de 6000 hectares, le Douglas est l’arbre le plus planté alors que cet arbre n’est pas particulièrement bien adapté au changement climatique.
La France s’est également engagée auprès de la Commission européenne à intégrer des critères relatifs à la biodiversité dans les plans de gestion forestière d’ici à 2021. Un engagement non respecté. Dans le cadre de la révision en cours des règles encadrant la gestion en forêt privée, cet engagement a été délibérément écarté par le gouvernement.
Ce courrier est une nouvelle alerte auprès de la commission européenne qui a constaté les faiblesses du volet forestier du plan national stratégique français pour la PAC 2023-2027. Dans un courrier adressé au Ministre de l’Agriculture et des Forêts, Julien Denormandie, elle pointe le besoin de clarifier « la stratégie de sylviculture durable », le mauvais état de conservation des forêts françaises et la baisse du puits de carbone forestier.
Canopée demande à la Commission européenne de suspendre ses soutiens à la France tant que le gouvernement n’aura pas intégrer de solides critères environnementaux dans sa politique forestière.
(1) https://www.canopee-asso.org/wp-content/uploads/2022/05/Canopee_Lettre-manquement-FranceRelance-engagement-europeen.pdf
(2) Ces chiffres sont issus d’un bilan intermédiaire à la fin de l’année 2021.
Photo d’en-tête : Exemple de coupe rase (Crédit photo : Jean-Luc Pillard pour Canopée)